Créé par l’écrivain irlandais Bram Stoker en 1897 — et inspiré par le personnage historique du comte Vlad III de Valachie, qui vécut au XVe siècle —, « Dracula » s’apparente autant à un roman qu’à une étude ethnologique ou géographique : l’auteur décrivant pourtant la Transylvanie, sans jamais être allé dans cette région austro-hongroise, en se documentant uniquement dans des bibliothèques. En effectuant un retour aux origines du mal présentes dans l’œuvre originale, tout en s’inspirant librement, cette version — sous-titrée « L’Ordre du dragon » — est une somptueuse bande dessinée d’horreur coéditée par Glénat et Lo Scarabeo.
Lire la suite...Dieter Lumpen » par Ruben Pellejero et Jorge Zentner
C’est chez Magic-Strip, en 1986, qu’on découvrait l’œuvre de deux auteurs (l’un, espagnol ; l’autre, argentin) et leurs récits en noir et blanc, sous le titre « Le Poignard d’Istanbul », premier titre de la collection « Cargo de nuit », 30 ans déjà, suivi d’autres histoires courtes et de trois longs-métrages à présent réunis dans une superbe intégrale.
Les premiers épisodes, de quelques pages à chaque fois, ont lancé le personnage à Istanbul, Santorin, Haïfa, puis plus loin, en Inde (dans les pas de Ghandi) et à Ceylan (où Lumpen assiste à la célèbre fête de la Perahera). Dieter Lumpen s’y décrit alors comme un voyageur et un touriste. Mais des histoires de plus en plus compliquées l’assaillent. Le temps où il glissait sur des anecdotes exotico-aventurières est terminé, parce que s’y mêlent notamment des histoires de femmes, que ce soit à Paris avec la fantomatique Gertrude ou à Manaos avec la sulfureuse Magda. Le beau gosse, façon Bogart ou Corto Maltese, mais en plus « dilettante », est enfin prêt pour la grande aventure. Comme il le dit à la fin de sa virée amazonienne : « Décidément ce voyage fut tout sauf une promenade », car c’en est fini, effectivement, des promenades.
Les voyages au long cours commencent avec « Ennemis communs », l’histoire d’une drôle de montgolfière en Tunisie qui le mène de Tunis et Sidi Bou Saïd à l’oasis de Nefta, plus au sud, sur fond de terrorisme, un récit très original. Avec « Caraïbes », entre combats de coqs et poules aguicheuses, Dieter Lumpen n’est pas loin de devenir star de cinéma à Hollywood. L’ambiance est chaude, sensuelle ; chacun fait son cinéma, pour de vrai, pour de faux, c’est selon ! Certains dévoilent leur jeu (d’acteur), d’autres cachent le leur… mais pour combien de temps ?
Dernière étape, en tout cas, en 1994, avec « Le prix de Charon ». Dans la version album, Zentner précisait en préface : « Charon, nocher [autrement dit, celui qui dirige une embarcation] des Enfers qui passait les morts dans une barque, sur le Styx, moyennant une obole ». Cette phrase, en exergue du récit, livrait une clé. Dieter Lumpen vient en effet d’être pris en stop par un corbillard dont le chauffeur monnaie le transport en sollicitant des histoires. Dieter s’exécute et raconte, raconte, les femmes, les amours, les villes… ce qui permet d’évoquer la vie intime de Lumpen. Il s’en dégage des effets de rêverie exotique (Venise, Pékin, New York…) qui ne laissent évidemment pas indifférent l’amateur de voyage, fussent-ils dirigés par Charon !
Depuis, la carrière des deux hommes n’a fait qu’enrichir le patrimoine BD mais il est plus que nécessaire de redécouvrir ces aventures exotiques et charmeuses, désenchantées ou chaleureuses selon les moments, celles d’un héros sans attaches et attachant, insaisissable comme il sied à un héros bourlingueur, commentées par Zentner en fin d’album avec quelques pages de croquis et d’études.
Alors bons voyages !
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur
Dieter Lumpen » par Ruben Pellejero et Jorge Zentner
Éditions Mosquito (30 €) – ISBN : 978-2-3528-3278-2
C’est sur que cela méritait une réédition. Cela risque de devenir le livre le plus lisible de Mosquito. Car il faut le dire ce petit éditeur publie souvent des dessinateurs italiens au trait magnifique, mais parfois ennuyeux à lire.