Paul Cuvelier redécouvert…

Philippe Capart, responsable de la librairie-éditrice belge La Crypte tonique, dédiée à la narration graphique et sise au 16 de la galerie Bortier au centre de Bruxelles, remet en avant le travail d’un acteur essentiel de la bande dessinée de l’après-guerre : Paul Cuvelier, l’exceptionnel dessinateur de la série « Corentin » publiée dans l’hebdomadaire Tintin.

Une case agrandie.

Il propose, d’abord, un livre grand format rééditant « Les Extraordinaires Aventures de Corentin Feldoé », tel que l’auteur avait conçu ce premier épisode, en 1946, en partant des planches originales au lavis et en intégrant, en adéquation avec le récit, huit des douze illustrations ayant comme sujet Corentin qui sont parues en couverture du journal Tintin.

Remarquablement scannés en haute résolution et restaurés minutieusement (toutes les traces de pliures du papier et son piqué ont été effacés), ces documents retrouvent alors leurs éclats d’origine, dans un superbe écrin de quatre-vingt-quatre pages en bichromie dotées d’un vernis teinté blanc, au format 293 mm (largeur) x 394 mm (hauteur).

À noter que l’ouvrage est le fruit d’une réalisation collective : Alec Severin, Nadine Scolas, Benoït Boëlens, Hugues Dentier, Kevin Cocquio, André Moons et Jan De Meester des impressions Cultura ayant travaillé avec Philippe Capart, en concertation avec Amédée et Michel Cuvelier.

Un exemple du formidable travail de restauration effectué.

L’ouvrage, tiré seulement à mille exemplaires numérotés (80 euros), contient aussi quelques pages en fin de livre qui sont là pour détailler l’histoire éditoriale des « Aventures Extraordinaires de Corentin Feldoé » et préciser les modifications apportées pour cette nouvelle édition,  à l’instar de celui-ci : « Dans chaque case, deux espaces, en haut et en bas, étaient pensés pour accueillir les cartouches de textes. Pris dans son élan, Paul Cuvelier gardait leurs natures, phylactères ou récitatifs, ouvertes jusqu’au dernier moment. Les queues des phylactères contiennent invariablement du lavis issu de l’image, ce qui souligne l’attribution de la nature du texte après la finition du dessin. Bien souvent le discours graphique est limpide et les espaces dédiés aux textes disparaissent.

Paul Cuvelier n’était pas familier avec les codes et conventions en usage dans la bande dessinée. Pour l’aider, le rédacteur en chef, l’artiste Jacques van Melkebeke, va articuler avec lui les premières pages. Bien que défini par Paul, le texte subit des modifications à la rédaction. À côté de celles d’usages, orthographe et grammaire viennent les conventions de bienséance du journal. Le récit étant articulé par page, il s’agissait de continuellement rappeler aux lecteurs le détail de la semaine précédente et on devait lui annoncer les péripéties à venir. À cela s’ajoute la soumission, toute scolaire, de l’écrit au visuel qui obligeait des textes verbeux et redondants pour décrire les situations représentées. Une non-dynamique qui renvoie la modernité du travail de Paul à la dichotomie véhiculée par les anciennes imageries d’Épinal séparant artificiellement le texte de l’image. Sorties de leur logique hebdomadaire, les planches réunies ici forment un récit complet, un livre. On a décidé de fluidifier le texte par un important travail de réécriture, fond et forme. C’est en récitant à ses filles à voix haute les textes parus dans la première édition qu’Alec Severin a mis à jour de nombreuses redondances et lourdeurs. Il a soumis l’idée, iconoclaste, de refondre les dialogues et récitatifs. »

La sortie du livre est accompagnée d’un numéro de La Crypte tonique (le magazine érudit de la librairie éponyme) intitulé « Cahier de dessin : Paul » et qui retrace la petite enfance et l’adolescence de Paul Cuvelier. Grâce à de nombreux dessins préservés par sa famille – dont la plupart sont annotés par sa mère —, lesquels mènent à ce premier grand récit (1), son parcours graphique y est détaillé : de ses cinq à ses vingt-deux ans, âge de son entrée dans le magazine Tintin. Ce numéro confectionné sur les bases de témoignages de proches et qui développe, de manière plus générale l’évolution du dessin chez tous les enfants (cent quatre-vingt-douze pages pour 20 euros) est évidemment indispensable à tous les amateurs du 9e art !

            Plus d’informations disponibles sur leur site : www.lacryptetonique.com

Gilles RATIER

(1) Certains avaient déjà été publiés (en nettement moins bonne qualité) dans « L’Album Paul Cuvelier », hors série des Cahiers de la bande dessinée, aux éditons Jacques Glénat, en 1974.

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3 réponses à Paul Cuvelier redécouvert…

  1. Monsieur Capart a repris le fond de Michel Deligne, mais c’est un authentique passionné de BD traditionnelle de qualité. Effectivement, ce pauvre Cuvelier n’a pas eu de chance dans sa carrière dans le journal Tintin, dont il était un des plus brillants artistes, même si ses dernières histoires ont été écrites par un débutant qui allait devenir le roi des scénaristes , Mister Jean Van Hamme. Pour le premier, Jacques Van Melkebeke, qui ne fut sans doute pas crédité non par modestie, mais plutôt parce qu’il eut des ennuis à la Libération suite à ses collaborations écrites pendant l’occupation de la Belgique, était quand même un ami de Jacobs qui l’avait présenté à Hergé, qui se servit peut être de cette amitié pour le faire écrire en douce quelques Tintin, histoire d’avoir une source d’inspiration originale. Hergé était fidèle en amitiés, il dépanna donc l’ami Jacques… Benoit Mouchart a même écrit un livre sur lui.

  2. Merci pour ce relais presse!
    Quelques précisions, mais qui ont leurs importances, ce n’est pas Jacques Van Melkebeke qui a scénarisé le récit. Conseillé par Hergé, il a aidé Paul à mettre le récit en cases pour les 4 premières planches. Cette aventure a été imaginée et dessinée par Paul Cuvelier. Le hors texte présenté sur votre site est un original, colorié, qui a été récemment vendu en galerie par « Petits Papiers », et ne correspond pas à la publication de la Crypte, je vous envoie un visuel par « wetransfer » après ce commentaire. Les quelques pages en fin de livre sont là pour détailler l’histoire éditoriale des « Aventures Extraordinaires de Corentin Feldoé » et préciser les modifications apportées pour cette nouvelle édition. Vos lecteurs pourraient penser qu’il s’agit d’un dossier du type « intégrale », ce n’est pas le cas. Et enfin l’ouvrage est le fruit d’une réalisation collective: Alec Severin, Nadine Scolas, Benoït Boëlens, Hugues Dentier, Kevin Cocquio, André Moons et Jan De Meester des impressions Cultura ont travaillé avec moi en concertation avec Amédée et Michel Cuvelier. N’hésitez pas à me contacter pour toutes informations complémentaires,
    Très cordialement,
    Philippe Capart.

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