« Ascension » T4 par Shin’Ichi Sakamoto

Il y a des ?uvres qui vous transportent en vous faisant simplement voyager avec un héros, dans un périple à la limite des capacités humaines.  » Ascension  » est de ce genre d’aventure. Avec ce quatrième tome, la quête initiatique de Buntarô Mori prend un tournant qui va beaucoup le faire évoluer. L’histoire change de registre, monte d’un cran : deux ans se sont écoulés et tout s’accélère…

À la fin du troisième tome, Monsieur Onishi, le professeur de Mori qui l’avait poussé à faire de l’escalade, mourait violemment. Happé par un bloc de pierre en pleine expédition de sauvetage afin de retrouver notre jeune héros alpiniste, parti en randonnée sans équipement adéquat, alors qu’une tempête glaciale arrivait.


Mori se forge petit à petit un corps d’acier afin d’affronter les pires conditions climatiques © Shin’Ichi Sakamoto – Uoshio Nabeta – Jiro Nitta

Dans ce tome, le lecteur assiste également au départ pour la France de Miyamoto le seul  » ami  » que Mori avait réussi à se faire. Du coup, il n’y a plus qu’une seule chose qui compte pour lui, grimper les parois les plus difficiles et ,surtout, celles n’ayant jamais été vaincues, afin d’atteindre, finalement, le toit du monde.


En deux ans, les personnages ont beaucoup changé. Yumi est devenue méconnaissable avec ses cheveux décolorés et son accoutrement provocant. Un revirement spectaculaire par rapport à ses années de collège (voir l’image ci-dessous) © Shin’Ichi Sakamoto – Uoshio Nabeta – Jiro Nitta

Deux années sont donc passées depuis le décès de son mentor et Mori est devenu un super athlète. Son corps s’est modelé afin d’endurer les pires conditions de grimpe. Il travaille comme manutentionnaire et s’enferme régulièrement dans les frigos de l’entreprise ou il est intérimaire. Il vit dans un appartement sans eau ni électricité et, quand sa journée et finie, il regagne ce logement en transportant sur son dos une vingtaine de bouteilles remplies d’eau du robinet : soit 30 kg, quand même. Tout lui est indifférent, sauf la montagne et les sensations que lui procure l’escalade. S’il travaille, c’est juste pour se payer son équipement et les frais inhérents à l’ascension des plus hautes montagnes. À tel point qu’il refuse un contrat que lui offrait l’entreprise qui l’emploie. Il refuse également les avances de sa collègue de travail pourtant prête à s’investir dans sa passion de l’escalade. Et, enfin, il rejette la relation physique que souhaite lui offrir son ancienne amie de classe, Yumi Shiraï, que l’on peine à reconnaître tellement elle a changé depuis le second volume. Devenue prostituée professionnelle, puisqu’elle n’a pu rentrer à l’université suite aux problèmes liés au club d’escalade, elle est devenue une belle jeune femme blonde sans morale. Un revirement spectaculaire pour ce personnage si attachant au début de l’histoire. Cette femme, comme toutes les autres, n’arrive pas à détourner Mori de son but ultime : l’escalade. Qu’il doive souffrir le martyr en dépassant les limites supportables pour un humain et se renfermer encore plus sur lui même, peu lui importe… C’est un solitaire ! Et il arrivera à ses fins par ses propres moyens et grimpera en haut du toit du monde, sans équipe. Même lorsque M. Ninomiya, l’alpiniste le plus réputé et le plus riche du japon, lui propose d’intégrer son groupe et de bénéficier ainsi de la notoriété de celui-ci pour financer entièrement ses escalades, il refuse catégoriquement. Mori monte seul !


Rien ne détournera Mori de sa quête de liberté, même une femme ne peut lutter avec l’appel de la montagne © Shin’Ichi Sakamoto – Uoshio Nabeta – Jiro Nitta

Si les exploits de Mori sont spectaculaires, l’évolution du dessin de Shin’Ichi Sakamoto l’est tout autant. Le premier volume d’  » Ascension  » montrait déjà une maîtrise de l’espace et des proportions exemplaire. Avec ce quatrième tome, il arrive à transcender les expressions de ses personnages. On sent la compassion, la force, les doutes et la détermination du héros, mais également de chaque protagoniste. Les enchaînements et la construction narrative ont également évolué, ils sont plus fluides, moins conventionnels et propose une vraie lecture entre les cases, narration si chère à l’Américain Wil Eisner.


Avec ce volume, Sakamoto montre une parfaite maitrise de l’anatomie. Mori est devenu un surhomme, son corps n’est plus que muscles. © Shin’Ichi Sakamoto – Uoshio Nabeta – Jiro Nitta

Bien sûr, deux ans se sont écoulés dans l’histoire ; néanmoins, l’évolution graphique de ce manga s’est faite chapitre après chapitre. On sent que Sakamoto s’investit dans son travail, les anatomies de ses personnages sont justes et les détails sont bien pensés : cela renforcent la tragédie de cette histoire où le héros n’en est finalement pas un. Comment s’attacher à une personne insouciante, renfermée et à la fois insensible vis vis de ses collègues, mais tellement perméable au monde qui l’entoure ?


L’escalade, en tant que sport de haut niveau, est parfaitement mise en valeur grâce aux images de Sakamoto. © Shin’Ichi Sakamoto – Uoshio Nabeta – Jiro Nitta

 » Ascension  » n’est pas un manga facile : le rythme est lent, les personnages antipathiques et le sujet peu intéressant au premier abords Néanmoins, l’histoire se lit avec facilité. Arrivé à la dernière page, on en redemande et le lecteur transpire avec le héros, tout en rêvant de le voir franchir les obstacles qu’il se crée lui même. Les couvertures dans les dominantes bleues donnent tout de suite la couleur, sans faire de jeux de mots :  » glacials  » mais pourtant rehaussés de tons chauds, surtout pour ce quatrième tome. Elles sont donc bien à l’image du contenu. Les amoureux de la montagne comme les amateurs d’exploits sportifs et de dépassement de soi seront comblés : tous ces sujets, et bien plus encore, sont réunis ici pour faire d’ » Ascension  » une œuvre magistrale.

Gwenaël JACQUET

 » Ascension  » T4 par Shin’Ichi Sakamoto

Éditions Delcourt (7.95 €)

ISBN : 978-2-7560-2045-7

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Une réponse à « Ascension » T4 par Shin’Ichi Sakamoto

  1. Ce bd est vraiment super. Je l’ai dévoré en une seule journée et parfois, j’ai tendance à le relire.

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