« Le Printemps d’Oan» par Marie Deschamps et Éric Wantiez

De la rencontre surréaliste entre une petite fille en robe rouge et un poilu perdu entre deux lignes de tranchées naît une œuvre belle et forte sur l’absurdité de la guerre. Un dessin délicat magnifie une bande dessinée jamais moralisante, toujours surprenante et pleine de vie.

Mars 1915, la guerre de position a succédé à la guerre de mouvement : toutes les armées européennes se sont enterrées dans des lignes de tranchées qui se font face, en France de la Mer du Nord à la Suisse. Au Nord de Paris, les combats ont fait rage dans la Somme. En ce premier jour du printemps, la nature a du mal à revivre après un hiver de guerre. C’est ce que constate Oan, un soldat breton, perdu dans un no man’s land composé de barbelés, de terres mortes d’avoir été labourées par des milliers d’obus et d’arbres calcinés.

À la recherche de ses camarades, il découvre au cœur d’une maison en ruines Angèle, une petite orpheline. Ses parents ont été enterrés par des voisins et elle n’a pas voulu quitter cette ferme qui était son havre de paix. Oan la convainc de rejoindre les lignes françaises en lui promettant qu’il s’occupera bien d’elle.

Ce voyage vers les tranchées françaises constitue le cœur de cette belle bande dessinée au format à l’italienne. Dès ses 10 ans, le jeune lecteur sera intrigué par cette rencontre inattendue et ce voyage dangereux dans un décor mortifère vers la vie de l’arrière. Le récit est rythmé par des dialogues d’une grande justesse et de nombreux rebondissements, tous crédibles, jusqu’à un émouvant dénouement.

Que dire du fluide et délicat graphisme de Marie Deschamps ? il est unique ! Elle a su faire du champ de bataille un théâtre d’ombres chinoises et donner un souffle de vie à des personnages qui gagnent en épaisseur au fur et à mesure que le récit progresse.

Avec une grande économie de moyens, Éric Wantiez et Marie Deschamps, un couple d’auteurs angoumoisins, ont construit un poème graphique à la portée universelle, une parabole mélancolique sur la bêtise de la guerre vue à hauteur d’enfant et la force irrépressible de la nature, du terroir et de l’amitié.

Éric Wantiez, le scénariste du livre, a répondu avec entrain à nos questions. Nous l’en remercions vivement. Nous signalons à la suite le site des éditions Comme une orange, pour tous ceux qui veulent commander « Le Printemps d’Oan » rapidement.

BDzoom.com : Comment travaillez-vous en duo, en couple ?

Éric Wantiez : Nous travaillons en duo. L’idée est travaillée en commun, puis j’attaque au scénario. Quand Marie l’a validé, elle commence à dessiner et le scénario évolue et s’adapte à ses dessins, jour après jour. Le scénario de base est très ouvert et laisse une grande place à la créativité du dessinateur. Il évolue fortement entre la version de base et la version définitive.

Nous accordons tous les deux une importance essentielle aux sentiments, aux émotions et nous essayons de tirer le maximum avec peu de traits et peu de mots. Le travail se fait ensemble, du début à la fin, ce qui nous permet de nous approcher du résultat voulu…

BDzoom.com : Quelle est l’origine de ce livre ?

Éric Wantiez : Marie avait eu l’idée de cette petite fille qui vivrait une sorte de « road movie » avec un adulte, mais dans un tout autre décor. J’ai eu envie de la transposer dans le décor de la Grande Guerre, qui est une sorte d’obsession chez moi. Nous avons mélangé les deux idées et les deux envies.

BDzoom.com : A-t-il été difficile à écrire ? Et à dessiner ?

 

Éric Wantiez : À écrire, il a été compliqué. J’ai écrit une histoire que j’ai mise à la poubelle, puis une deuxième, une troisième, une quatrième. La cinquième a été la bonne. Ça m’a donc pris un temps fou pour avoir enfin la bonne histoire. 5 remises en cause complètes, pour moi qui ai l’habitude de travailler d’un seul jet, c’était assez désespérant !

Pour le dessin, c’est naturel pour Marie de dessiner, donc, rien de difficile. En revanche, les conditions n’ont pas été faciles puisqu’elle a dû couper son travail pendant 3 mois pour aller bosser dans le dessin animé. Hé oui ! Le livre ne nourrit pas son homme et il faut bien payer les factures ! Ce n’est pas facile pour elle de couper le travail du livre et la reprise a été un peu difficile…

Si l’on ajoute que l’impression a raté (les pages ont maculé) et que le premier tirage a dû être détruit et l’impression recommencée, c’est vraiment un livre qui n’a pas été facile à faire !

BDzoom.com : Présentez-nous la maison d’édition Comme une orange

Éric Wantiez : Comme une orange est une maison d’édition associative. Elle est issue d’un groupement d’auteurs et d’amoureux du livre. Créée en 2010, elle sort 2 titres par an.

Elle se veut équitable et militante. Voir, sur la page « L’Association » de notre site, nos 12 engagements.

BDzoom.com : Comment se procurer vos livres ?

 

Éric Wantiez : Comme une orange est un éditeur auto distribué. Il y a trois moyens de se procurer nos livres :

1) en les commandant sur le site Comme une orange.

2) en les achetant en festival (nous en faisons une quinzaine par an).

3) en les commandant en librairies. Il faut savoir que certaines librairies ne jouent pas le jeu : plutôt que de s’embêter à commander un livre, elles l’annoncent indisponible ou épuisé… J’espère que ces librairies sont (très) minoritaires…

BDzoom.com : Quels sont vos projets ?

Éric Wantiez : Pour Comme une orange, un livre jeunesse devrait sortir vers le début de l’année prochaine : « Il faut fermer le robinet » de Benoit Préteseille et Thibault Balahy. Un livre très beau et très impertinent.

Pour les auteurs : Ensemble, nous allons reconstruire un nouveau projet. Pas d’idées très arrêtées pour l’instant. Peut-être un roman graphique compilant plusieurs histoires courtes… À voir !

 

 

 

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Le Printemps d’Oan » par Marie Deschamps et Éric Wantiez

Éditions Comme une orange (12 €) – ISBN : 978-2-919703-19-7

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