Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...D’Arabelle à Pat’Apouf : Jean Ache (première partie)
Les années d’après-guerre sont riches en créateurs qui, de l’humour au réalisme, remplissent les pages des nombreux journaux nés à la Libération, afin d’apporter un rayon de soleil à une jeunesse qui vient de sortir de 5 années d’Occupation. La télévision est encore réservée à quelques privilégiés, la radio propose de rares émissions destinées à la jeunesse, seuls les « illustrés » lui permettent de vraiment rêver. Jean Ache appartient à cette génération d’auteurs qui remplissent avec talent cette mission. Mieux, tout en œuvrant pour les jeunes, il étendra son horizon aux journaux sinon pour adultes, tout du moins destinés à la famille. Pour beaucoup, son nom n’évoque pas grand-chose aujourd’hui, bien que ses histoires aient été lues par des millions de lecteurs de France-Soir au Pèlerin, en passant par France Dimanche, Le Journal de Mickey… Et même Pilote, avant qu’il ne s’amuse à réfléchir. C’est la carrière exceptionnelle de ce créateur discret que nous vous invitons à suivre…
Du dessin animé à la bande dessinée
Jean Huet voit le jour le 29 août 1923, alors qu’une grosse tempête détruit les cabanes de la plage voisine. Scolarité sans histoire jusqu’à ses 14 ans où il commence à être attiré par les grandes séries américaines traduites dans Robinson et le Journal de Mickey, des illustrés de grand format au contenu novateur, qu’il lit depuis leurs premiers numéros. En 1938, il réalise sa première bande dessinée qui restera inédite : « Les Aventures d’une grenouille », inspirée par Walt Disney. À l’époque, le jeune homme se sent plus attiré par le dessin animé que par la bande dessinée. Pendant l’occupation, en 1941, il débute la réalisation d’un dessin animé amateur sur pellicule 9,5 mm avec une caméra achetée d’occasion. Projet plutôt gonflé, alors qu’à l’époque il est pratiquement impossible de faire développer ses films. Seul, il réalise les 4 500 dessins du film dont il développe les pellicules. Résultat, un court-métrage de cinq minutes : « L’Émule de Tartarin » qui, selon lui, est le premier dessin animé réalisé en France par un amateur. Il sera à plusieurs reprises présenté avec succès dans des clubs de cinéastes non professionnels.
Encouragé par la presse locale qui en parle, c’est avec la bobine de son film sous le bras qu’il part pour Paris. Il se rend aux modestes studios des films de Cavaignac où il est engagé pour travailler sur « Calisto la petite nymphe », un dessin animé mythologique inspiré par le dessinateur André Édouard Marty. C’est là qu’il rencontre le célèbre dessinateur humoristique Albert Dubout qui l’engage sur un projet de dessin animé, après avoir visionné son œuvre d’amateur. Nommé animateur, il travaille alors avec Dubout sur « Anatole fait du camping ». Les personnages principaux sont un petit bonhomme avec chapeau melon et bretelles et sa grosse femme dont il a la charge de l’animation. Cette collaboration prend fin en 1943, le jeune animateur craignant le S.T.O. imposé par les Allemands aux hommes de son âge. Il abandonne alors l’équipe pour entrer dans une semi-clandestinité.
Comme il faut bien vivre, il publie quelques fascicules complets dont « La Forêt enchantée » avec pour héros Doddi : illustrations d’un texte de Freddy de Nussy, rencontré au studio de Dubout, qu’il réalise en 1940 (et qui fut publié dans Les Albums de la bonne équipe des éditions Gründ, en 1944).
Cette même année 1943, il anime aussi l’extraterrestre « Biceps le costaud sentimental » dans un premier fascicule publié par les éditions NB (et signé Jean Hache), suivi par 5 autres aux éditions IPC. C’est toujours en 1944 qu’il collabore brièvement au Téméraire, journal pour les jeunes qui était favorable à l’occupant, où figurent aussi les signatures d’Érik, Auguste Liquois, Raymond Poïvet (voir Raymond Poïvet)…
Il y présente à nouveau « Biceps, le costaud sentimental », son premier héros récurrent. Notons que dès ses premières pages publiées, Jean Huet prend alors le pseudonyme de Jean Ache (sans H).
Après avoir vécu presque simultanément le temps de cinq strips dans le Téméraire et une aventure complète (« Une histoire de moustaches ») aux éditions NB, sur scénario de Freddy de Nussy, Biceps suit pendant quelques années son créateur : avec 5 fascicules complets en 1944 et 1945 chez I.P.C. et, enfin, quelques planches dans Vaillant en 1947 et 1948.
Venu d’une autre planète, Biceps est doté d’une force colossale ; mais il se révèle être une créature sensible et tendre, aimant les fleurs. Un corps à la musculature impressionnante, une bosse sur la tête, deux doigts à chaque pied, le succès du personnage permet à Jean Ache de choisir définitivement sa carrière future : la bande dessinée.
Dès la Libération, les journaux pour enfants, à la parution souvent de courtes durées, envahissent les kiosques. Si ses premiers travaux sont publiés par Cadet-Journal (« Manitou le magicien »), c’est dans O.K qu’il fait ses véritables débuts dès le cinquième numéro, en juillet 1946, aux côtés de jeunes auteurs comme Albert Uderzo (voir Albert Uderzo), Martial (voir Martial), Kline, Pierre Le Guen… Il crée « Tonton Molécule » dont les aventures se poursuivront jusqu’à la disparition de l’hebdomadaire, en 1949. Le crâne rasé, une longue barbe blanche, un nœud papillon, l’aspect sévère, Molécule vit auprès de ses deux espiègles neveux. Ayant mis au point une pilule à base d’uranium qui lui donne une force peu commune, il effectue ses expériences en compagnie du professeur Alcide Nitrik, inventeur d’une machine à voyager dans le temps, et de son ami Basile. O.K disparu, la série passe l’année suivante dans les Zig et Puce et Zig et Puce/Zorro de la SFPI (Société française de presse illustrée) et, enfin, dans Sans Peur en 1952, après une réédition dans Comique Magazine (entre 1950 et 1951).Entre 1953 et 1957, Sans Peur propose surtout des reprises de O.K, quelques inédits de Jean Ache, ainsi que des nouvelles histoires avec Tonton Molécule dessinées par Henri Fox.
Notons que la SEG (Société d’éditions générales) — située à la même adresse que la SFPI qui édite Zorro —, spécialisée dans la publication de fascicules de poche (Sonic, Trident, O.Kay… et Sans Peur) propose aussi des reprises de « Tonton Molécule » dans sa revue À travers le monde. Outre Jean Ache, plusieurs dessinateurs de la nouvelle génération (Claude Pascal, Henri Fox, Michel-Paul Giroud, André Gosselin, Gal…), aux côtés d’anciens (Eu. Gire — voir Eu. Gire — , Bob Dan, René Brantonne, Auguste Liquois…), travaillent pour cette structure éditoriale disparue au cours des années 1960.
C’est également dans Sans Peur (en 1955) que l’on retrouve « B. B. Vitamine », un autre vieillard costaud qui pourrait bien être un parent de Tonton Molécule. Ce personnage, alors orthographié Bébé Vitamine, est apparu dans Kid magazine (éphémère petit frère de O. K), dès 1948, et sera repris dans Le Journal des Pieds nickelés (de 1966 à 1968) ou dans le pocket Super J (en 1970).
Par ailleurs, Jean Ache livra également trois autres séries dans O.K, revue dirigée par le dessinateur marseillais René Detire : « Jim Colt contre contre Porc-Épic », « Brindzing, Tapsek et Fikdou » et « La Grande Bagarre » (d’après le film « À cor et à cri »), entre 1947 et 1949.
Quelques semaines après avoir débuté dans O.K, Jean Ache fait son entrée dans Mon Journal, hebdomadaire de format tabloïd lancé par Bernadette Ratier, ancienne résistante ayant travaillé à Lyon en association avec Marcel Navarro (voir Marcel Navarro alias J.-K. Melwyn-Nash) et Auguste Vistel sur les magazines Brik et Yak. Il y anime les aventures d’Achille, Lastuce et Crémolet, dès le premier numéro du 8 août 1946.
Gros chien au poil noir, Achille est le compagnon de jeux de deux enfants, Lastuce et Crémolet, espiègles et toujours prêts à lui apprendre un nouveau tour lorsque l’oncle Arthur n’est pas là pour tenter de les instruire. Leurs exploits prennent fin en 1948 avec la disparition de Mon Journal.
Achille revient seul, en 1954, dans Benjamin où il sévit jusqu’en 1957. On retrouve aussi les épisodes où il est accompagné de ces 2 garnements dans les pockets des éditions de Poche ou Jeunesse et Vacances (entre 1968 et 1971), après que la série « Achille, Lastuce et Crémolet » ait connu une troisième carrière, à partir de 1966, dans Le Journal de Bibi Fricotin, où leurs aventures se terminent définitivement en 1971.
Notons que, pour ce magazine publié par la SPE (Société parisienne d’édition), Jean Ache dessinera également « La Famille Brocatel » : une famille bien de chez nous dont on peut lire aussi quelques épisodes dans le Journal des Pieds nickelés du même éditeur, de 1967 à 1970.
En 1948, se baladant du côté de la rue Réaumur, siège de France-Soir, Jean Ache rencontre par hasard Guy Bertret dont il avait fait connaissance lors de son passage au Téméraire. Une rencontre qui va changer le cours de sa carrière puisque l’homme lui propose de travailler pour France Dimanche (hebdomadaire alors publié par le même groupe que France-Soir) dont il est l’un de 2 rédacteurs en chef (on peut penser qu’il s’agit du même Guy Bertret qui, quelques années plus tard, participera à l’aventure Pilote via Radio Luxembourg).
Après avoir réalisé quelques essais avec Bellus (« Le Roi Pausole »), Bertret lui explique qu’il souhaite offrir des histoires en images à ses lecteurs : des adultes. C’est ainsi que Jean Ache, sans négliger la presse des jeunes (il adapte par exemple « Œil-de-Faucon » de James Fenimore Cooper pour le supplément de Jeudi-Matin, en 1949), débute une seconde carrière dans la bande dessinée pour adultes encore bien balbutiante.
Dessinateur pour adultes
Le 18 juillet 1948, dans le numéro 98 de cet ancêtre des hebdomadaires people, paraît le premier strip d’« Archibald le costaud sentimental », frère presque jumeau de « Biceps ».
Un strip où les femmes des cavernes n’hésitent pas à se dénuder.
Plutôt que d’être tombé du ciel comme son prédécesseur, Archibald est un homme préhistorique de la tribu des Gros-Migons, un brin coquin et au cœur tendre, fiancé à la brune Roseta.
Il est entouré par Alphonse son diplodocus, Grocilex le chef, Lazare le lézard volubile et Bouboulimi son copain gourmand.
L’homme de l’âge de pierre vit trois aventures (la dernière, publiée en 1957, demeure inachevée) dans France Dimanche. Mais on retrouvera Archibald, bien plus tard (à partir de 1965), dans Pilote.
Notre homme de l’âge de pierre au cœur tendre est brièvement remplacé par « Agénor super Don Juan » en 1949 et, surtout, par « Amanda la pin-up fantôme » de 1950 à 1955.
Après avoir hanté le château écossais de Laird Mac Kintosh, la blonde et jolie Amanda gagne Paris dont elle devient la vedette du plus grand cabaret.
Notons qu’elle sera remplacée en 1954 et 1955 par une autre blonde, la superhéroïne « Coraline », qui fera fantasmer les lecteurs pendant soixante-quinze semaines. Cette collaboration de près de dix années à France Dimanche nous permet d’affirmer qu’il fut sans le moindre doute l’un des rares dessinateurs à œuvrer dans le secteur de la bande dessinée adulte, alors que veillaient les censeurs aux pouvoirs renforcés par la loi récente de juillet 1949.
En 1949, Pierre Lazareff fondateur et directeur de France-Soir, demande à Paul Gordeaux (pseudonyme de Paul Gordolon) de raconter en dessins « Le Film du demi-siècle ». Ce strip vertical mis en images par Jean Bellus est un grand succès. Fin connaisseur des goûts de ses lecteurs, Lazareff décide de publier une page totalement dédiée à la bande dessinée : la dernière ! Deux bandes verticales avec les textes écrits par Paul Gordeaux placés sous les dessins encadrent les strips « Le Crime ne paie pas » et « Les Amours célèbres ». C’est en illustrant quelques épisodes du « Crime ne paie pas » que Jean Ache fait son entrée dans le quotidien qui vend à plus d’un million d’exemplaires (le 15 février 1950) avec « L’Affaire des poisons ». Suivront « Le Courrier de Lyon », « L’Inavouable Secret d’Émile de la Roncière » ou « Le Grand Acteur Booth assassin du président Lincoln ».
Bien qu’elle soit lucrative — Pierre Lazareff paie beaucoup mieux ses auteurs que chez le concurrent Opera Mundi —, Jean Ache met fin à cette activité pour se consacrer à « Arabelle » qui vient de voir le jour.
C’est en effet ce projet que Pierre Lazareff a accepté, à l’occasion du lancement de sa page de bandes dessinées — ou plutôt d’histoires en images —, le 3 mai 1950.
Dernière des sirènes, la brune Arabelle se sent bien seule sur son île de Caprée au large de la Sicile. Envoûté par son chant, l’équipage d’un yacht brise le bâtiment sur les rochers.La belle sirène accepte d’arrêter de chanter à condition d’avoir des jambes à la place de sa queue de poisson. Heureux hasard, le propriétaire du yacht n’est autre que H.G.W. Bimbleton, célèbre esthéticien américain qui en quelques coups de bistouri lui offre une belle paire de jambes et lui propose de devenir sa fille adoptive.
Une vie d’aventure débute pour Arabelle éternelle fiancée du gentil Fleur-Bleue, accompagnée par le ouistiti Kouki. Après 1 051 strips avec le texte placé sous les images, la série adopte les phylactères pour 2 499 nouveaux strips, totalisant 3 550 parutions quotidiennes lors de son départ de France-Soir, en 1962.
Arabelle vit aussi une aventure hebdomadaire dans le Journal du Dimanche en 1957/1958, effectue une escapade dans L’Illustré du dimanche en 1967
et, enfin, connaît 2 longues histoires dans Tintin, entre 1972 et 1977 (avec une autre complète et plus courte dans Tintin sélection, en 1973).
C‘est un véritable phénomène — les chansonniers s’emparent de l’héroïne de Jean Ache et la publicité lui fait les yeux doux —, mais les compilations en albums sont rares. Notons un opus chez Denoël , en 1964, réalisé avec le concours de Vania Beauvais, animatrice compétente de la page BD du quotidien (« Paris by Night »), un autre chez Glénat en 1978, quelques épisodes repris dans le pocket Arabelle aux éditions de Poche (en 1967) et c’est tout !
Terminons ce chapitre consacré à la presse quotidienne avec l’adaptation du célèbre roman d’Alain-René Lesage, « Gil Blas de Santillane », réalisée en 1955 pour Libération Champagne : 72 strips repris dans Benjamin, en 1956, avec bien d’autres adaptations par Jean Ache (textes sous images de Marie-Dominique Rémusat) de romans célèbres signés Alfred de Vigny, Alfred de Musset, Prosper Mérimée, Beaumarchais, Honoré de Balzac, Gustave Flaubert, Lamartine, Victor Hugo, Pierre Loti, Alphonse Daudet, Léon Tolstoï…
Mais « Gil Blas » connaîtra aussi, hélas, une version massacrée, sous forme d’album broché, en 1977, par les éditions Prifo.
À suivre…
Henri FILIPPINI
Relecture, notes et compléments, recherches iconographiques et mise en pages : Gilles Ratier
NB : Ce dossier a été réalisé avec l’aide de Haga n° 5 [mai 73], de Hop ! n° 21 [septembre 79], de Ran Tan Plan n° 30 [1974] et du Collectionneur de bandes dessinées n° 45 [décembre 84]. D’ailleurs, d’après l’article très complet que le spécialiste Dominique Petitfaux consacre à Jean Ache dans ce dernier magazine spécialisé – avec bibliographie à l’appui -, notre dessinateur, aurait peut-être aussi collaboré à cette époque, à des revues comme Le Mérinos (1944), L’Époque (1946), Paris Normandie sports (1947), Radio 48 (1948), Oxygène (1949 et 1950), Le Journal du dimanche (1952), Biribu (1956), Ici-Paris…
Merci aux sites http://www.comicbd.fr, http://dessine.blogspot.fr, http://lectraymond.forumactif.com, http://m-bd.over-blog.com et http://www.forumpimpf.net qui nous ont permis d’illustrer convenablement certaines parties de cet article.
A quand une intégrale d’Arabelle?