« Deadman Wonderland » T 1& 2

 » Deadman Wonderland  » n’est pas à mes yeux le manga qui remporterait la palme de l’originalité ou de la crédibilité. Néanmoins, il risque de faire un carton auprès d’une certaine catégorie de public, les jeunes garçons.

Le récit débute dans un Tokyo ravagé, il y a une dizaine d’années, par un terrible tremblement de terre qui détruisit une grosse partie du Japon. Le contexte est posé et utilise la plus grande crainte des Japonais comme leitmotiv.


Un massacre sanglant © Jinsei Kataoka – Kazuma Kondou – Kana

L’histoire, en elle même, suit la vie d’Igarashi Ganta, un écolier dont tous ses camarades de classe, sans exception, se sont vus massacrer par un homme étrange, flottant dans les airs dans une armure rouge. Cette dernière information étant visuellement peu aisée à partager dans un manga en noir et blanc. Ganta aura la vie sauve et comme seule séquelle un cristal incrusté par le mystérieux tueur dans sa poitrine. Cela disparaitra aussi vite que c’est apparu, mais aura un impact sur le reste de l’histoire, bien évidemment.


Cet homme en armure rouge est la cause de tous les soucis d’Igarashi Ganta © Jinsei Kataoka – Kazuma Kondou – Kana


Pages couleur d’introduction du premier volume © Jinsei Kataoka – Kazuma Kondou – Kana

Étant étrangement le seul survivant, Igarashi sera reconnu coupable du meurtre de ses camarades dans un procès plus qu’expéditif et invraisemblable. Ce passage, concentré sur les vingt-sept premières pages du récit, fait une description graphique extrêmement violente et explicite du massacre ; on sent bien que les auteurs sont là pour en mettre plein la vue sans s’encombrer d’ellipses narratives, ceci afin d’entamer au plus vite la suite. Tout se passe rapidement, avec peu de dialogues et des cases immenses afin de bien mettre le spectateur devant le fait accompli.

L’histoire commence donc réellement lorsque Igarashi sera condamné à mort et envoyé dans une prison qui donne son titre au manga, Deadman Wonderland : celle-ci tenant plus du parc d’attractions que de l’univers carcéral représenté habituellement. Les personnages sont très caricaturaux, à l’image de la gardienne qui a vraisemblablement eu des soucis avec le lavage de son uniforme tellement celui-ci est moulant ; on y retrouve le fantasme de la dominatrice à gros sein en uniforme militaire, cher aux Japonais. Le reste de l’histoire est du même tonneau : exagérée et stéréotypée.


Pages couleur d’introduction au second volume © Jinsei Kataoka – Kazuma Kondou – Kana

Dans cette prison d’un nouveau genre, il faudra que le condamné gagne son espérance de vie au travers de joutes sanglantes rappelant le temps de gladiateurs. La récompense pour le gagnant : un bonbon censé contenir un antidote au poison qui est injecté, petit à petit, dans leur corps, à l’aide d’un collier électronique. Si le condamné n’avale pas ce bonbon tous les trois jours, il décédera dans d’atroces souffrances. Le scénario exploite à nouveau les fantasmes des jeunes garçons d’une dizaine d’années : la vie dans un parc d’attractions, les combats violents ou la mort n’est qu’un jeu, des bonbons comme seule nourriture.

D’autres mangas ont déjà mis en avant le thème du jeu futuriste barbare ou le vaincu risque forcément sa vie ; il y a eu le Rugball chez «  Cobra  » de Buichi Terazawa dans les années 80 puis le Motor-ball dans  » Gunnm  » de Yukito Kishiro dans les années 90, maintenant il y a le Carnival Corps dans  » Deadman Wonderland « .

Présenté comme cela, ce manga semble des plus inintéressants. Pourtant, le dessin est extrêmement agréable et la mise en forme dynamique des pages rend cette histoire invraisemblable facilement lisible. Il faut dire que, comme dans tous les fantasmes de petit garçon, le héros est aidé par Shiro (1), une jeune fille mystérieuse, laquelle sait se battre, le protège en permanence et a des formes plutôt attractives malgré son jeune âge. On en revient toujours au type basique un peu macho qui a besoin de se sentir protéger par une figure maternelle. Ce n’est assurément pas ce titre qui va rehausser la côte des mangas auprès d’un public déjà suspicieux…


Quelques planches montrant bien la violence graphique de ce manga © Jinsei Kataoka – Kazuma Kondou – Kana

Jinsei Kataoka et Kazuma Kondô n’en sont pas à leur coup d’essai. En France, nous leur devons déjà le superbe  » Eureka Seven  » également publié chez Kana. Leur trait tout en rondeur sait mettre en valeur les personnages grâce à des pleins et des déliés du plus bel effet. La plume est assurément maitrisée. Les décors sont nombreux et soignés, chaque détail est placé avec minutie. Quant à la mise en page, elle est entraînante, alternant des planches constituées de grandes cases explicites et des pages mixant quelques petites cases narratives, voire des pleines pages d’action bien descriptives : bref, le spectateur a toujours de quoi s’en mettre plein la vue.


Shiro, sous une apparence de petite-fille modèle se cache une terrible psychopathe © Jinsei Kataoka – Kazuma Kondou – Kana

Le thème de  » Deadman Wonderland  » est un classique du manga. En tout temps, il y a eu des histoires violentes et peu crédibles mettant en scène le dépassement de soi et la combativité de groupe.  » Les chevaliers du zodiaque  » en est un bon exemple. Ce qu’il y a en plus dans  » Deadman Wonderland « , c’est ce côté malsain et un certain voyeurisme que l’on peut justifier par la difficulté qu’ont les Japonais à vivre dans la société moderne : et ceci est peu courant dans une histoire destinée à de si jeunes enfants.


Ayant perdu le combat, ce prisonnier doit donner une partie de son corps. C’est une loterie qui sélectionnera l’œil droit © Jinsei Kataoka – Kazuma Kondou – Kana

Déjà prévu dans une adaptation en anime pour le printemps 2011, ce manga devrait assurément trouvé son public en France.

 » C’est violent et c’est beau  » annonçait Glénat au lancement du manga  » Akira  » au début des années 90. L’accroche de  » Deadman Wonderland  » aurait pu être identique, mais ce manga se situe dans une autre catégorie ou justement c’est simplement violent tout en étant graphiquement beau. Le récit n’a pas la subtilité et la profondeur qu’avait su mettre en place Katsuhiro Otomo pour son chef d’œuvre. Les enfants, toujours en quête de sensation facile et vite consommée, seront néanmoins conquis.

Gwenaël JACQUET

 » Deadman Wonderland  » T1 & 2 par Jinsei Kataoka et Kazuma Kondou
Éditions Kana – 6,50€

(1) Shiro signifie Blanc en japonais. Cela explique que ce personnage soit entièrement de couleur claire, que ce soit les cheveux comme les vêtements.

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