Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Ronkoteus » par Hannu Lukkarinen et Arto Paasilinna
En ces temps difficiles où l’enrichissement des civilisations par le partage et l’acceptation des croyances et cultures de chacun est mis à mal par de nombreux drames meurtriers, il est bon d’aborder une Å“uvre telle que celle-ci, épopée mythique venue d’ailleurs qui est aussi une ode à l’échange des savoirs, des spiritualités et des cultures entre êtres humains appartenant à divers horizons…
« Ronkoteus », c’est le regard que propose le grand romancier finlandais Arto Paasilinna sur la plus importante et historique saga de son pays, le Kalevala. Cette saga mythologique demeure l’un des textes fondateurs de la culture finnoise, écrite en 1835 par un certain Elias Lönnrot. Ce dernier n’en fut cependant pas le réel auteur, mais plutôt le premier transcripteur et compilateur, l’ouvrage étant en fait un recueil regroupant l’ensemble des poèmes et des contes constituant toutes les facettes de cette épopée transmise oralement depuis des siècles. Nous voilà donc dans la grande légende épique venue du Nord, cycle mythologique relatant les origines, la nature et la constitution de la culture du peuple finnois à travers les hauts faits d’un personnage fabuleux, Ronkoteus, version paasilinnaesque de Väinämöinen, le barde magicien qui est au centre de cette épopée ancestrale…
Ce qui frappe tout de suite, dans les premières pages, c’est le ton de l’auteur. Certes, il y a là une narration propre à décrire la légende, mais avec malgré tout une nuance s’extirpant résolument de la grandiloquence et de l’ostentation souvent pénible que l’on peut parfois rencontrer dans ce genre bien particulier (et ses déclinaisons modernes comme l’heroic fantasy). Nous avons plutôt affaire là à une langue ayant certains accents contemporains, finalement d’une grande simplicité, très explicite, ne se noyant pas dans des circonvolutions fantasmatiques. Il règne même une ambiance assez rêche, factuelle, très loin des imageries habituelles du genre, se penchant sur les relations entre les êtres plutôt qu’à leur glorification sans fin. Tout au long de l’album, nous assistons aux voyages de Ronkoteus, de la future Finlande à l’Assyrie en passant par la Germanie, la Gaule, la Crête et autres territoires lointains du Grand Nord. Tiré dans le ciel par son groupe de grands aigles des mers, Ronkoteus vole de contrée en contrée dans son embarcation aérienne guidée par un corbeau, suscitant la stupéfaction des peuples qu’il rencontre et qui le prennent pour un dieu.
Il y a quelque chose de véritablement humaniste, dans cette saga. Nous assistons aux différentes rencontres entre Ronkoteus et des peuplades très différentes, chacune apportant son lot de spécificités culturelles et spirituelles que celui-ci découvre avec grande curiosité. Ainsi, il rencontrera un autre homme ayant apprivoisé le vol, mais aussi les Assyriens qui lui apprennent à lire et à écrire. Il en ira de même du monde animal et végétal, le protagoniste exprimant sa surprise de découvrir des climats si divers et des animaux si extraordinaires – comme l’éléphant, le crocodile, et même… le cheval. À travers cette épopée, on a l’impression de se replonger dans le mouvement même de ce qui a fondé les différentes civilisations issues de l’Antiquité, période d’évolutions et d’inventions de toutes sortes. Bien sûr, malheureusement, la barbarie est aussi présente, ainsi que les injustices et la violence des mÅ“urs, mais tout ceci permet justement de parler de la place des femmes, des esclaves, des pauvres dans la société humaine, par exemple. Le dessin de Lukkarinen convient parfaitement à la nature du sujet, alternant des visions plus ou moins descriptives ou atmosphériques des événements. Dans un style assez brut mais non dénué de certaines subtilités graphiques lui apportant souplesse et dynamisme, le noir et blanc rehaussé de gris de l’artiste oscille entre archaïsme et préciosité. Un contraste bienvenu pour exprimer ces récits d’un autre âge où Histoire et mysticisme se mêlaient pour donner naissance aux légendes.
Cecil McKINLEY
« Ronkoteus » par Hannu Lukkarinen et Arto Paasilinna
Éditions Mosquito (30,00€) – ISBN : 978-2-3528-3274-4
Il y a une grosse incohérence dans ce récit : le héros se balade dans l’Europe des Celtes (soit au plus tôt vers 1000 avant notre ère) , alors qu’il découvre l’écriture cunéiforme chez les Phéniciens – mais à cette époque-là , l’alphabet que nous connaissons était déjà pratiqué!