« Area 51 » T4 par Masato Hisa

La zone 51 est un endroit secret considéré comme le cinquante-et-unième état des États-Unis d’Amérique. Cette zone imaginaire serait un camp où sont parquées toutes les créatures mythiques que l’humain a pu un jour inventer. Tokuko Magoi y est détective privé : humaine au milieu de ces monstres, elle doit résoudre des énigmes toujours plus étranges les unes que les autres. Elle a la chance de posséder une arme ayant une âme, un pistolet surpuissant et doué de la parole. Au fil de ses enquêtes, le lecteur découvre le folklore mythologique de tous les pays : les contes des frères Grimm, les dieux oubliés ou des monstres hantant des lieux bien réels…

« Area 51 », c’est une sorte de bestiaire à ciel ouvert où se côtoient les personnages les plus improbables. Ainsi, dans le tome 3, on a laissé Tokuko en bien mauvaise posture suite à la découverte de l’épée de Kusanagi enfouie au sein de son corps. Kishirô, un kappa, mais aussi son second devant choisir entre sauver sa race ou sa patronne, n’est pas au bout de ses surprises. Le conseil des dieux s’est réuni, car l’heure est grave : le serpent originel veut également récupérer cette épée. S’il parvient à ses fins, il deviendrait un ennemi redoutable pour ces dieux ancestraux. Réunis autour d’une table, il n’y a ni plus ni moins que Râ, dieu égyptien, Morrigan, déesse celtique, Marduk, dieu mésopotamien, Odin, dieu nordique, Mokoch, déesse slave, Shiva, dieu hindou, Tsukuyomi, dieu japonais, Tezcatlipoca, dieu aztèque, Qitian Dasheng, dieu chinois et Hadés, dieu des enfers grecs.

Bien évidemment, cette quête amènera son lot de combats tout en faisant avancer l’intrigue. Le passé de Tokuko se dévoilant un peu plus au fil des volumes. Elle reste pourtant toujours bien mystérieuse. Si dans le troisième tome, le lecteur découvrait un Père Noël dénudé (on lui avait volé son habit rouge), dans ce quatrième opus, c’est Blanche Neige et ses sept nains, affublés de noms aussi étranges que Mc Queen, Dexter ou Bronson, ainsi que la Petite Sirène qui sortent de leurs contes respectifs. En remaniant les classiques à la sauce polar violent et surnaturel, ce manga a un filon quasi inépuisable pour raconter des histoires surprenantes, en s’appuyant sur les contes ancrées dans l’inconscient collectif. Pour les personnages mythologiques moins connus, leurs carrières et leurs pouvoirs sont de tout de façon récapitulés. Le lecteur n’est jamais perdu, et la connaissance des mythes et légendes ne sont nullement obligatoire pour apprécier ce titre.

« Area 51 », c’est avant tout un graphisme inhabituel dans le monde du manga. Comme c’est un polar, les images sont censées êtres noires. Peu de trames sont utilisées et de gros aplats noir ou blanc comblent le vide. Les ombres et la lumière sont poussées à l’extrême ce qui n’est pas sans nous rappeler « Sin City » de l’américain Frank Miller. Mais contrairement à Atsushi Kaneko (« Wet Moon », « Bambie »), également influencé par Miller pour ses polars, Masato Hisa n’a pas poussé le mimétisme jusqu’à emprunter les codes graphiques des comics. Ses personnages sont très typés japonais et le fan service est omniprésent, notamment avec la poitrine proéminente de l’héroïne qui arbore des tenues bien serrée mettant en valeur ses courbes exagérées. Au noir intense, les couvertures apportent également des couleurs franches comme cette orange et ce vert du volume 4. C’est tape à l’œil : à l’image de l’héroïne. Notons que l’auteur avait déjà exploité ces techniques dans son précédent titre : « Jabberwocky ».

Véritable ovni dans la production actuelle des mangas, « Area 51 » mélange allègrement aventure, fiction et humour. Les aventures de Tokuko Magoi, qui se fait appeler McCoy pour paraître plus américaine qu’elle n’est, sont explosives. Ses enquêtes sont turbulentes et la morale de l’histoire n’est pas toujours respectée. On est loin des contes de notre enfance. Les repères des lecteurs volent en éclats, les religions se mélangent et en prennent pour leur grade. Au final, tout ce bestiaire, créer par les humains depuis la nuit des temps, se côtoie dans cette zone où tout peut arriver, surtout l’impensable.

Gwenaël JACQUET

« Area 51 » T4 par Masato Hisa
Éditions casterman (7,95 €) – ISBN : 220309043X

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