Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Dans « Les Sortilèges du pope », son premier roman, le scénariste Éric Borg narre les tourments amoureux, voire érotiques, d’une auteure de BD parisienne !
Fondateur du magazine Zoo, critique, scénariste pour le cinéma et la bande dessinée, mais aussi producteur et réalisateur de films ou éditeur, Éric Borg est un hyperactif qui vient d’ajouter une ligne à son riche curriculum vitae avec la publication de son premier roman. Il écrit sur un petit monde qu’il connaît bien, celui du 9e art ; son héroïne est une auteure de BD qui espère passer du bon temps après avoir terminé son dernier album.
Après quelques albums jeunesse de bonne facture — nous vous avons entretenu ici du caustique « Mémel », les aventures d’un gavroche africain, « Pandora Beach » a de son côté été reçu le Prix des lycéens au festival d’Angoulême en 2016 —, Éric Borg publie son premier roman. « Les Sortilèges du pope » est placé sous les auspices d’une maxime du mémorialiste La Rochefoucauld : « Quand on aime, on doute souvent de ce qu’on croit le plus », car la mystification et les doutes post coup de foudre d’une femme amoureuse sont deux des thématiques principales développées pendant tout le récit.
Véronika est une blonde trentenaire parisienne qui a travaillé plus d’un an d’arrache-pied sur son dernier ouvrage : une bande dessinée en grande partie autobiographique. Elle compte rompre sa vie quasi monacale en provoquant des rencontres par le biais de sites internet. Éric Borg décrit ainsi son héroïne à l’heure où elle s’inscrit sur un site de rencontres : « Véronika était auteure de BD. Un métier né à la fin du dix-neuvième siècle et dont les femmes avaient eu la chance d’être épargnées durant tout le vingtième. Mais depuis quinze ans et Pénélope Bagieu, elles s’y fourvoyaient en masse. Il n’y a rien de pire qu’un métier passionnant. Catastrophique pour le taux horaire d’abord. Avec ses 10 000 euros annuels pour 400 heures de travail mensuel, elle était à peu près au niveau du SMIC roumain, et pourtant, elle était une valeur sûre de la BD, c’est dire pour les autres. Et surtout effroyable sur le plan sexuel. Le désert glacé de Laponie. Véronika y survivait pourtant admirablement bien. Ou désespérément bien, si l’on veut. En tout cas, ça ne lui manquait pas plus que ça. »
Coup de chance pour Véronika, elle tombe amoureuse d’Adrian : son premier rendez-vous en tête-à -tête. Mais, très vite, l’emploi du temps mystérieux du beau trentenaire l’amène à douter de ses sentiments. Cet amant magnifique et infatigable n’est-il pas un affabulateur maladif ? Comment connaître son prochain, si ce n’est son grand amour, à l’heure où internet multiplie illusions et chausse-trappes ?
Ce roman ludique aux multiples références littéraires et à la culture pop adopte un ton léger, parfois coquin, en se nourrissant de l’air parisien du temps. Amateur de bande dessinée, vous pouvez vous amuser à découvrir les références à des auteurs contemporains ou à leurs œuvres, sans pour autant que « Les Sortilèges du pope » soit un roman à clefs.
Avant sa publication aux éditions Bigfoot, à la fin de l’année, vous pouvez vous procurer la version numérique sur Amazon au prix de 5,99 €. Pour ceux qui souhaitent la version imprimée (13,90 €), il faut la demander directement à l’auteur (bederic@gmail.com). Éric Borg vous fera parvenir le livre contre un paiement PayPal. À noter que « Les Sortilèges du pope » inaugurera, aux éditions Bigfoot, une collection de romans qui touchent à la BD (personnages, action, thématique, cadre, auteurs…).
Devant notre curiosité aiguisée par la lecture de son roman, Éric Borg a bien voulu répondre à nos questions, nous l’en remercions sincèrement.
BDzoom.com : Pourquoi écrire un premier roman ? Est-ce un scénario de BD qui n’a pas trouvé de dessinateur ?
Éric Borg : Je m’essaye depuis longtemps à l’écriture romanesque, j’avais écrit jusque-là plusieurs débuts de romans, quelques pages par-ci par-là , mais je n’avais jamais été jusqu’au bout, en tout cas l’exercice me plaisait beaucoup. J’ai commencé à écrire celui-ci en mars 2015 et cette fois j’ai persévéré. Les personnages me plaisaient, j’aimais les retrouver le temps de quelques pages quand je reprenais l’écriture, je l’ai terminé 6 mois plus tard. Dans un scénario de BD (ou de film), on écrit simplement des dialogues et on décrit simplement l’action. Ce que j’apprécie dans le roman, c’est travailler la musique des mots, des phrases, le style, et cette liberté de pouvoir en dire beaucoup plus que dans une BD où l’on doit souvent condenser, là on peut prendre son temps, faire toutes les digressions, réfléchir… et je pense qu’on arrive à entrer en symbiose avec le lecteur, avec sa pensée, de manière plus subtile et plus directe et avec une économie de moyens inégalée.
Ce n’est donc pas un scénario de BD que j’ai transformé en roman, mais ça a failli être l’inverse, j’ai pensé faire un roman graphique à partir de ce roman, dans la continuité logique de mon travail antérieur. Je voulais garder le plus possible de texte et cette fois-ci en faire moi-même les dessins, une autre envie que j’avais depuis longtemps. J’ai travaillé dessus un mois ou deux avec le plaisir de dessiner quotidiennement, mais j’ai abandonné finalement. Le dessin naïf et épuré pour lequel j’avais opté ne plaisait pas à tout le monde, moi-même j’avais de gros doutes, et aujourd’hui je ne peux même plus le regarder ! Et, finalement, en faire une BD n’apportait rien de plus, le roman se suffisait, autant l’éditer comme ça.
BDzoom.com : Le personnage de Veronika est-il inspiré de dessinatrices contemporaines ?
Éric Borg : Je ne les connais pas personnellement, c’était surtout pour pouvoir entrer dans la peau de Véronika et lui donner chair et vie plus facilement que je lui ai donné ce métier que je connais bien. J’avais vaguement en tête des auteurs dans la trentaine comme elle, Pénélope Bagieu (que je cite), Diglee, Margaux Motin qui font une BD que l’on qualifie de « girly ». Comme elles, Véronika fait une BD autobiographique dont le thème principal est sa relation pas toujours simple avec les hommes, comme dans un de ces albums « Tectonique des pleutres » (clin d’œil à Margaux Motin) où elle se moque de tous ses ex. L’auteure de BD Nine Antico parle, dans une interview, de son personnage de Pauline auquel elle s’identifie, « qui pense trop aux mecs ». Elle dit : « Je fais partie des filles qui ont été touchées par les garçons, depuis la crèche j’étais en quête de l’amour… ». Moi c’était pareil en fait, avec les filles. La quête de l’amour, la séduction, l’emprise affective et la mystification sont des thèmes de ce roman, mais je n’ai pas fait exprès, ça m’est venu naturellement. Comme Flaubert, je peux dire « Véronika, c’est moi ! » D’ailleurs, elle décide à la fin du roman de faire de cette histoire le sujet de sa prochaine BD.
BDzoom.com : On croise quelques conseillers du président François Hollande dans le roman, est-ce un roman à clefs ou tout du moins doit-on y lire des références à quelques personnes de l’entourage d’Emmanuel Macron ?
Éric Borg : Je vais essayer de ne pas spoiler. Ce personnage qui travaille comme plume de François Hollande est purement imaginaire, il n’y a aucune référence précise à qui que ce soit, j’ai sans doute pensé à une forme de duplicité que ce métier pourrait révéler chez ceux qui l’exercent, ce côté « faussaire » m’intéressait beaucoup et faisait écho à l’intrigue.
BDzoom.com : Est-ce que Véronika vivra de nouvelles aventures ?
Éric Borg : Je n’y avais pas pensé et ce n’était pas prévu, mais pourquoi pas ? En tout cas, je serai très heureux de la retrouver un jour. On ne sait jamais !
BDzoom.com : Quels sont tes projets en bande dessinée ?
Éric Borg : Pour ce qui concerne la BD, je fais une pause pour l’instant. Toutes mes BD étaient à l’origine des scénarios destinés au cinéma qui sont devenus des BD parce que c’était la manière la plus simple et la plus rapide de les faire exister. Aujourd’hui, je reviens à ma première envie : le cinéma. J’ai deux nouveaux scénarios de longs métrages et je vais tout faire pour les réaliser.
Laurent LESSOUS (l@bd)