Bob Leguay (deuxième et dernière partie)

Toujours en liaison avec l’exposition qui lui rend hommage à Blois (à la Bibliothèque Abbé Grégoire, au cœur de la ville, du 24 novembre 2014 au 7 janvier 2015), l’encyclopédiste Patrick Gaumer continue de nous éclairer sur la carrière d’un dessinateur vedette des petits formats, hélas bien oublié aujourd’hui : Bob Leguay. Pour la première partie du dossier, cliquez ici : Bob Leguay (première partie).

Bob Leguay en Mexicain.

Rappelons que Bob Leguay, né le 7 juin 1926, a fait le succès du pocket Ardan, pendant dix ans (entre 1952 et 1961), en dessinant les aventures de Tim l’Audace : « J’en avais un peu marre de la BD, mais pour faire bouillir la marmite, j’ai bien été obligé d’y repiquer. » (1)

Impéria

Bob Leguay n’en a donc pas fini avec la bande dessinée et collabore bientôt aux éditions Impéria, un label qui, en ce début des années 1960, a le vent en poupe.

L’auteur accepte d’y travailler à la condition expresse de n’y dessiner que des westerns. Cela tombe bien, c’est en partie la spécialité de cet éditeur de petits formats, des périodiques en format 13 x 18, plus épais, imprimés en noir et blanc sur papier pulp, agrémentés d’une couverture chatoyante en couleurs.

Planche originale de « Buck John » par Bob Leguay pour les pockets Impéria.

Impéria (2) puise alors ses principales ressources dans le fonds de l’agence Graph-Lit qui lui fournit du matériel italien et américain, et dans celui de l’éditeur anglais Fleetway à qui l’on doit notamment quelques pockets comme Cow Boy Comics et Cow Boy Picture Library. S’y ajoute une équipe de scénaristes et d’illustrateurs espagnols supervisée par Francisco Gallardo Pons. Côté français, notons une bonne demi-douzaine de mercenaires comme Claude Bordet, un ancien de l’atelier Chott ; Jacques Devaux à qui l’on devra plus tard bon nombre d’écorchés techniques pour les « Pilotorama », et la reprise, dans Pilote toujours, de « Ça va bouillir », à la suite de Maurice Tillieux et sur un scénario de Saint-Julien (Hugo De Haan), d’après l’émission animée par Zappy Max, sur Radio-Luxembourg ; Georges Estève qui débuta dans les récits complets en grand format des débuts de l’éditeur ; Félix Molinari, le dessinateur de la série de guerres « Garry », déjà évoquée ; Yves Mondet qui fit son écolage au sein des récits complets lyonnais… et Bob Leguay.

Planche originale de « Buck John » par Bob Leguay pour les pockets Impéria.

Entre 1961 et 1968, le dessinateur participe ainsi à des séries d’origine britannique comme « Buck John » (25 épisodes),

« Kit Carson » (19 épisodes), « Tex-Tone » (18 épisodes),« Caribou » (10 épisodes) et « Jim Canada » (2 épisodes).

Ajoutons-y quatre récits complémentaires parus dans Cassidy et différentes couvertures de reliure. Carton plein !

Leguay rigole

En 1969, alors qu’il demeure à Saint-Bonnet-en-Champsaur, il signe « Les Aventures de Tex Ripper le Champsaurin », une bande méconnue parue dans Le Soleil des Hautes-Alpes et de la vallée de l’Ubaye, un trimestriel édité à Gap.

Sur place, il tient aussi son propre restaurant, Le Chariot : « Un restau western, avec spectacle… ça a duré sept ans ».

Une planche originale des « Aventures de Tex Ripper le Champsaurin ».

Dessin inédit de Bob Leguay.

S’il garde longtemps la région Provence-Alpes-Côte d’Azur comme port d’attache, Bob Leguay n’en voyage pas moins à travers le monde : « Ma femme dansait dans des cabarets et je dessinais n’importe où en la suivant dans ses tournées. J’ai même envoyé des bandes d’Amérique ! » Aux States, où il séjourne entre 1976 et 1980, il gagne sa vie en réalisant des portraits, des tableaux gigantesques. Certains seront reproduits dans Hustler, une revue spécialisée. Il décore aussi La Niçoise, un grand restaurant de Washington.

De retour en France, il revient à la bande dessinée par l’intermédiaire de séries et de récits érotiques qu’il signe parfois sous le pseudonyme d’Al Cheyenne, publiés dans Bédéadult’ (une revue rebaptisée ensuite Bédé adult’) et dans Le Triangle noir. Il n’en gardera pas un souvenir impérissable : « Un ami avait lu une annonce dans Nice-Matin. Je me suis présenté avec Robert Hugues — Trébor — (3) qui a été mon élève et que j’avais fait entrer chez Artima. On m’a imposé un scénario de Patrick Morin — alias Antoine Occhipinti — sadique et déplaisant, et ça m’a assez vite dégoûté.

« La Rose blanche » dans Le Triangle noir, en 1980.

Si j’avais fait mes propres scénarios, même érotiques, ça aurait passé, mais là c’était trop nul… Aussi, dès que j’ai pu faire valoir mes droits à la retraite, j’ai arrêté. » Ce qu’il fait en 1984. Il nous quitte le 1erjuin 1994.

« La Chienne et le coyote » dans Bédéadult', en 1982.

Bob Leguay résumait ainsi sa carrière : « La BD, pour moi, c’était une époque où tout était simple. On avait beaucoup de travail, c’était mal payé, mais on faisait cela en rigolant. On ne se prenait pas la tête en jouant aux vedettes. » D’aucuns peuvent en prendre de la graine !

Caricature de Bob Leguay par lui-même.

Jean-Luc Leguay conclut : « Bob était un véritable original. Passionné d’un Far West imaginaire, il confectionnait le week-end des ceintures de cow-boy, se rendait à la messe de minuit ou dans le village habillé en Indien de pied en cap. Il vivait en dehors du monde, bricoleur fou qui n’avait de cesse de donner corps à son imaginaire. L’appartement était empli d’objets qu’il fabriquait de ses mains : un château de Chambord en carton, des avions, des lances d’Indien, des revolvers décorés investissaient tout l’espace, certains étaient même épinglés au plafond ! C’était davantage un ami qu’un père. »  (4) Initiation et transmission, on vous disait.

Patrick GAUMER
Mise en pages : Gilles RATIER
Merci aux sites http://www.galerienapoleon.com et http://r.leone.free.frsur lesquels nous avons pris quelques images pour illustrer cet article.

Bob Leguay en famille.

(1) Les propos de Bob Leguay, recueillis par Louis  Cance et enregistrés par Georges Ramaïoli, sont repris dans la revue d’étude Hop !, n° 50, 3ème trimestre 1991 (56 boulevard Lintilhac, 15000 Aurillac). Pour plus de détail sur l’œuvre de Bob Leguay, nous vous en conseillons d’ailleurs la lecture.

(2) Pour en savoir plus sur cet éditeur, nous vous recommandons la lecture de l’« Encyclopédie des bandes dessinées de petit format T1 : Impéria », éditée par la librairie Fantasmak (17, rue de Belzunce, 75010 – Paris), en septembre 1994. Dans les prochaines semaines, BDzoom.com vous proposera un entretien avec son concepteur, le spécialiste réputé Gérard Thomassian.

 (3) Sur le site de son ami Robert Hugues, alias Trébor – Robert à l’envers -, W.G. Colber ou Mancini (http://mancini.colber.free.fr), on trouve quelques cartes de voeux dessinées par Robert Leguay pendant les dernières années de sa vie.

(4) Les propos de Jean-Luc Leguay sont repris de son ouvrage « Le Maître de la lumière », paru en 2004 chez Albin Michel, et réédité, cinq ans plus tard, chez Dervy.

 

Galerie

Une réponse à Bob Leguay (deuxième et dernière partie)

  1. Merci pour ce bel hommage à un dessinateur véritablement doué et passionné. Quand on voit le travail fourni pour chaque case ou page, on voit que les préoccupations de ll’époque (qualité et tradition, respect du lecteur) étaient radicalement différentes, pour ne pas dire opposées à celles à la mode de notre triste période moderne.

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