Les revues des éditions Lug traduisant les séries de super-héros américains (Fantask, Strange, Marvel, Titans, Spidey…) ont marqué à vie toute une génération de lecteurs ayant grandi en France pendant les années soixante-dix et quatre-vingt. En juin 1980, grâce au dynamisme du directeur de publication Marcel Navarro (1), l’entreprise lyonnaise va tenter l’expérience de créer ses propres sup’héros en lançant une nouvelle formule de Mustang : notamment avec « Mikros » par Jean-Yves Mitton et « Photonik » par Ciro Tota. Les éditions Black & White, non contente de rééditer les péripéties de ce dernier (et d’en proposer des épisodes inédits) viennent de consacrer, à ces auteurs français qui ont eu à cœur de relayer l’aventure super-héroïque en bande dessinée, un passionnant livre très illustré, de 176 pages, dirigé par Michel Montheillet et Thierry Mornet.
Lire la suite...« Bulles » par Daniel Torres

Ramon Sanchez se questionne sur le monde qui l’entoure et tente de trouver des réponses à ses interrogations… devant un aquarium : là où le mutisme et les bulles provoqués par les poissons peuvent lui permettre de se laisser aller à ses pensées et à la constatation des pertes accumulées depuis l’âge de ses vingt ans. À travers la remise en question et l’introspection menée en profondeur d’un quadragénaire attachant, ce délicat et habile roman graphique en noir et blanc alterne nostalgie et onirisme, mais se révèle surtout plein de finesse, d’humour et de singularité…
Daniel Torres est un auteur espagnol qui a commencé à publier plusieurs nouvelles en bandes dessinées dans les revues El Vibora ou Cairo et qui fut largement traduit dans nos contrées dans les années quatre-vingt. Déjà remarqué avec des albums comme « L’Ange déchu » (chez Futuropolis, en 1982), « Sabotage ! » (aux éditions Magic-Strip, en 1983), « Opium » (aux Humanoïdes associés, en 1983) et « Olympe et autres récits » (chez Ædena, en 1986), il publie surtout dans le mensuel (À suivre) des éditions Casterman où il rencontre la consécration avec « Les Aventures sidérales de Roco Vargas » (entre 1983 et 1988), la suite d’« Opium » (en 1989) ou « Le Huitième Jour » (de 1990 à 1995).
Le caractère spectaculaire et imaginatif de son graphisme style ligne claire et l’élégance de son esthétisme, sans oublier l’humour de ses scénarios, force alors l’admiration du public européen… et même américain : pour le label Vertigo de chez DC comics, il participera à la série « Sandman Mystery Theatre » de Matt Wagner en 1997 ou illustrera les couvertures du « The Unseen Hand » d’Ilya et Terry Laban en 1996, puis dessinera, pour Kitchen Sink Comix, un récit complet de « The Spirit » sur scénario d’Alan Moore, en 1998. Il disparaît toutefois quelque peu de la scène francophone, jusqu’en 2002 où les éditions Norma proposent la traduction de la suite des aventures de Roco Vargas : le temps de quatre albums (jusqu’en 2006).
Aujourd’hui, après un long détour dans la publicité, l’illustration et l’animation, il revient donc, avec une nouvelle facette de son talent et un graphisme un peu plus épuré, pour cette chronique d’un homme qui a tout pour lui (femme, enfants, travail…), mais qui, ironie du sort, est pourtant en pleine crise existentielle : à lire, à relire, et à méditer !
Gilles RATIER
« Bulles » par Daniel Torres
Éditions La Boîte à bulles (24 €) – ISBN : 978-2-84953-208-9