Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Interview inédite avec Didier Conrad
Après le raz-de-marée ayant suivi l’arrivée d’« Astérix chez les Pictes » fin 2013, il nous a paru judicieux de recontacter Didier Conrad – assez rare en interview – pour lui poser quelques questions concernant rien moins… qu’Astérix, Spirou et même Tintin ! Les réponses sont à lire dans les lignes suivantes…
Tout d’abord, dans la mesure où les lecteurs savent que la réalisation d’ « Astérix chez les Pictes » avait constitué un challenge incroyablement physique pour vous, comment allez-vous ?
Didier Conrad (D.C.) : Bien. Je n’ai pas encore complètement récupéré mais je suis en bonne forme physique. Le moral est excellent, merci.
« Astérix chez les Pictes » ayant remporté un franc succès, quels retours vous ont le plus satisfait ? Quels détails, à l’inverse, vous ont peiné ou étonné ?
D.C. : Le plus satisfaisant a été de constater qu’Albert et Ada Uderzo étaient contents du résultat. Albert a déclaré que « le prochain serait encore meilleur », ce qui est un bel encouragement. Ensuite, bien sûr, le fait que Jean-Yves Ferri soit aussi positif sur ma collaboration. Une des qualités de Jean-Yves que j’apprécie le plus est son intégrité. Nous nous entendons très bien tous les deux et c’est de bon augure pour la suite.
Il y a eu très peu de réactions négatives. Astérix étant une institution, je m’attendais à plus d’opposition. La réaction du grand (très grand) public a été excellente. Ce public avait très envie d’un bon Astérix et a apprécié que nous ayons mis tout en œuvre pour lui faire plaisir.
Concernant les ventes du dernier album d’Astérix et de sa version « making-of », quels sont les bons chiffres, « noyés » que nous sommes derrière les seules indications de tirages ?
D.C. : Le premier tirage de la version luxe était de 12 000 exemplaires et il y a eu un retirage de quelques milliers en novembre. Après, je ne sais pas.
La version normale a été tirée à plus de 2,4 millions en langue française et la vente a, paraît-il, dépassé les prévisions de l’éditeur. Les différents chiffres publiés dans la presse s’arrêtent à fin 2013 et ne parlent que de la vente sur le territoire français.
Je n’ai pas encore de relevé de ventes officiel. L’album continue à se vendre et il y a peu de retours.
Sur BDzoom, nous nous étions intéressés à la couverture d’ « Astérix chez les Pictes » : avez-vous quelques précisions à apporter à ce sujet ?
D.C. : Oui : il faut noter que la toute première image d’Astérix et Obélix en kilts n’était pas de moi. Elle a été réalisée par le studio qui s’occupe de tous les dessins publicitaires et du merchandising d’Astérix. C’est aussi le studio qui a fourni les images pour les affiches dans le métro parisien.
Pour la couverture de l’album : Uderzo a crayonné Obélix que j’ai ensuite encré. Je ne sais en vérité pas qui a crayonné et encré l’Astérix définitif. J’ai réalisé le reste de l’image, mais le choix et la composition avaient été décidés et approuvés par l’Editeur et Uderzo. Ce procédé est comparable à ce qui se fait dans le cinéma : c’est généralement le producteur, le responsable du marketing et le distributeur qui décident de la présentation de l’objet au public (affiche, teaser et titre).
Albert Uderzo aurait récemment manifesté son désir d’écrire le scénario d’un nouvel Astérix, tandis que le cœur d’Anne Goscinny pencherait plutôt en faveur de Jul : selon vous, verrons-nous d’autres auteurs associés à cette reprise ?
D.C. : Franchement, je n’en sais rien. Albert a travaillé pendant plus de cinquante années à Astérix, sur tous les aspects de la série, aussi bien artistiques que commerciaux. Astérix est une part de lui-même. Nous le confier a été un acte de générosité et de confiance énorme. La part artistique est la plus amusante, Albert n’a aucune raison de se priver du plaisir de travailler à une nouvelle histoire, peut-être même une histoire originale pour le grand écran ? Il est très intéressé par l’animation 3D. Et Albert a choisi lui-même Ferri comme successeur.
Quant à Jul, je ne sais absolument pas s’il travaillera un jour sur un Astérix. Anne Goscinny pour sa part nous a dit que son fils (donc le petit-fils de René Goscinny) avait adoré « Astérix et les Pictes ». Et elle avait l’air très heureuse en nous le disant, bien avant la sortie de l’album en librairie.
La situation telle que je la comprends est la suivante : Hachette a acquis les droits d’exploitation, Albert et Anne possèdent leur droit moral qui est incessible. Hachette (et les éditions Albert-René) et Uderzo nous ont confiés, avec l’accord d’Anne Goscinny, à Jean-Yves et moi la réalisation du 35ème album. Cet album ayant été bien reçu, nous sommes en train d’en préparer un nouveau. Jean-Yves et moi n’avons pas de contrat avec Hachette à long terme. Il n’y a pas pour le moment de seconde équipe envisagée et le rythme prévu est (idéalement) d’un nouvel Astérix tous les deux ans.
Je n’en sais pas plus.
Entre Astérix, Marsu Kids et Spirou, quelles sont vos « priorités » pour 2014-2015 ? Quel calendrier avez-vous fixé avec vos éditeurs respectifs ?
D.C. : Le Marsupilami a été racheté par Dupuis. Dupuis appartient au groupe Média-Participation dont la politique est de regrouper des propriétés de personnages pour les exploiter à grande échelle, notamment avec un parc d’attraction. Ils suivent la stratégie de Disney, initiée en France avec succès par Uderzo avec le Parc Astérix. Dupuis a décidé d’arrêter les Marsu Kids, sans doute pour « resserrer » la série autour de Spirou, plutôt que de l’éparpiller comme faisait Marsu Productions. C’est une logique d’exploitation rationnelle du personnage.
Wilbur et moi avions mis en place un système simple qui permettait de renouveler l’intérêt en suivant des petits Marsupilamis différents à chaque nouvel album. Cela peut toujours être repris ultérieurement par d’autres auteurs si Dupuis le décide.
Le Spirou est un one shot. Christophe Arleston a écrit la première séquence et je travaille dessus en ce moment. Mais il n’y a pas de date de parution précise… Et une reprise par Christophe et moi de la série-mère n’est envisagée par personne à ma connaissance !
C’est un projet que nous faisons simplement pour le plaisir et c’est Dupuis qui est maintenant demandeur.
J’ai d’autres projets personnels mais j’y travaille quand j’en ai le loisir, sans impératif de production.
D’autres projets personnels : pouvez-vous préciser ? Vous qui avez beaucoup œuvré avec Yann, que pensez-vous de ses propres derniers albums, dont les « Spirou »… Et pourquoi ne pas reproposer un album HS avec lui ?
D.C. : J’ai un projet de série à gags avec Jerry Frissen, qui vit aussi à Los Angeles.
Le gag en une page est une discipline que je n’ai jamais tenté auparavant et c’est très intéressant. Mon problème est bien entendu de trouver le temps et l’énergie pour réaliser tout cela.
Rien de nouveau avec Yann. Nous nous entendons bien, mais nos chemins se sont vraiment séparés en 2005, déjà presque dix ans ! Je n’ai pas lu ses « Spirou » récents. J’avais lu le « Tombeau des Champignac » à sa sortie, mais je ne me rappelle plus ce que j’en ai pensé : il faut que je le relise !
Le prochain « Astérix » avance… : combien de planches avez vous réalisé actuellement de ce futur opus ? S’agira-t-il, comme cela avait été annoncé, d’une aventure « locale », demeurant en Gaule donc ?
D.C. : Cela a été annoncé oui. C’est évidemment la grande priorité. Jean-Yves en est toutefois encore à l’écriture du scénario et moi aux recherches visuelles. Le tout doit être bien entendu approuvé par l’éditeur et par Uderzo avant de commencer les planches. Je prépare le dessin en parallèle de la progression de Jean-Yves, pour pouvoir réaliser l’album cette fois-ci dans les meilleures conditions et obtenir le meilleur résultat possible.
À la « belle époque », Astérix était prépublié dans Pilote [ce fut le cas jusqu’en 1973, avec « Astérix en Corse »] : est-il envisageable qu’il le redevienne un jour (histoire complète ou récits courts spécifiques), aux côtés d’autres séries Dargaud par exemple, ceci alors que les grandes séries Dupuis paraissent comme on le sait dans Spirou magazine ?
D.C. : Pas à ma connaissance. Dargaud avait arrêté de prépublier « Astérix » dans Pilote assez tôt dans la série, d’ailleurs…
Dans l’esprit des reprises célèbres, que pensez-vous de l’idée éventuelle d’un nouvel album Tintin (ou « Tintin vu par… »)… avant 2053 ?
D.C. : Je pense que l’on verra un nouveau Tintin dans les dix prochaines années.
Ce ne sera pas un « Tintin vu par… » parce que c’est (à mon avis) un non-sens éditorial. Dupuis a installé ce système pour essayer de renouveler la série « Spirou » qui a toujours vendu assez peu d’exemplaires si l’on considère sa présence permanente en rayonnage (avec l’hebdomadaire), sa notoriété et son image très positive auprès du public. « Spirou » est une série qui a été portée et promue continuellement par son éditeur avec un résultat commercial assez modeste si l’on exclut « Le Petit Spirou ». Mais si le « Petit Spirou » tient la comparaison avec par exemple « Titeuf », comme Titeuf, c’est un (excellent) poids « coq » (l’analogie est vraiment adaptée car il s’agit de deux grands succès BD qui ont un public majoritairement francophone).
Tintin, comme Astérix, n’est aucunement comparable. « Astérix » et « Tintin » sont les séries qui ont fidélisé un très large public international à la BD franco-belge et ont pratiquement créé le marché des albums de BD à partir de zéro. Et les deux sont de vrais phénomènes sociaux.
Ma prédiction est que si Madame Fanny Rodwell se laisse convaincre, il faudra de toute façon plus que quelques années pour réaliser un nouveau Tintin acceptable par le grand public.
Il a fallu quatre ans pour faire l’« Astérix » T35 avec Uderzo pour guider tout le monde.
Pour « Tintin », tous les amateurs et spécialistes de Tintin ont leur idée sur ce qui ferait un bon « Tintin », mais Hergé n’est plus là pour décider ou donner un avis qui rallie tout le monde.
Il y a un autre problème de taille à résoudre : une des forces de Tintin était d’être à la fois contemporain et intemporel. Mais Tintin est vraiment un personnage du 20e siècle. Comment inscrire un nouveau « Tintin » dans notre époque ? La comparaison avec « Blake et Mortimer » est risquée, parce que « Tintin » a vingt fois plus de public que « Blake et Mortimer ».
Astérix a le bonheur d’être complètement intemporel. Vous pouvez lire » Astérix et Cléopâtre » aujourd’hui pour la première fois et tomber complètement sous le charme comme en 1965. Sans aucune nostalgie !
Les studios américains (dont Dreamworks) suivent-ils toujours vos travaux ou collaborez-vous encore avec eux ?
D.C. : Pour travailler avec des studios, il faut être disponible quand ils ont besoin de vous car toutes ces productions ont des calendriers très rigides. J’ai beaucoup trop à faire pour offrir ce genre de flexibilité, même si je le voulais absolument.
Merci beaucoup pour le temps accordé.
(février 2014)
Philippe TOMBLAINE
Merci à ce formidable dessinateur dont la modestie n’a d’égale que son talent! Je me souviens de sa série « jeunesse » Donito aux si belles couleurs et qui me sert à présent de tremplin initiatique à la bd pour les petites graines qui poussent chez moi.
Dans les retours l’ayant plus satisfait, je m’étonne qu’il ne mentionne par les droits d’auteur, qui doivent être très conséquents vu les ventes en France…mais il s’agit de la partie émergée de l’iceberg, puisque l’album se vend très bien à l’échelle internationale.
Une très belle interview et un dessinateur très sympathique que j’ai pu croisé en dédicaces, vivement la suite des aventures…
Merci en effet pour cet interview.
Didier Conrad est véritablement un sacré dessinateur qui peut, sans complexe reprendre la suite d’Uderzo ou Franquin.
Personnellement je regrette qu’il n’ai plus le temps de continuer les Innommables ou la tigresse blanche , car ça c’etait lui entièrement . haa !! nostalgie des année bob Marone …
Bravo l’artiste !
Rectification concernant ASTERIX & OBELIX dans Pilote :
La pré-publication de la série ne s’est pas arrêtée avec Le Bouclier arverne (cette aventure est d’ailleurs parue dans Pilote en 1967 – du n°399 au n°421 – et pas en 1968) ; elle est parue dans le journal jusqu’en 1973 (Astérix en Corse), jusqu’à ce que Goscinny se fasse virer.
« Jusqu’à ce que Goscinny se fasse virer » ? Pas vraiment. En 1974, René Goscinny est encore crédité comme directeur de publication de Pilote ; En 1974 et 1975, il occupe, à titre honorifique, le poste de directeur du mensuel Lucky Luke. Il est surtout occupé, avec son ami Uderzo, par la mise en place des Studios Idéfix que le tandem a fondé avec Georges Dargaud. Pas mal de travaux audiovisuels, aussi, avec son autre copain Pierre Tchernia.
Côté Astérix, des épisodes comme Le Cadeau de César, La Grande Traversée ou Obélix et compagnie sont pour leur part publiés dans Le Monde, Sud-Ouest ou Le Nouvel Observateur. Son ultime album, Astérix chez les Belges, paraîtra à titre posthume, chez Dargaud, en 1979.
Bien cordialement,
Patrick Gaumer
Merci pour vos différents commentaires et/ou remarques…
Comme il est de « coutume », difficile d’obtenir des chiffres précis sur les « retours », et encore moins concernant les revenus des auteurs (mais cela peut se comprendre !).
Et il effectif qu’il faille attendre 1974 et Le Cadeau de César (qui est tout de même le 21ème titre de la série…) pour voir une aventure directement publiée en album, et plus dans Pilote. Comme l’évoque avec précision Patrick Gaumer, le principe de la prépublication sera repris par d’autres titres (Le Monde concernant Le Cadeau de César en juillet 1974) : une prépublication estivale qui anticipe déjà les procédés actuels (Largo Winch dans Les Echos ou XIII dans Le Soir).
Pour l’anecdote, en 1974, le gérant du journal Le Monde affirmera à Goscinny que cela n’avait eu « aucun effet sur les ventes ». Une évidente contre-vérité démontrée assez vite par l’Office de Justification de la Diffusion : le quotidien avait fait + 15 % !