French super heroes !

Créé par l’écrivain irlandais Bram Stoker en 1897 — et inspiré par le personnage historique du comte Vlad III de Valachie, qui vécut au XV^e siècle —, « Dracula » s’apparente autant à un roman qu’à une étude ethnologique ou géographique : l’auteur décrivant pourtant la Transylvanie, sans jamais être allé dans cette région austro-hongroise, en se documentant uniquement dans des bibliothèques. En effectuant un retour aux origines du mal présentes dans l’œuvre originale, tout en s’inspirant librement, cette version — sous-titrée « L’Ordre du dragon » — est une somptueuse bande dessinée d’horreur coéditée par Glénat et Lo Scarabeo.

Pour cette dernière chronique de l’année, je vous propose un « spécial super-héros français ». Un phénomène qui ne date pas de « La Brigade chimérique » et qui reprend un peu de couleurs ces derniers temps, au point que Xavier Fournier y consacre un livre entier (« Super-héros, une histoire française » aux éditions Huginn & Muninn). Petit retour sur quelques titres récemment parus…

« Sticky Pants goes on ! » par Xav et Tony Emeriau

Vous aviez aimé « Sticky Pants » ? Alors vous aimerez « Sticky Pants goes on ! », le deuxième opus de Xav et Tony Emeriau qui continuent d’explorer ce fameux thème fantasmatique de la vie sexuelle des super-héros avec un humour dévastateur très porté… au-dessous de la ceinture, bien sûr ! Les auteurs assument et revendiquent même cet esprit potache, créateurs d’un album « gras et bas du front » selon leurs propres termes ! Qu’ils viennent de DC ou Marvel, aucun super-héros ou super-vilain n’est épargné dans cette parodie X qui ne recule devant rien pour étaler au grand jour les pérégrinations sexuelles de nos super-obsédés. Alors certes, on n’est pas dans la finesse, mais tel n’est pas le propos, au contraire, et je vous mets au défi de ne pas vous marrer à un moment ou un autre lors de la lecture de ce petit album décapant !

« Photonik T2 : 1982-1987 » par Ciro Tota

Les fans de Photonik, l’une des vedettes avec Mikros de feu Mustang, vont être aux anges avec ce second volume de l’intégrale de la fameuse série de Tota que Black & White réédite en… noir et blanc, restaurée à partir des planches originales, ce qui permet d’apprécier totalement le style de l’auteur. 588 pages, tiré à 750 exemplaires, cet album regorge de belles surprises, comme le fac-similé de l’autocollant Photonik qui était paru dans Mustang 54, un dépliant de quatre pages signé, un ex-libris de Franck Biancarelli, ainsi qu’un cahier de 54 pages contenant un entretien exclusif avec Ciro Tota, des planches inédites des « Enfants de l’apocalypse », une preview de l’épisode inédit « Mohawk » et de nombreux croquis… Dommage que cette série soit rééditée de manière assez confidentielle, contrairement à « Mikros » que rééditent les éditions Delcourt, mais en même temps cette intégrale en deux volumes est une belle réussite qui comblera les amateurs…

« Le Garde Républicain » #3 par Terry Stillborn & co, et « Les Partisans » par Mario Guevara, Roy Thomas et Jean-Marc Lofficier

Je vous avais déjà parlé du « Garde Républicain » ici même (http://bdzoom.com/?p=69844), création de Thierry Mornet qui – sous le pseudonyme de Terry Stillborn – réalise là un rêve d’enfant : créer un super-héros qui aurait pu paraître chez Lug en d’autres temps, mais qui trouve aujourd’hui un espace éditorial tout à fait contemporain et adéquat. Déjà troisième numéro paru chez Hexagon Comics, s’ouvrant sur une sorte de consécration puisque ce sont deux auteurs français (Pierrick Colinet et Elsa Charretier) qui reprennent la création de Stillborn pour la traiter à leur manière avec une incarnation du Garde Républicain des années 80… Le second récit, atypique, est muet et en noir et blanc (rehaussé çà et là de quelques couleurs, suivez mon regard…), signé Cyrille Munaro. Mais the big consécration vient des « Partisans », également édité chez Hexagon Comics, où le Garde Républicain fait partie d’une équipe de super-héros de la seconde guerre mondiale : un récit écrit par… Roy Thomas ! C’est-y pas beau, ça ? Mister Thomas reprenant un super-héros français contemporain dans l’un de ses récits, c’est la classe ! Une histoire en noir et blanc dialoguée par Jean-Marc Lofficier et dessinée par Mario Guevara, qui explore le thème emblématique des super-héros de cette époque (déjà traité par Roy Thomas chez DC et Marvel avec « All-Star Squadron » et « The Invaders »). Les Partisans réussiront-ils à endiguer la menace de super-nazis ? C’est ce que vous saurez en lisant cet épisode qui – mine de rien – apporte sa pierre à l’édifice d’un âge d’or réinventé…

« Fox-Boy T1 : La Nuit du renard » par Laurent Lefeuvre

Au mois d’octobre, Brigh Barbier vous proposait sur notre site une interview de Laurent Lefeuvre (http://bdzoom.com/?p=78878) pour parler de la sortie du premier tome de « Fox-Boy », une série de son cru mettant en scène plus qu’un super-héros français : un super-héros breton ! Du super-régionalisme ! On connaît l’amour de l’auteur pour les fascicules et autres petits formats français dédiés aux super-héros qui ont fait les beaux jours des kiosques des années 60 aux années 80, avec en fer de lance, bien sûr, Lug et Arédit : on n’a pas oublié son ouvrage sur les éditions Roa chez Mosquito qui était un régal absolu pour tout amoureux nostalgique de cette époque. Avec « Fox-Boy », Laurent Lefeuvre a relevé un challenge difficile et l’a réussi haut la main, cette série étant une très chouette surprise. Nous avons affaire là à un vrai et bon personnage de super-héros, dans un contexte et un esprit qui rendent la chose crédible, cette création bénéficiant d’un humour et d’un découpage qui engendrent une belle dynamique : très agréable à lire ! Le personnage est intéressant : plutôt antipathique au départ, avec une idéologie proche du FN, il apprend petit à petit à évoluer et délaisser ses idées crasses pour devenir un vrai justicier. Ce contexte français, politique et sociétal, apporte une vraie dimension éthique à cette œuvre qui du coup s’avère bien plus riche qu’une simple série de super-héros lambda. Le style, oscillant entre Janson et Colan (oui, Laurent Lefeuvre est terriblement doué…), est sombre à souhait, et le récit rudement bien mené. Bref, c’est une série attachante, contemporaine tout en étant truffée d’hommages que les aficionados de la génération Strange remarqueront avec délice (rien que la typo du titre rappellera des choses à bien des fans !)… À suivre !

Cecil McKINLEY

« Sticky Pants goes on ! » par Xav et Tony Emeriau