« La Grande Guerre de Charlie T8 : Le Jeune Adolf » par Joe Colquhoun et Pat Mills

Le huitième tome de la formidable série « La Grande Guerre de Charlie » vient de paraître chez Delirium. Une sortie qui coïncide avec l’attribution cette semaine du Label Centenaire à cette bande dessinée par la Mission Centenaire de la Première Guerre Mondiale (organisme officiel d’intérêt public créé en 2012 par le gouvernement afin d’organiser l’ensemble des commémorations du centenaire de la guerre 14-18). Une consécration pleinement justifiée qui fait vraiment plaisir, confirmant combien la bande dessinée, lorsqu’elle est de cette qualité, doit être plus que jamais aujourd’hui considérée avec respect et sérieux. Chapeau, Delirium !

J’ai déjà longuement et souvent écrit ici même et ailleurs sur « La Grande Guerre de Charlie » afin d’en vanter la qualité et l’intelligence, que ce soit pour le scénario extraordinaire de Pat Mills – extrêmement documenté et porté par un humanisme engagé contre la guerre qui redonne de l’espoir tout en ne cachant rien des horribles drames vécus au sein des combats de l’époque – ou pour les incroyables dessins de Joe Colquhoun – capables d’exprimer la réalité du quotidien des soldats avec une acuité confondante et un talent époustouflant. Une alliance dont le résultat s’avère extraordinaire, tout simplement, faisant de cette bande dessinée une très grande œuvre historique. Je ne vais donc pas revenir en détail sur toutes les qualités de « La Grande Guerre de Charlie » (je vous renvoie plutôt à mes articles précédents en utilisant le moteur de recherche du site), mais vous dire plutôt quelques mots sur ce dernier volume qui – comme tous ceux qui l’ont précédé – s’avère toujours aussi passionnant et intéressant pour quiconque veut mieux connaître l’histoire de ce conflit.

Le titre de ce huitième volume (« Le Jeune Adolf ») annonce avec évidence de quoi il sera principalement question ici, se penchant évidemment sur la personnalité du soldat Hitler pendant la première guerre mondiale, deux décennies avant qu’il ne devienne le dictateur qui précipita le monde dans le chaos et l’horreur absolue. Nul doute que la guerre 14-18 participa fortement à l’évolution pathétique et monstrueuse de ce fou à la p’tite moustache dans ses convictions génocidaires à venir, ce qu’explore ici Pat Mills sans pour autant en dire trop, préférant replonger le futur dictateur dans le contexte du conflit, dans ce quotidien abominable, plutôt que de faire d’Hitler le personnage principal de ce chapitre de la saga. En lisant ces, pages où le soldat Hitler apparaît, on pressent plus qu’on ne constate ce qui construisit en partie la folie de cet homme au sein de ce que vécurent aussi les soldats allemands. Car dans son optique lucide et objective, Pat Mills ne nie évidemment absolument pas les horreurs que vécurent aussi les hommes embrigadés dans l’armée allemande, la guerre n’épargnant personne. À la fin de l’album, comme d’habitude, nous avons la chance de lire un petit dossier signé Steve White, qui se penche cette fois-ci sur Hitler et la guerre 14-18, et comme d’habitude c’est très instructif. Mais outre Hitler, cet album décrit aussi d’autres trêves de Noël que la seule officiellement reconnue de 1914, ou bien les terribles combats des snipers en première ligne, ou encore le quotidien des aviateurs et des combats aériens via le destin de Wilf, le frère de Charlie, qui s’est engagé au grand dam de ce dernier…

Comme toujours aussi, « La Grande Guerre de Charlie » met en avant des sujets de la première guerre mondiale qui ont rarement été abordés, surtout pour des raisons de censure morale afin de ne pas assumer une vérité historique trop dérangeante pour le confort de nos petites sociétés occidentales et leurs dirigeants… « La Grande Guerre que l’on ne vous montre pas », comme le dit Pat Mills dans ses commentaires de fin, ajoutant (en parlant de photos d’hommes vivants mais défigurés de la guerre 14-18) : « Je crois vraiment que si de telles photos étaient plus largement montrées, cela ferait réfléchir à deux fois les jeunes hommes qui envisagent de s’engager dans l’armée. Bien sûr, cela n’arrivera jamais, car les médias ont tout intérêt à dissimuler les véritables effets du ‘choc et de la terreur’, sinon les bureaux de recrutement devraient fermer. » Ah, Pat Mills, Pat Mills, Pat Mills… Quel bel être humain vous êtes… pétri de courage, d’humanisme, et si sublimement engagé pour la paix… En ces temps très sombres, un siècle après 14-18, alors que la planète semble au bord d’un nouveau conflit mondial, heurté violemment par les actes de terrorisme, les guerres de religion renaissantes et les actes de barbarie qui semblent enfler çà et là, votre parole, vos œuvres, sont plus que jamais nécessaires pour un « droit supérieur à l’avenir », comme le disait Nietzsche… Je ne vous connais pas, Sir Mills, mais en lisant cette œuvre et vos commentaires, j’ai pour vous une admiration et – allez, j’ose – une affection sincère qui me donnent envie de vous dire « merci », avec un petit sanglot dans la voix. Merci, donc…

Cecil McKINLEY

« La Grande Guerre de Charlie T8 : Le Jeune Adolf » par Joe Colquhoun et Pat Mills

Éditions Delirium (22,00€) – ISBN : 979-10-90916-18-0

Galerie

2 réponses à « La Grande Guerre de Charlie T8 : Le Jeune Adolf » par Joe Colquhoun et Pat Mills

  1. Quéré Gérard dit :

    Combien d’albums en tout ? Merci…

Répondre à Quéré Gérard Annuler la réponse.

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