En attendant « Le Papyrus de César » : un entretien avec Didier Conrad et Jean-Yves Ferri

Outre les nouvelles histoires vécues par Titeuf, Corto Maltese ou Bob Morane, ce second semestre 2015 sera marqué le 22 octobre par la parution du « Papyrus de César », titre choisi pour la 36ème aventure d’Astérix. Depuis octobre 2013 et le succès d’ « Astérix chez les Pictes » (écoulé à 2 387 000 exemplaires pour la seule fin d’année 2013 et, depuis, à plus de 5,5 millions dans le monde), Jean-Yves Ferri et Didier Conrad avaient naturellement réfléchi au thème de l’album suivant, recentré sur le seul territoire gaulois de nos fiers héros. À l’heure actuelle, les informations concernant ce nouvel événement éditorial sont toutefois encore minces : seuls le titre, quelques visuels et un rapport évoqué avec « La Guerre de Gaules » de César auront été évoqués. Tenus par les impératifs de confidentialité, les deux auteurs ont néanmoins accepté aimablement de répondre à nos questions.

À l’instar de la gigantesque campagne de diffusion de l’album précédent (sortie mondiale quasi-simultanée en 25 langues, tirage de plus de 4 millions d’exemplaires ; relire l’analyse de couverture dédiée et la précédente interview de Didier Conrad), les éditions Albert René (associées au groupe Hachette depuis 2008), ont débuté le 31 mars 2015 un teasing dévoilant peu à peu quelques bribes d’informations sur le prochain opus : le titre, donc, suivi d’un jeu promotionnel (permettant à deux fans d’être caricaturés dans l’album), de plusieurs cases (dévoilées successivement sur le site lefigaro.fr début août) et du visage du nouveau méchant, Bonus Promoplus (8 septembre), ce dernier étant physiquement inspiré du publicitaire Jacques Séguéla. Jean-Yves Ferri a par ailleurs précisé : « Comme disait Hitchcock, plus le méchant est réussi, meilleure est l’histoire. On a donc soigné notre méchant. Un méchant romain évidemment. Et deux autres nouveaux personnages, qui apparaîtront du côté gaulois ».

De Rome au village gaulois... Plusieurs détails ont été modifiés dans cette case depuis le crayonné initial (2015 - Éditions Albert René ©)

À la différence des scénarios de Goscinny et d’Uderzo (qui décrivaient dessins des cases et dialogues séparément), Jean-Yves Ferri a storyboardé l’intégralité de la nouvelle aventure, avant de la soumettre aux regards avisés d’Uderzo, d’Anne Goscinny et de l’éditeur. À partir de ce document (dans lequel Astérix et Obélix sont schématisés sous la forme de simples silhouettes !), Didier Conrad réalise à son tour rough, crayonné et encrage au pinceau. Certaines cases chargées (bataille traditionnelle et décors) auront nécessité à elles seules pas moins de 20 jours de travail… À l’instar d’ « Astérix chez les Pictes », les amateurs de making-of devraient d’ailleurs pourvoir retrouver le détail de ces étapes de création (et l’intégralité des planches crayonnées en plus de la version colorisée) dans un tirage dédié (dos toilé ; grand format de 26 x 36,5 cm ; 128 pages ; dossier spécial de 33 pages).

Romains et Pirates : des habitués de la série ! (2015 - Éditions Albert René ©)

(2015 - Éditions Albert René ©)

Concernant la thématique principale, Albert Uderzo s’est montré très enthousiaste : « [Ferri et Conrad] m’ont bluffé avec cette nouvelle intrigue. René Goscinny et moi avions le sentiment d’avoir tout dit dans Astérix. La preuve que non ! Avec cet album, qui s’inspire de la volumineuse « Guerre des Gaules » de Jules César, l’action se recentre à la fois en Gaule et à Rome, à cause de la réaction de César. Bon sang, je regrette de ne pas y avoir pensé ! ».

Le visuel de couverture ? (2015 - Éditions Albert René ©)

Signé par Conrad, l’un des visuels promotionnels les plus instructifs (s’agit-il du dessin de couverture finalisé ?) consiste en un plan général situé à l’extérieur du fameux village gaulois. Astérix est en train de rire aux éclats à la lecture d’un interminable papyrus lu avec attention par d’autres villageois et Abraracoucix, tous ayant le sourire aux lèvres. Panoramix semble contempler la scène, mi-songeur et mi-amusé. Reste à savoir ce qu’évoque le mystérieux document… Une réponse qui ne sera donnée à tous les lecteurs qu’en octobre prochain !

Didier Conrad et Jean-Yves Ferri

Laissons (enfin) la parole aux auteurs :

« Le Papyrus de César » paraît le 22 octobre : à quelle date la couverture sera-t-elle dévoilée ?

Didier Conrad (D. C.) et Jean-Yves Ferri (J.-Y. F.): « Ce sera précisément le 12 octobre ».

Après le périple écossais du tome précédent, voici un épisode situé en Armorique comme en Gaule : quelles ont été la ou les difficultés particulières liées à la réalisation de cet épisode ?

D. C. : « Jean-Yves a commencé à vraiment déployer ses ailes sur cet album. C’est un épisode très riche, avec beaucoup d’idées. Les pages sont bien pleines. Comme nous avions le temps nécessaire à les réaliser, il n’y a pas eu de vraie difficulté autre que de tenir la distance. Quand on pense qu’Uderzo dessinait un album par an en rythme de croisière, j’ai encore bien des choses à apprendre ! »

J.-Y. F.: « Personnellement, j’aime beaucoup l’idée de départ de l’album. Après, il y a toujours la même difficulté des 44 pages: Un bon Astérix a l’air de dérouler son thème avec naturel, sans forcer la nature des personnages. J’apprends le job. Et Didier est rentré encore davantage dans le dessin cette fois-ci. »

"La Guerre des Gaules" par J. César (couverture pour l'édition Folio Classique - Gallimard 1981)

La Guerre contre César (2015 - Éditions Albert René ©)

L’on sait déjà que ce nouvel épisode s’inspirera de « La Guerre des Gaules » : cet ouvrage au contenu très dense narre les vastes conquêtes « préventives » effectuées par César entre 58 et 50 av. J.-C. En avez-vous relu certains passages pour être au plus près de cette source documentaire de premier choix ? Des détails vous ont-ils frappés ?

J.-Y. F. : « Ce qui m’a frappé, c’est la simplicité et la concision du texte de César. On est loin du style ampoulé de plein d’ouvrages ultérieurs. Il s’agit d’un carnet de bord. La BD d’aventure classique à la Charlier a l’air d’avoir puisé là-dedans. C’est plein de traîtrises, de stratégie, de retournements. C’est assez sanglant, aussi. »

Bonus Promoplus : personnage finalisé et recherches par D. Conrad (2015 - Éditions Albert René ©)

Un nouveau méchant fraîchement dévoilé, Bonus Promoplus… physiquement inspiré de Jacques Séguela : un choix graphique personnel ou un souhait de J. Y. Ferri, lié (par exemple) au contenu du scénario de cet album ?

D. C. : « On a discuté ensemble des personnages possibles. Jean-Yves pensait que Jacques Séguéla était la personnalité bien connue des français qui s’approchait le plus du personnage de Promoplus. On avait besoin de quelqu’un qui soit intelligent et calculateur tout en restant sympathique. »

J.-Y. F. : « Oui, et on l’a raccourci pour le rendre plus méchant ! »

Quelle réflexion portez-vous sur le marché actuel de la BD et les tarifs appliqués par les éditeurs ?

D. C. : « Vivant aux USA, l’état du marché de la BD en France et en Belgique ne m’est pas très familier. Mais les prix baissent continuellement depuis une bonne vingtaine d’années. Les éditeurs se battent pour augmenter leur part dans un marché qui n’est plus en croissance réelle. Les auteurs sont pressurés par voie de conséquence. Ils doivent travailler beaucoup, beaucoup plus vite s’ils veulent avoir une maigre chance. »

Avant Astérix, le nom de Conrad était associé aussi bien aux séries « Kid Lucky » et « Marsu Kids », sans parler des « Innommables », de « Tigresse blanche » ou encore du HS « Spirou à Venise » : où en sommes-nous de la poursuite, de l’abandon ou de la reprise partielle (comme Achdé avec « Kid Lucky ») de ces différents titres ?

D. C. : « Toutes mes séries sont arrêtées ou « mises au frais » en attendant d’avoir assez d’énergie et de temps pour m’y remettre. Et il y a toujours l’option de faire quelque chose de nouveau, bien sûr. « Kid Lucky » a été repris par Achdé dans un esprit bien différent de celui inventé par Jean Léturgie et Yann, en gags d’une page. « Les Marsu Kids » ont été arrêtés lors du rachat de Marsu Productions par Dupuis. Ils seront peut-être repris un jour par d’autres auteurs, qui sait ? Wilbur avait trouvé un concept brillant qui permettrait de renouveler la série, en partant d’un petit Marsupilami différent à chaque album. Le « Spirou à Venise » est dans les mains d’Arleston, qui l’a entièrement créé. Il va trouver un autre dessinateur pour le réaliser, si ce n’est pas déjà en cours. Christophe est une force de la nature, il va mener ce projet à terme. »

J.-Y. F. : « C’est pas sympa ça, Didier, tu pourrais faire un effort. »

En 2016 ou 2017, un nouvel Astérix ? J.-Y Ferri a-t-il déjà livré des pistes ?

D. C. : « En 2017. Le rythme est d’un album tous les deux ans. Jean-Yves est en période de cogitation intense. Et il aime bien donner des fausses pistes. Vous lui demanderez à vos risques et périls… »

J.-Y. F. : « Pas du tout, je suis transparent comme l’eau claire : ce sera sans doute « Astérix à Copacabana »…

Philippe TOMBLAINE

« Astérix T36 : Le Papyrus de César » par Didier Conrad et Jean-Yves Ferri
Éditions Albert René (9,95 €) – ISBN : 978-2864972716
Version luxe (39,00 €) – ISBN : 978-2864973232

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4 réponses à En attendant « Le Papyrus de César » : un entretien avec Didier Conrad et Jean-Yves Ferri

  1. Renaud originel dit :

    Bravo à Conrad pour son dessin. C’est sur que dessiner Asterix lui apporte un revenu important mais il fait beaucoup d’effort pour se rapprocher d’Uderzo.

  2. Romarin dit :

    Chapeau a Conrad et Ferri.
    La reprise d’Asterix est aussi réussie
    que la reprise de Lucky Luke par Achdé !

  3. yves dit :

    Même si Astérix chez les pictes n’était pas un chef-d’oeuvre il était prometteur, je vois que sur le papyrus de César le dessin est meilleur, j’espère que le scénario est aussi bon que le dessin

  4. Ping : Scénario Jean-Yves FERRI, dessin Didier CONRAD, Astérix : Le papyrus de César, | Mes Madeleines

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