« Star Trek » par John Byrne

Après le volume consacré à Spock chez le même éditeur, voici la mini-série que John Byrne a réalisée sur Leonard McCoy, l’un des trois personnages principaux de la série. Quand le mainstream est de qualité, pourquoi le bouder ? Ce « Star Trek » vu par Byrne est tout à fait réjouissant.

John Byrne sur « Star Trek » ? Ma foi, l’idée était savoureuse ! Et le pari est relevé haut la main, Byrne ne cabotant pas dans la transposition trop appuyée des visages et du décorum de la série, réussissant à être aussi libre que respectueux de l’œuvre pour aller au-delà de l’adaptation de base. Il en a plutôt repris l’esprit, l’univers, pour explorer les facettes de certains personnages à travers des aventures courtes distillant néanmoins des éléments importants pour l’histoire de ces héros. À la fois scénariste et dessinateur, Byrne revient une nouvelle fois ici à l’un de ses exercices préférés : investir une série existante pour y amener son grain de sel, sachant parfaitement révolutionner les choses de l’intérieur sans bousculer la logique globale de l’œuvre. Pas de grands coups d’éclats dans cette mini-série, non, mais des séquences où se révèle l’affect des personnages, leur éthique. Sur ce point, il paraissait évident que Byrne se sente inspiré par le personnage de McCoy. En effet, ce docteur spatial porte en lui tout le potentiel permettant à Byrne d’exprimer certains des thèmes chers à son cœur, comme le respect, la défense de la vie, l’éthique et la morale, la valeur des êtres. Moraliste, Byrne ? Plutôt humaniste… ce qui sied parfaitement à cette mini-série où l’on suit les pérégrinations d’un médecin devant prendre en compte le poids de ses actes au-delà de l’échelle des individus tout en privilégiant la vie de chaque personne. En cela, la mini-série rejoint bien la tradition d’une certaine science-fiction humaniste, véhiculant des valeurs existentielles avant d’être un grand spectacle cosmique. Ce thème inclut logiquement la rencontre avec diverses populations extra-terrestres qu’il faudra connaître et comprendre pour établir avec elles des liens amicaux et pacifiques : là encore, le lien avec Byrne s’avère évident, cet auteur ayant toujours adoré dessiner et inventer les formes de vie les plus diverses au fil de ses œuvres. Il s’en donne encore une fois à cœur joie, sans trop en faire, ce qui est appréciable. En fait, Byrne a trouvé une belle cohérence dans sa vision de la série.

En cinq chapitres, cinq aventures, Byrne nous propose de mieux connaître le docteur Leonard McCoy, alias « Bones ». Du trio de tête de « Star Trek », ce personnage est certainement le moins emblématique pour le public, Spock et Kirk ayant tiré la couverture à eux au point de donner à McCoy le rôle de faire-valoir du duo. Pourtant, le toubib a ses fans absolus parmi les trekkies, et c’est légitime, car par sa fonction et son caractère, McCoy apporte beaucoup à l’esprit de la série, instaurant justement cette dimension humaniste dans les grandes épopées traversées à bord de l’Enterprise… Byrne a parfaitement traité son sujet : McCoy s’est inscrit au programme fédéral des médecins de frontière, parcourant l’espace pour des missions médicales au nom de la Fédération des Planètes Unies. Accompagné du docteur Jon Duncan – et bientôt rejoint par Theela, la belle Andorienne –, McCoy va rencontrer des mondes et des civilisations diverses, ayant chacune leur culture, leur histoire, selon des valeurs parfois très différentes. La notion de respect et de préservation de la vie est traitée à travers de nombreux éléments et personnages, que ce soit cette planète-plante agressée par une colonie humaine très peu écologiste, des êtres végétaux éradiqués, des clones laissés à eux-mêmes puis manipulés, une intelligence extra-terrestre infectant les êtres de son stade d’évolution trop absolu pour être inoffensif, ou bien le pouvoir d’agir sur la destinée des êtres… Ces aventures sont narrées par le biais de lettres qu’envoie McCoy à Kirk afin de lui raconter ce qu’il vit loin de lui, dans sa nouvelle vie. Il en ressort un ton assez intimiste et bienvenu. Les récits sont très bien menés, et au niveau dessin c’est du bon Byrne, pas trop relâché, pas trop maniériste, efficace et vivant, dans des mises en pages aux épais cadres noirs qui donnent à l’œuvre une esthétique SF sobre et forte à la fois. Bref, ce « Star Trek » de Byrne est un très bon moment de lecture, très agréable, intelligent et plein d’humour, qui plaira aux trekkies tout comme à ceux qui ne le sont pas, comme moi – preuve de mon objectivité.

Cecil McKINLEY

« Star Trek : Leonard McCoy » par John Byrne
Éditions Delcourt (13,95€)

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