« La Balade de Yaya T9 : La Sonate » par Zhao Golo, Jean-Marie Omont, Charlotte Girard et Patrick Marty

Tout à une fin, même le formidable voyage initiatique, hors du cocon familial, de la petite Yaya. Sa balade s’achève, en 1937, dans un Shanghai ravagé par la guerre. Elle revient dans sa grande et belle demeure, enrichie d’amitiés nouvelles et d’expériences fortes. Ce neuvième épisode clôt une série jeunesse émouvante, vraiment originale.

Les neuf volumes de la série « La Balade de Yaya » ne sont pas passés inaperçus sur notre site. Les épisodes 1 et 5 avaient notamment retenu notre attention. Nous avions souligné, à raison, les qualités de cette bande dessinée franco-chinoise. C’est une équipe de scénaristes français (Jean-Marie Omont, Charlotte Girard et Patrick Marty) qui imagine les pérégrinations mouvementées d’un groupe de personnages attachants, dans le Shanghai du début de la guerre sino-japonaise de 1937, pour le dessinateur Zhao Golo, toujours installé en Chine.

En janvier 2011, dans le premier volume de la série, on découvrait Yaya, une petite fille volontaire, un peu capricieuse, qu’un bombardement japonais sépare de ses parents, alors que la famille fuit Shanghai pour Hong-Kong. Elle est sauvée par Taduo, un garçon de son âge, acrobate des rues. Les deux enfants s’échappent des griffes de Zhu, un escogriffe qui les maltraite. Après une longue balade dans une Chine ravagée par la guerre, ils peuvent enfin rentrer dans la concession française du grand port chinois, le quartier où résident les parents de Yaya.

Aidé par Chang, un adulte qui travaillait avec son père, Yaya découvre une demeure vide. Tout va a très vite dans cet ultime volet de la série, Taduo retrouve son petit frère dans un orphelinat avant d’affronter l’abominable Zhu qui veut voler le trésor de la famille de Yaya. Guidée par Chang, celle-ci retrouve une partie de sa famille, attirée, dans un dédale de rues en ruines, par une sonate jouée au piano. Elle, dont le rêve le plus cher était de devenir une grande pianiste.

Porté par le dessin rond et expressif de Zhao Golo, à mi-chemin entre le franco-belge d’aventure et le manga aux grands yeux, « La Balade de Yaya » se clôt avec délicatesse, après des séquences de fortes tensions. L’audace des auteurs a été récompensée par un succès public et critique. Ils ont osé créer une série à destination de la jeunesse avec pour toile de fond une guerre abominable, celle qui annonce la Seconde Guerre mondiale, l’invasion de la Chine par l’armée impériale nipponne. Mais vue par des yeux d’enfants, rien d’abominable ne transparaît, c’est simplement le décor du désarroi de la fillette. Sa balade initiatique lui permet de grandir, de s’ouvrir au monde : à celui des plus pauvres, celui de Taduo, et de découvrir un pays qu’elle ne connaissait pas, recluse dans la cage dorée de la demeure familiale, au fin fond d’un quartier huppé de la capitale économique de la Chine capitaliste, Shanghai est alors surnommée la « Perle de l’Orient ».

Le format à l’italienne (13 cm x 18 cm) adopté par la série permet de concentrer le regard sur les nombreux rebondissements d’une balade chaotique, sur des passages humoristiques ou sur des moments d’une grande fraîcheur, de tendresse, voire de poésie véritable.

Nous avons sollicité un des scénaristes de la série, Patrick Marty, pour évoquer avec lui, une des perles, bientôt adaptée au cinéma, du catalogue des éditions Fei, spécialisée dans la bande dessinée chinoise.

BDzoom.com : D’où vous vient votre passion de la Chine, vous le scénariste de « La Balade de Yaya » et du « Juge Bao » ?

Patrick Marty : La culture chinoise a toujours été pour moi un objet de curiosité, depuis mes études d’histoire de l’art à l’université, mais je me suis vraiment passionné pour le monde chinois après ma rencontre avec Fei, en 2007. Fei a joué un rôle essentiel, car ne parlant pas la langue, j’étais auparavant dans l’ignorance des subtilités, ou même du quotidien de ce peuple. Grâce à elle, j’ai pu en avoir une connaissance qui s’est approfondie au fil de nos multiples voyages. Cependant, je pense qu’il est très difficile de connaître la Chine au sens où nous, occidentaux, nous l’entendons. Si je suis aussi vite entré dans « l’esprit » de ce vaste et très vieux pays, c’est parce que j’en ai une approche sensitive et émotionnelle. Bon nombre d’Occidentaux abordent la Chine en ayant du mal à se défaire de leurs schémas d’analyse. Je crois que pour apprécier ce pays, il faut y plonger le cœur en avant, et pas la tête la première.

BDzoom.com : D’où vous vient l’idée originale qui donne naissance à « La Balade de Yaya » ?

 

Patrick Marty : L’idée originale est venue de mon désir de raconter une histoire du point de vue des enfants. J’ai été très marqué par « Jeux interdits » lorsque j’étais petit, puis plus tard par « Le Tombeau des lucioles », ou encore « L’Empire du soleil » de Spielberg que je considère comme étant l’un de ses meilleurs films, si ce n’est le meilleur. Mais je pourrais aussi bien citer « L’Enfance d’Yvan » de Tarkovski ou « Sa Majesté des mouches » de Goldwyn. Et puis, il y a la période. Ce qu’il s’est passé entre les années 1930 et 1940 me fascine. Pendant ces vingt années-là, le monde a résonné d’une telle intensité que nous en sentons encore aujourd’hui les vibrations, bonnes ou mauvaises. Le cœur du XXe siècle a saigné comme jamais. Avec une fiction comme « Yaya », je voulais raconter que ce que nous avons de plus précieux, l’enfance, pouvait éclairer le sombre chaos de la barbarie, y trouver des chemins vers la lumière et la liberté.

BDzoom.com : Pouvez-vous résumer le scénario de sa série ?

Patrick Marty : Pendant la bataille de Shanghai, en 1937, une petite fille séparée de ses parents va partir à leur recherche aidée par un gamin des rues. Un long périple parsemé d’embûches les attend, un chemin qui changera leurs vies à jamais.

BDzoom.com : À quel lectorat s’adresse-t-il ?

Patrick Marty : Nous avions ciblé un lectorat entre 7 et 10 ans, mais il s’avère qu’il va bien au-delà. Beaucoup de parents et de grands-parents sont fans de Yaya. Cela tient sans doute au fait que les aventures de cette petite Chinoise touchent un large spectre de sensibilités, et que si le récit est du point de vue des enfants, le propos n’est jamais bêtement naïf.

BDzoom.com : Y avait-il 9 tomes de prévus dès le départ de la série ?

Patrick Marty : Oui.

BDzoom.com : La fin est ouverte, y a-t-il une suite de prévue ?

Patrick Marty : Nous ne l’avons pas envisagé forcément, mais cela reste possible.

BDzoom.com : Trois scénaristes sont crédités pour le tome 9. Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Patrick Marty : Sur le principe de la coécriture telle qu’on peut la pratiquer dans l’audiovisuel. En plusieurs étapes. Les arches narratives ou les résumés d’épisodes étaient conçus par Charlotte Girard et moi-même, puis en concertation avec nous, Jean-Marie Omont avançait dans la rédaction jusqu’à la continuité dialoguée. Chacun de nous trois, y compris Fei, l’éditrice, pouvait intervenir sur le texte à chaque étape. Nous validions ensemble la version finale.

BDzoom.com : Le dessinateur de la série, Golo Zhao, est Chinois, comment travaillez-vous ensemble ?

Patrick Marty : Les scénarios étaient traduits, Golo travaillait sur une version chinoise, et s’il y avait des choses à éclaircir, Fei faisait le lien entre lui et nous. Mais il n’y a jamais eu de problème de communication entre nous. Internet est un outil formidable de ce point de vue de là.

BDzoom.com : Est-ce que le dessinateur a été gêné de travailler avec un Occidental sur un épisode de l’histoire de son pays ?

Patrick Marty : Pas le moins du monde. Je crois, au contraire, que les Chinois sont assez demandeurs. J’ai été extrêmement surpris de voir que « mon » « Juge Bao » avait suscité autant d’intérêt en Chine où il sera publié dans quelques semaines. Les Chinois m’étaient reconnaissants d’avoir projeté un nouvel éclairage sur ce personnage ultra connu qui avait fini par s’engoncer dans une forme hiératique et désincarnée. Je lui ai redonné un souffle nouveau, teinté d’un point de vue occidental, certes, mais qui remet en perspective cette figure antique dans un monde contemporain en pleine mutation. Et ils ont perçu une modernité dans ce héros depuis trop longtemps relégué à sa fonction symbolique.

BDzoom.com : Quelle est la perception de Zhao Golo de l’histoire de la Chine ?

Patrick Marty : Il faudrait le lui demander. Je ne peux répondre pour lui.

BDzoom.com : Après « Le Juge Bao » et « La Balade de Yaya », quels sont vos projets en bande dessinée ?

Patrick Marty : Une nouvelle série jeunesse est en cours d’écriture. Elle contera les aventures d’une jeune fille qui vit en Mongolie intérieure, dans les années 1980. Kushi, c’est son nom (qui veut dire « vie heureuse » en mongol), est une héroïne d’une dizaine d’années — elle pourrait être la grande sœur de Yaya ! — et lutte contre ceux qui mettent en danger la steppe et son fragile écosystème. C’est un conte écologique, il traite des problématiques liées à la destruction de la nature par l’avidité et l’aveuglement de certains hommes. Notamment, ceux qui cherchèrent, dès le début des années 1980 en Chine, à s’enrichir de toutes les manières possibles, bien souvent au détriment du bien commun. Golo sera le dessinateur de la série qui comprendra quatre épisodes. Je suis ravi de travailler à nouveau avec lui sur ce projet que je mènerai seul à l’écriture.

 

Laurent LESSOUS (l@bd)

« La Balade de Yaya T9 : La Sonate »

par Zhao Golo, Jean-Marie Omont, Charlotte Girard et Patrick Marty

Éditions Fei (8,90 €) – ISBN : 978-2-35966-033-3

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2 réponses à « La Balade de Yaya T9 : La Sonate » par Zhao Golo, Jean-Marie Omont, Charlotte Girard et Patrick Marty

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  2. OMONT Jean-marie dit :

    Bonjour,
    je découvre ce jour votre article sur le dernier épisode de « la balade de yaya ». Etant donné que mon éditrice, avec qui je suis en procès depuis 2013, me tiens à distance de toute la presse ainsi que de tous les festivals je voulais cette fois prendre la parole sur plusieurs points.
    Le premier c’est que je suis le seul scénariste de « la balade de yaya » sur tous les épisodes et que c’est contre mon grès que l’éditrice a ajouté deux noms sur les couvertures des tomes 8 et 9. Charlotte Girard qui a été la directrice d’écriture de la série a d’ailleurs expressement demandé à XU GE Fei de ne pas apparaître sur la couverture mais mon éditrice n’en a que faire. Monsieur Marty, de son côté a écrit, seul et contre ma volonté une adaptation de mon oeuvre en vue d’un film d’animation. Je me suis opposé à ce projet qui pour l’instant est bloqué tant que la justice n’aura pas donné son rendu. En tant qu’auteur, nous sommes nombreux a souvent être abusé par des éditeurs bien peu scrupuleux et qui se servent de leur pouvoir pour nous faire taire (Mme XU GE Fei ne juge jamais utile de me demander mon BAT sur les épisodes et qui plus est ne juge pas non plus utile de m’annoncer leur sortie et pas non plus de me faire parvenir ne serai-ce qu’un seul exemplaire!!). Cela fait 2 ans que l’on me force au silence, cette fois j’ai décidé de répondre. En vous remerciant . Bien cordialement. Jean-Marie OMONT

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