Morris… Enfin !

Si de nombreux ouvrages ont été consacrés à Edgar P. Jacobs, Hergé, André Franquin, Albert Uderzo, Hugo Pratt… rares sont ceux qui ont ouvert leurs pages à Morris, le créateur de « Lucky Luke ». C’est avec plaisir, en cette fin d’année, que l’on constate une juste revanche de ces « oubliés » dont les héros sont bien connus des lecteurs. Après Jean Graton, Tibet… c’est au tour de Morris d’avoir un bel ouvrage rien que pour lui : « L’Art de Morris » aux éditions Dargaud (300 pages en couleurs au format 27 x 29 cm, 45 €). Et si quelqu’un le méritait, c’est bien lui…

Auteur d’un seul héros qui l’a accompagné tout au long de sa carrière — c’est rare —, Morris était un homme modeste, grand amoureux de la bande dessinée. Au point de créer avec son ami Pierre Vankeer la rubrique « 9e Art » dans Spirou, à une époque où le terme venait tout juste de voir le jour.

C’est ce créateur modeste que l’on découvre au fil des pages, des débuts de « Lucky Luke » dans l’« Almanach Spirou 1947 » (publié à l’automne 1946) jusqu’à son décès en 2001, alors qu’il était encore en activité. Dirigé par Stéphane Beaujean et Jean-Pierre Mercier, les deux commissaires de l’exposition que consacre — enfin — à Morris le salon d’Angoulême (à la Cité internationale de la BD et de l’image, du 28 janvier au 18 septembre 2016), cet ouvrage imposant bénéficie des signatures de Gaëtan Akyüz, Vladimir Lecointre, Jean-Christophe Menu, Philippe Capart, Blutch…

Planche originale de Morris pour l'épisode de Lucky Luke « La Ballade des Dalton », en 1978.

On peut y admirer la rigueur de son trait grâce aux nombreuses reproductions de planches originales, retrouver sa somptueuse galerie de mauvais garçons, s’émouvoir en découvrant de vieilles photos ou encore remonter le temps de Spirou à Pilote, puis de Lucky productions à Lucky comics. Le western n’aurait sans doute pas la même image dans notre imagination si Lucky Luke n’avait pas chevauché à nos côtés depuis tant d’années. Cet admirateur des bandes dessinées américaines de l’âge d’or — il a même passé six ans aux États-Unis — a imposé une image très franco-belge au genre, et ça, c’est un exploit.

Parcourir « L’Art de Morris » sera, pour beaucoup, un agréable voyage aux côtés d’un cow-boy sympathique que l’on à l’impression de n’avoir jamais quitté, mais dont on ne connaissait pas grand-chose de la vie de son créateur. C’est désormais chose faite avec la publication de ce très beau livre à la hauteur de son immense talent.

Signalons que l’album « Phil Defer » (complété par la courte histoire « Lucky Luke et Pilule ») — des épisodes publiés dans Le Moustique et non dans Spirou —, septième album de la série édité par Dupuis en 1956, fait l’objet d’un tirage limité de format géant. Une édition exceptionnelle au format 29 x 42 cm chez Lucky Comics (99 €) réalisée à partir des originaux de Morris rescannés et reproduits en quadrichromie. Une belle pièce de collection.

Autre excellente nouvelle, Lucky Luke s’apprête à être revisité le temps d’un album par de grandes signatures de la bande dessinée, comme c’est déjà le cas pour le personnage de Spirou. Le premier ouvrage annoncé pour avril sera signé Matthieu Bonhomme, lequel a imaginé un Lucky Luke plus réaliste. À la rentrée, ce sera au tour de Guillaume Bouzard de s’y coller.

Lucky Luke vu par Matthieu Bonhomme.

Lucky Luke vu par Guillaume Bouzard.

Enfin, le traditionnel calendrier annuel offert par l’hebdomadaire Spirou est totalement dédié à « Lucky Luke ». Douze mois, douze auteurs : Dab’s, Jérôme Jouvray, Bonhomme, Olivier Schwartz, José Luis Munera, Philippe Bercovici, Libon, Benoît Féroumont, Renaud Collin, Christophe Bertschy, Flotis et Nob, sans oublier Achdé qui a réalisé la couverture. Un collector proposé dans le n° 4054 du 23 décembre.

Henri FILIPPINI

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4 réponses à Morris… Enfin !

  1. Tiens? Les zozos d’Angou se mettent à faire des expos sur de la BD tout public, commerciale (bouh). Mais il y en a une sur Menu (labo, lapin, L’apocalyse, Meder) pour compenser….

    • Phil Tomblaine dit :

      A Angoulême, rien que les années précédentes, on a pu voir notamment des expos sur :
      Astérix (2013), l’univers Mickey et des Légendaires (2014), Jack Kirby et les Carnets de Cerise (2015). C’est toujours assez diversifié et relativement pour tous les goûts ou âges… des zozos.

  2. Henri dit :

    Exact, maintenant je ne ne me souviens pas que Uderzo ou Morris aient eu des Alph’arts ou Fauves, ni même des albums sélectionnés dans leur fameuse liste.
    L’infortuné Goscinny a eu le prix de Millénaire, mais c’était à titre posthume, et bien après le lancement du FIBD.
    Sur ce, joyeux Noel à tous !

    • Phil Tomblaine dit :

      Le Prix de l’album jeunesse date de 1981 à Angoulême : date déjà tardive pour récompenser le « meilleur » de Morris ou Uderzo. Le Fauve d’Or (depuis 1976) vise encore un tout autre niveau avec des titres comme La Ballade de la mer salée, Maus ou V pour Vendetta, mais on a pu voir par exemple récompenser Boule et Bill t14 : Ras le Bill ! dès 1978.

      Enfin et surtout : à Angoulême, Morris fut nommé Grand prix spécial (lors du 20e anniversaire) en 1992 et Uderzo a obtenu le Prix spécial du millénaire en 1999. Pas oubliés donc… Dans les années 1970, le FIBD avait aussi pensé à consacrer Franquin ou Jijé. Pas si mal !

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