« Haunt », le retour de McFarlane

À peine sorti, le premier tome de  » Haunt  » est déjà en réimpression, signe que cette série était attendue par beaucoup de fans, promise à un beau succès. Il faut dire que cet album marque surtout le grand retour de Todd McFarlane!

On l’attendait tous au tournant, McFarlane. Après des années de repli où il se consacra plus au business lié à ses créations et autres figurines sportives, on avait même fini par se demander si l’homme reviendrait un jour à la création artistique, et de quelle manière. Le problème, c’est que lorsqu’on commence en mettant la barre très haut, il est difficile de maintenir le cap – et plus encore de le faire évoluer avec talent et génie. Car comment revenir aux comics après avoir révolutionné Spider-Man, fait trembler les majors, et créé un personnage tel que Spawn? L’homme de tous les succès pouvait-il créer à nouveau l’événement? La réponse est pleine de nuances, mais assez positive, je trouve. Car si ce retour n’est pas la bombe nucléaire que tout fan attendait dans un fantasme sans fin détruisant toute limite à l’exigence, il n’en reste pas moins que « Haunt » tient toutes ses promesses et constitue une série très agréable à lire, un peu blockbuster mais non dénuée de très nombreuses qualités. À mon avis, McFarlane revient aux comics d’une manière intéressante et non vampirisante. Co-créateur du concept, il ne signe pas les scénarios et réalise « seulement » l’encrage. Une façon d’être présent dans le thème et l’esthétique sans pour autant imposer son cadre, la répartition des tâches au sein de l’équipe créatrice de « Haunt » engendrant une belle alchimie: le concept est créé par McFarlane et Robert Kirkman, ce dernier signant les scénarios; Greg Capullo s’occupe de la mise en pages des planches; Ryan Ottley dessine et McFarlane encre; FCO Plascencia colorise le tout. Un équilibre malin permettant à « Haunt » d’être une création made in McFarlane sans être trop écraser par le poids et l’univers de l’auteur. Pour cela, il fallait la présence d’un autre ténor des comics pour rétablir un équilibre des forces créatrices. Le choix de Robert Kirkman est évidemment un excellent choix pour cela. Le scénariste à succès de « Walking Dead » ou « Marvel Zombies » est en effet l’un des auteurs du renouveau de l’horreur dans les comics – à l’instar de Steve Niles. Nul doute que Kirkman allait apporter une dimension à la fois humaine et horrifique au sein du récit, complétant les obsessions de McFarlane tout en les forçant à s’ouvrir à sa narration. Cette association entre McFarlane et Kirkman est d’autant plus réussie que les deux hommes amènent chacun un collaborateur de confiance avec qui ils ont déjà vécu des aventures artistiques, respectivement Greg Capullo qui œuvra sur « Spawn » et Ryan Ottley qui dessina « Invincible » avec Cory Walker. Delcourt éditant depuis longtemps les séries de McFarlane et Kirkman, il était donc évident que « Haunt » sortirait chez eux, dans une réactivité bienvenue par rapport aux sorties américaines de ces auteurs.

Comme d’habitude je ne dirai rien ou presque de l’histoire, sinon le minimum vital afin de situer les choses: Kurt Kilgore est un agent secret, et son frère, Daniel, un prêtre. Le premier meurt en mission, mais « hante » son frère de sa présence à ses côtés. Les deux hommes découvrent qu’en fusionnant, ils devenaient un être aux pouvoirs surnaturels dont le costume s’échappe de la bouche du prêtre hanté. Ce dernier va se retrouver malgré lui mêlé aux histoires d’espionnage meurtrières de Kurt, écartelé entre son ancienne et sa nouvelle vie, sa foi et son amour pour Amanda, sa belle-sœur devenue veuve. Sur beaucoup de points, « Haunt » rappelle l’univers de McFarlane, avec ses thèmes obsessionnels: mari défunt qui revient à la vie, justice humaniste et violente, histoire d’amour entre une veuve et un proche de son mari défunt. Copié-collé? Non, on ne peut pas dire cela, grâce au scénario de Kirkman qui ouvre ces obsessions à d’autres territoires, et surtout sur un ton quelque peu différent. Sur l’esthétique, aussi, les échos sont persistants: Haunt semble être le fils caché de Spider-Man et de Spawn, ayant des faux airs arachnéides sombres. La logique du costume et son esthétique sont assez surprenantes, mais tout cela fonctionne bien. La bonne surprise est que McFarlane ne cabote pas dans l’encrage. Il semble vouloir se détacher de certains tics perfectionnistes pour tenter une aventure plus brute de l’encrage, recherchant plus l’efficacité que la fioriture. Les dessins d’Ottley semblent le pousser à aborder les détails autrement, ne laissant pas de place à la maniaquerie. À la limite, lorsqu’on compare les couvertures de McFarlane et Capullo pour « Haunt« , c’est bien Capullo qui mcfarlane le plus! Franchement, ne boudons pas notre plaisir: la lecture de « Haunt » est vraiment très agréable, cette série ayant un vrai pouvoir d’attraction par son potentiel évident et les jolies ficelles tricotées par notre duo de choc. Graphiquement c’est réussi aussi, le contraste du costume entraînant des constructions d’images fortes et dynamiques. Bref, un comic sympathique et symbiotique.

Cecil McKINLEY

« Haunt » T1 (« Frères ennemis« ) par Todd McFarlane, Greg Capullo, Ryan Ottley et Robert Kirkman
Éditions Delcourt (14,95€)

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