À peine étions-nous remis de sa cruelle – et non moins excellente – « Cuisine des ogres » que Fabien Vehlmann, scénariste toujours bien inspiré (1), nous assène un nouvel album de plus de 100 pages : une fresque sauvage, poétique et captivante, remarquablement mise en images et en couleurs par l’artiste barcelonais Roger Ibáñez Ugena, qui signe simplement Roger et qui est surtout connu pour sa série « Jazz Maynard ». Cette fois-ci, l’histoire, aussi philosophique que dense et profonde, est pleine de sang, de bruit et de fureur…
Lire la suite...« Au nom du fils » T1 par C. Belin et S. Perrotin
Un groupe de touristes est sur le point de visiter Ciudad Perdida, une de ces récompenses archéologiques colombiennes qui s’obtient après plusieurs jours de marche et de jungle au c?ur d’une région réputée dangereuse?
On pouvait lire, il y a peu, sur le site Voyage Forum » Il y a deux types de dangers en Colombie : la criminalité classique, et la violence politique (guérilla, paras et armée). Le problème c’est que les parcs colombiens, apparemment absolument magnifiques et idéaux pour tous types de treks, sont aussi des régions infestées de guérilla ou de paras. Le parc de la Ciudad Perdida est réputé pour être une zone aux mains des paras, aujourd’hui plus sûre qu’il y a quelques années et même quelques mois ». « L’armée colombienne, dixit Wikipedia à propos de Ciudad Perdida, patrouille activement la zone qui est à présent considérée comme sûre pour les visiteurs et où il n’y a pas eu d’autres enlèvements », pas d’autre depuis le groupe kidnappé en 2003. Le récit se passe précisément cette année-là puisqu’on y signale l’investiture de Lula et Etienne s’y fait bel et bien kidnappé ! Mais les FARC nient l’opération !
Alors son père, ouvrier sur des chantiers navals, veut comprendre et comme il ne comprend pas, veut agir ! Il prend l’avion (c’est la première fois) et refait sur ses traces le périple du fiston ! Le père n’est toutefois ni un routard, ni un polyglotte, autant dire que l’épreuve est à la hauteur de sa naïveté, risquée ! Dès Bogota, dès le taxi, dès l’hôtel, dès les premières rencontres, il découvre qu’on ne s’improvise pas redresseur de torts et vengeur au visage démasqué !
Le dessin sans fioritures ne ternit pas cette odyssée familiale d’un père sur les traces de son fils, ce qui change finalement des parcours inverses. A suivre, en tout cas, dans le second tome.
Entre tueurs à gages, parrains de la drogue, gamins désœuvrés et forces rebelles, la Colombie détient, indiscutablement, un substrat narratif convaincant pour les scénaristes comme dans le tout récent » Narcos. 1, Coke and roll » (cf. notice L@BD) signé Herzet / Liotti / Orville. Le thème des enfances malmenées, on le trouve au cœur de » Gemelos » (cf. notice L@BD) de Galandon et Benevento; dans » Bitume. 1, Le sauveur de la Linea » (cf. notice L@BD) de Vandam et Constant ou dans la série » Cuervos » de Marazano et Durand.
On peut en rire, aussi, en lisant » Ingrid de la jungle » où Scotto, Stoffel et Di Martino brossent d’Ingrid Bétancourt, l’ex-otage des FARC, un portrait au vitriol. Elle s’y révèle dotée de tous les défauts du monde, mais c’est pas parce qu’on se moque que tout est faux !
Enfin, on peut également prendre un peu de distance avec ces réalités en écoutant l’extraordinaire chanteuse colombienne… Non, pas Shakira, mais Toto la Monposina !
Bons voyages !
Didier QUELLA-GUYOT (L@BD et blog)
» Au nom du fils » T1 par Clément Belin et Serge Perrotin
Éditions Futuropolis (15 €)