Entrevue avec André Taymans…

À l’occasion de la renaissance de Roxane Leduc dans « La Main de Pangboche », aux éditions Paquet, nous sommes allés à la rencontre de son auteur : le très talentueux André Taymans, dessinateur aux coups de crayon multiples et divers.

André Taymans.

Avant de revenir sur votre actualité, permettez-nous de regarder dans le rétroviseur. La BD a-t-elle toujours été une évidence pour vous ? Depuis tout petit ?

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné. J’aurais aimé faire du dessin animé, mais c’est finalement vers la bande dessinée que je me suis tourné. Vers l’âge de 15 ans, je suis rentré à Saint-Luc, une école d’art de Bruxelles où j’ai achevé mes humanités pour, ensuite, faire un graduat en BD. Il y avait là, en même temps que moi, Bruno Marchand, Benoît Roels, Jerry Frissen, Christian Durieux, Jean-Luc Cornette, Young, Fabrice Lamy, Jean-Luc Englebert, Bruno Wesel et j’en oublie sûrement.

C’est au début des années 1990′ que l’on commence à voir apparaître votre nom sur des albums de bandes dessinées. À l’époque, vous sévissiez chez Casterman et vous travailliez pour les plus jeunes

Pas vraiment. Mon premier album avec Jean-Claude De la Royère (« Les Compagnons de la peur ») sort chez Lefranc en 1989. Puis, je passe au Lombard où je publie « Opération Bolivar », un album avec Gabrielle Borile et Chantal Heuvel. Chez Alpen/Humanos, je dessine deux albums de « Sam Griffith », un détective. Puis, je reprends chez Dupuis, le temps d’un album, « Munro », un personnage de Griffo. Je travaille aussi beaucoup pour les éditions Bayard et leurs différents magazines.

Ce n’est qu’après tout ça que je débarque chez Casterman avec « Les Aventures de Charlotte », à la suite du refus de Dupuis qui était alors mon éditeur. 5 albums de Charlotte seront édités et 4 d’une série pour les plus petits : « Bouchon le petit cochon ».

« Les Aventures de Charlotte » chez Casterman.

En 1996, toujours pour Casterman, mais d’abord dans le magazine (À suivre), vous créez une héroïne pour les plus grands nommée Caroline Baldwin. Avec un trait ligne claire qui généralement met en scène des scénarios plus légers, vous décidez au contraire de raconter des histoires assez sombres…

« Moon River », premier album de la série, était prévu pour un one-shot dans la collection Aire libre de Dupuis. Caroline Baldwin n’y avait qu’un second rôle, le héros étant l’astronaute Frank White. Mais quand Jean-Paul Mougin, tout puissant rédacteur en chef de (À suivre), l’a appris, il est entré dans une colère noire, exigeant que l’album se fasse chez Casterman. Il l’a donc d’abord publié dans (À suivre) puis en album dans la collection Studio, avec ses célèbres « doubles couvertures ». Concernant le style, je ne me suis pas posé de questions, j’ai juste essayé de dessiner de manière plus réaliste par rapport à ce que je faisais d’habitude, tout en racontant des histoires qui me plaisaient.

Car il faut souligner que jusque là, je n’avais jamais été le scénariste de mes albums. Cette série est un succès et elle traverse les frontières francophones. Elle compte aujourd’hui 16 titres et est traduite en néerlandais, en allemand, en italien, en espagnol et en portugais plus récemment.

Planche originale du tome 16 de « Caroline Baldwin ».

Quand verra-t-on Caroline dans de nouvelles aventures ?

Le prochain album est écrit. Il se passera à Montréal et s’intitulera « Narco Tango ». Il faut juste que je trouve du temps pour le dessiner.

« Esquisses pour Caroline Baldwin » chez Point image, en 2001.

En plus de vos propres personnages, vous animez également des monuments du 9e art tels que « Lefranc » ou « Sibylline ». Comment avez-vous été amené à travailler sur de tels projets ?

C’est à chaque fois une demande de l’éditeur. On m’avait proposé de reprendre « Lefranc » après Christophe Simon, mais je ne sentais pas la manière dont le personnage avait évolué. J’ai donc dit en boutade, chez Casterman, que j’accepterais le jour où le personnage reviendrait dans les années 1950.

Et quelques années plus tard, ils m’ont proposé de réaliser un « Lefranc » vintage.

Pour « Sibylline », l’éditeur et Macherot cherchaient à relancer la série avec de nouvelles aventures. Macherot qui avait de l’arthrose dans les mains ne pouvait plus dessiner, mais avait encore des idées d’histoires.

On m’a proposé de faire des essais à un moment où j’avais envie de refaire des albums pour enfants. Ça tombait bien. Je me suis très bien entendu avec Raymond Macherot et sa femme Josette. Ce fut un vrai plaisir de collaborer avec un tel monument de la BD animalière.

« Sibylline » par André Taymans.

Vous avez également travaillé, le temps de triptyque pour les éditions Glénat.

Un jour, Henri Filipini, éditeur historique des éditions Glénat, m’a téléphoné pour me dire tout le bien qu’il pensait de « Caroline Baldwin » et pour me demander d’accepter de dessiner « Les Filles d’Aphrodite », un scénario de Corine Jamar.

Glénat lançait une nouvelle collection de polars, Bulles noires, et cherchait de nouveaux projets. La collection a hélas été une catastrophe sur le plan commercial et a été vite enterrée.

On le voit, vous travaillez aussi bien sur vos propres scénarios que sur ceux d’autres personnes. Est-ce vous vous impliquez autant sur une histoire dont vous n’êtes que le dessinateur que lorsque vous êtes auteur complet ?

Ce n’est pas une question de savoir si c’est moi ou quelqu’un d’autre qui écrit l’histoire, mais plutôt de savoir si l’histoire me passionnera encore au moment ou je la dessinerai. Il m’est arrivé de réaliser des histoires qui me passionnaient à l’écriture et nettement moins lors de la mise en images.

Il vous arrive également d’écrire pour les autres ?

J’ai écrit une série de 3 albums pour Éric Lenaerts chez Casterman (« La Fugitive ») il y a quelques années.

Aujourd’hui, j’écris un one-shot pour Daniel Desorgher qui sortira, je l’espère, fin 2015 chez Place du Sablon, le nouveau label « belge » du groupe Paquet.

Découpage de la page 8 de « Roxane » version Okapi.

Revenons à votre nouveauté, «La Main de Pangboche »… qui n’en est pas tout à fait une. Si l’histoire est inédite, le personnage ne l’est pas. Pourquoi décide-t-on un jour de reprendre un personnage ?

Caroline Baldwin avec Roxane Leduc.

 

J’ai créé le personnage de Roxane Leduc à la demande du magazine Okapi des éditions Bayard, en 1998. Ils voulaient relancer un secteur BD avec de nouveaux héros. Mais peu de temps après, une nouvelle direction éditoriale est arrivée et a fait marche arrière. Je n’avais, pour ma part, plus le temps de mener de front « Caroline Baldwin » et « Roxane ». J’ai donc laissé tomber « Roxane ». Mais il ne se passait pas une séance de dédicace sans qu’on me demande de relancer la série. J’ai donc décidé de me servir du personnage en guest-star dans les aventures de « Caroline Baldwin » (dans « Rendez-vous à Katmandou », « Mortelle Thérapie » et « Free Tibet »). Après deux années sabbatiques durant lesquelles j’ai beaucoup voyagé en Asie, j’ai décidé d’offrir à mes lecteurs de nouvelles aventures de Roxane, laquelle commençait aussi à me manquer.

Une page de « La Main de Pangboche ».

Pouvez-vous nous parler de ce nouvel album ?

Avec cet album, j’ai voulu me faire plaisir. J’ai voulu retrouver le plaisir que j’avais adolescent à écrire et dessiner des histoires sans prétention sur la table de la salle à manger de mon grand-père chez qui je vivais. C’est pour cette raison que, pour la première fois de ma carrière, j’ai réalisé l’album en couleurs directes. Histoire de tout maîtriser… « La Main de Pangboche », puisque c’est le titre de l’album, se passe au Népal, un pays que je connais bien. Il met en scène Roxane à la recherche, bien malgré elle, de la main de Pangboche, une main momifiée de yéti que convoitent aussi d’inquiétants personnages. Il s’agit de la première partie d’un diptyque d’aventure teinté de fantastique.

Un autre extrait de « La Main de Pangboche ».

Chez Paquet, vous n’êtes pas simplement auteur…

Quand j’ai rencontré Pierre Paquet, en 2013, il était sur le point de racheter les éditions EP basées à Paris et était en train de créer Chours, une structure dédiée au livre et à la BD jeunesse, ainsi que Kramiek, un label dédié à l’humour. Le tout rassemblé au sein du groupe Paquet.

Nous avons alors eu l’envie de créer une maison d’édition dont la direction éditoriale serait basée en Belgique, berceau de la BD francophone, et qui ferait la part belle aux rééditions patrimoniales et à la BD belge dite « classique ».

C’est dans le cadre de cette maison d’édition baptisée Place du Sablon que j’occupe la fonction de conseiller éditorial et d’éditeur sur certains titres à paraître.

Les premières parutions de cette nouvelle maison sont prévues pour mars 2015.

Julien DEROUET

Mise en pages : Gilles Ratier

Pour plus d’images, voir http://andretaymans.com.

D'autres albums dessinés par André Taymans...

Galerie

Une réponse à Entrevue avec André Taymans…

  1. pierre-andre dit :

    Quelqu’un a-t-il des nouvelles du film Caroline Baldwin dont on avait mentionné le tournage en Thailande dans la presse belge il y a déjà deux ans ????
    merci !

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