« Opium » par Laure Garancher

3 juin 1839, c’est le début de la première guerre de l’opium qui opposa l’Angleterre à la Chine. À Canton, le gouvernement chinois ordonna de brûler 200 000 caisses d’opium que les Anglais importaient directement d’Inde. Cette drogue faisant des ravages auprès du peuple chinois, il fallait frapper fort. Mais les dommages collatéraux furent immenses. Notamment pour les civils anglais travaillant en Chine. William Mac Leon est un de ceux-ci. Artiste peintre, il s’est épris d’une jeune Chinoise, Mei Ju, qui porte en elle de lourds secrets. Sur fond de romance et d’espionnage, cette fresque chinoise nous entraîne au plus profond de ce pays au passé que nous connaissons, finalement, assez mal.

En 2013, Laure Garancher avait déjà publié « Mon fiancé chinois » chez l’éditeur Steinkis. Cette fois-ci, c’est Fei Édition qui publie son nouveau roman graphique « Opium ». Cette fresque pseudo-historique met en scène une famille chinoise dont les deux filles jumelles ont été élevées dans un but bien précis : devenir espionnes pour le compte du gouvernement. Si Mei Yun a finalement refusé cette tâche lorsque son père lui en a donné le choix, Mei Ju a, pour sa part, accepté pour ne pas décevoir sa famille et faire son devoir de citoyenne. Alors que la première se retirait dans les montagnes d’Asie pour y suivre une vie monastique, la seconde se mit au service des nobles anglais, afin de mieux épier leurs faits et gestes. Depuis sa plus tendre enfance, elle a été entraînée aux arts martiaux, à la lecture, l’écriture et même la comptabilité, avec une discipline de fer, en plus d’avoir appris la langue anglaise. Fidèle à ses engagements, elle finira pourtant par succomber au charme d’un jeune dessinateur anglais ; elle qui aurait voulu devenir une artiste peintre, comme sa mère. La guerre les séparera, mais William Mac Leon ne pouvant oublier son amoureuse chinoise entreprit un long voyage qui le mènera au monastère où séjourne Mei Yun. Là, il y découvrira son fils, ainsi que la mort tragique de sa bien-aimée. Du moins, le lui a-t-on fait croire.

En nous contant le destin de ces deux sœurs, Laure Garancher nous ouvre les yeux sur deux facettes de la Chine diamétralement opposée. La sagesse et la religion bouddhistes, loin des turpitudes du monde moderne, et d’un autre côté, des tribulations géopolitiques qui entraînent haine et souffrances. Le caractère prévisible des situations empêche le récit de s’épanouir complètement. C’est le graphisme qui accroche immédiatement le public. Cette succession de dessins à la fois naïfs et si réalistes renforce l’histoire au point de captiver le lecteur qui veut comprendre le sort de ce pays et de ces êtres qui le peuplent. Si le travail de Laure Garancher est toujours aussi intéressant, c’est réellement la mise en couleur de l’artiste Nguyen Thanh Phong, qui transcende l’œuvre. Ces images faussement vieillies, ces zones laissées vierges comme usées par le temps, ce papier jauni et ce petit côté criard dans la mise en couleur renforcent le côté historique et véridique du récit.

En suivant tous ces personnages qui ont dû se sacrifier pour avancer – que ce soit le destin hors norme de ces sœurs jumelles ou celui de ce peintre anglais perdu dans ce pays immense -, on ne peut que déplorer les ravages que cet opium a fait à la Chine et au monde. Un bel album a l’ancienne avec un dos rond, une couverture texturée et un papier épais faisant honneur au travail des artistes.

Gwenaël JACQUET

« Opium » par Laure Garancher
Éditions Fei (21 €) – ISBN : 978-2-35966-096-8

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