Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Le Canard enchaîné : le palmipède a 100 ans !
Le n° 4993 du 6 juillet 2016 du Canard enchaîné fêtait les cent ans du palmipède, avec une pagination exceptionnelle de 12 pages. Le 25 août dernier paraissait le n° 5000 de l’hebdomadaire satirique incontournable du mercredi (« …depuis ses débuts, notre journal a toujours été fâché avec les dates et s’est souvent planté dans sa numérotation », s’excuse l’éditorialiste). Ce n’est d’ailleurs pas le 5 juillet 1916 que le volatile a pris son envol, mais le 10 septembre 1915 : le temps de publier cinq numéros avant de cesser de paraître pour revenir le 5 juillet 1916. Cette anecdote et beaucoup d’autres sont contées dans un passionnant et copieux ouvrage qui sera publié par les Arènes BD dès le 14 septembre : « L’Incroyable Histoire du Canard enchaîné » par Pascal Magnat et Didier Convard (22,90 €).
On y apprend comment, au printemps 1915, Maurice Maréchal, ancien rédacteur de la Guerre sociale et le dessinateur de L’Humanité Henri-Paul Gassier se sont lancés dans l’élaboration d’un journal des pauvres, des humbles, de ceux qui en bavent en ces temps de guerre.
Avec une équipe de rédacteurs et de dessinateurs qui s’enrichit lentement (André Dahl, Victor Snell, Georges de la Fauchière, Laforge, Guérin, Depaquit…), Le Canard fait un tabac auprès des poilus avec ses fausses nouvelles… mais il peut se tromper.
Ce sont toutes les grandes affaires politiques, judiciaires, les politiciens, les affairistes… qu’a connu la France au cours d’un siècle. Ils sont égratignés par une équipe de journalistes et de dessinateurs indépendants qui défilent tout au long d’un récit drôle et passionnant.
Antimilitariste, anticorruption, anticlérical, l’hebdomadaire n’a jamais dévié d’un pouce. Didier Convard, bien connu pour sa carrière de dessinateur et de scénariste (« Neige », « Le Triangle secret »), n’est pas avare en détails historiques, en anecdotes savoureuses, pour raconter l’incroyable histoire du Canard le plus célèbre de France. C’est le palmipède lui-même qui évoque sa longue histoire : les hauts, les bas, les procès intentés par les pouvoirs qui se sont succédé, les collaborateurs disparus… Il remonte le temps en quatre actes dont le dernier, « Le Jeu du Canard », permet, en 176 cases, de revivre l’actualité de 1970 à aujourd’hui. Pascal Magnat (« Mad in China », « L’Empire ») croque d’un trait incisif et truculent les acteurs de ce théâtre du quotidien, mais aussi tous ceux qui, au fil d’un siècle, ont collaboré à la longue histoire du Canard enchaîné. L’histoire d’un journal mordant, pas comme les autres, mais aussi notre Histoire. Encore un bel ouvrage du jeune label les Arènes BD dirigé par Laurent Muller qui, après le succès de « La Présidente », confirme son ancrage dans le domaine de la BD politique… mais pas seulement (voir « Saint-Barthélemy T1 : Sauveterre » par Éric Stalner et Pierre Boisserie).
Notons, pour ceux qui en redemanderaient, qu’un autre ouvrage (pas moins de 650 pages) sera consacré à l’histoire du Canard enchaîné aux éditions du Seuil (parution le 27 octobre, 49 €).