« Asterios Polyp » par David Mazzucchelli

En refermant cet énorme livre protéiforme de plus de 230 pages, on peut avoir deux positions : soit louer l’intelligence littéraire de l’auteur et se pâmer devant l’originalité de cette histoire fascinante et émouvante, soit se dire qu’il ne s’agit que d’une construction intellectuelle, certes parfaite, mais complètement sans âme et réservée à des initiés.

David Mazzucchelli n’en est pas à son premier coup d’essai et il a su démontrer, par le passé, sa maîtrise graphique et narrative dans des domaines aussi différents que le comics super-héroïque (« Daredevil » et « Batman ») et le roman graphique (l’adaptation de « Cité de verre» de Paul Auster, « Big Man » ou « La Géométrie de l’obsession »). Et il va employer ici tout son art imaginatif, usant d’astuces sur le plan visuel ou de l’écriture, pour relater une intrigue, somme toute assez banale, pour en faire une bande dessinée vraiment atypique et étonnante ; laquelle se veut aussi drôle que poignante et aussi profonde que légère, mais à laquelle il n’est pas si aisé d’adhérer ; surtout si on n’est guère habitué à ces expériences basées sur la complémentarité du fond et de la forme !

Asterios Polyp est un architecte quinquagénaire brillant, mais qui est en pleine crise existentielle. Après l’incendie accidentel de son appartement, il décide de disparaître et de se réfugier dans une petite ville où il se fait embaucher comme mécanicien auto. Il devient alors l’ami du patron du garage et ce dernier l’invite à s’installer chez lui…. Alors que l’homme tente de retrouver un sens à son existence, quelques flashbacks nous permettent d’en savoir plus sur sa vie d’avant et sur sa relation avec son ex-femme, une sculptrice aussi tranquille et réservée que lui est exubérant et arrogant : le monde étant, pour notre héros, complètement coupé en deux ; c’est soit tout blanc, soit tout noir, lui-même n’étant que la moitié d’un seul être (car son frère jumeau est mort à la naissance) ! Ce qui explique que le visage d’Asterios Polyp est toujours représenté de profil…

Bref, cet ouvrage rempli de symbolisme et d’allusions, salué par toute la presse américaine et qui s’impose déjà comme l’un des ouvrages les plus exceptionnels de 2010, risque quand même de vous décontenancer ; à l’instar de votre serviteur-chroniqueur qui hésite encore entre crier au génie et à la virtuosité graphique où à l’usurpation et au procédé minimaliste… Le débat est lancé !!!

Gilles RATIER

? Asterios Polyp ? par David Mazzucchelli
Éditions Casterman (29,95 Euro)

Galerie

Une réponse à « Asterios Polyp » par David Mazzucchelli

  1. Anonyme dit :

    David Mazzuchelli avait une carrière toute tracée dans les années 90. Batman year one fut un exemple du genre. Pourtant il décida d’entrer en rupture vis a vis du comics Américain. « Rubber Blanket » fut un premier laboratoire de style.
    Aussi , son travail reste encore en décalage du modèle Américain. Ce n’est donc pas un usurpateur mais bel et bien un génie ( encore que le mot est peut être un peu fort)
    Un bon, un pur avec une démarche personnelle remarquable.
    rico

Répondre à Anonyme Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>