« Cerebus : High Society » par Dave Sim

L’ÉVÉNEMENT DE L’ANNÉE !!! Les excellentes éditions Vertige Graphic viennent d’entamer la publication en français de « Cerebus », le chef-d’œuvre absolu de Dave Sim. Tout simplement l’une des bandes dessinées les plus géniales de tous les temps. Fabuleux, indispensable, sublime, incontournable… une véritable merveille.

Comment aborder « Cerebus » ? Comment parler de « Cerebus » ? La tâche semble pharaonique, impossible, tant cette œuvre ne ressemble à nulle autre, ambitieuse, folle, labyrinthique, aussi belle graphiquement qu’inventive en termes de narration. Une saga de longue haleine – tout autant qu’un véritable laboratoire de la bande dessinée – sortie tout droit de l’esprit d’un artiste canadien : Dave Sim. Pour ceux qui comme moi connaissent cette œuvre depuis plus de 20 ans, une édition française de « Cerebus » était attendue depuis longtemps, même si la grandeur de la tâche avait toujours semblé reléguer cette envie au rang des chimères, sorte de serpent de mer éditorial relevant du fantasme. Au Canada, « Cerebus » fut auto éditée par son auteur dans une implication personnelle totale. Il fallait donc un éditeur passionné pour se lancer dans l’aventure et publier à son tour le projet fou de cet artiste. Un projet fou, oui, puisque « Cerebus » c’est 300 épisodes réalisés sur près de 26 ans, soit plus de 6300 pages exécutées entre l’hiver 1977 et le printemps 2004, rassemblées outre-Atlantique en 16 gros volumes (Trade Paper Back ou TPB pour les habitués).

La spécificité remarquable de « Cerebus » est que cette œuvre n’est pas une série ou une suite d’aventures différentes vécues par un même personnage, mais bel et bien une seule et même histoire, celle de la vie de Cerebus, jusqu’au dernier jour de sa vie, narrée sur des milliers de pages. Le plus gros graphic novel de tous les temps. L’œuvre d’une vie. Un truc qui ferait passer « À la recherche du temps perdu » pour une douce petite rigolade…

Après avoir travaillé pour divers fanzines lui ayant permis d’interviewer des artistes de premier ordre (Neal Adams, Barry Windsor-Smith, Harvey Kurtzman…), le jeune Dave Sim décide de se lancer lui aussi dans le métier de dessinateur de comics. Mais il ne veut pas que dessiner, il tient à être l’auteur à part entière d’une œuvre très personnelle, obéissant à ses envies plutôt qu’aux normes en cours dans le milieu de l’édition. Pour ce faire, il montera donc sa propre structure éditoriale (Aardvark-Vanaheim, Inc) et, à la fin de l’année 1977, il sort le premier fascicule de « Cerebus the Aardvark ». Savait-il jusqu’où le mènerait cette aventure ? Car ce qui n’était au départ qu’une parodie de « Conan le Barbare » se transforma vite en épopée aux ramifications bien plus larges, évoluant tout au long de sa réalisation comme peu d’autres créations ont eu le culot de le faire, dans des directions très surprenantes. Résumée en une phrase, cette œuvre raconte donc le parcours d’un oryctérope barbare qui accède petit à petit au pouvoir politique puis religieux, se retirant ensuite de la scène pour retrouver la femme qu’il aime mais sans pouvoir concrétiser cet amour à cause d’une dictature qu’il tentera de combattre férocement, puis ce seront des voyages mystiques d’où il reviendra changé, abordant alors la dernière période de sa vie dans une méditation où la littérature va laisser place à la foi. Intimement liée à la vie de son auteur, l’œuvre aura donc été le reflet des prérogatives existentielles de Dave Sim plutôt que de celles de son héros, d’un athéisme et d’un combat militant pour l’auto édition à des visions contestées puis à une sorte de crise mystique.

Évidemment, très vite, LA grosse question se pose : mais qu’est-ce donc qu’un oryctérope ? L’oryctérope est un mammifère d’Afrique se situant entre le cochon, le fourmilier et le tatou… Aussi appelé « cochon de terre » (d’où le surnom « porc terreux »), l’oryctérope est en fait inclassable puisqu’il est le seul représentant de l’ordre des tubulidentés. Pour vous faire une petite idée, j’ai demandé à un oryctérope de poser pour vous dans un décor de « Cerebus » ci-dessous :

Drôle de bestiole, non ? Il y a en fait fort à parier que le côté unique de cet animal a été l’une des raisons pour lesquelles Dave Sim l’a choisie afin d’incarner son héros, vibrant porte-parole d’un travail d’auteur assumé et revendiqué. Car « Cerebus » ne ressemblera à rien d’autre qu’à « Cerebus ». Entre heroic fantasy, chronique politique, histoire d’amour, littérature et mysticisme, c’est un univers complexe, riche, une nébuleuse en soi que nous propose Dave Sim.

L’autre grosse question venant tout de suite après et qui tarabuste les fans est de savoir si cette édition française allait démarrer l’aventure dès le premier volume ou bien si la « série » commencerait par un volume ultérieur plus apte à attirer les lecteurs ne connaissant pas cette œuvre. Polémiques entre puristes et passionnés en perspective, my God… Les éditions Vertige Graphic ont fait un choix à la fois judicieux et courageux, en débutant l’édition de « Cerebus » à partir du deuxième volume intitulé « High Society ». Je ne suis pas un puriste, pourtant cette question me titille gravement, puisque j’aurais adoré une édition intégrale débutant par le tout premier opus. MAIS. Il faut rappeler que le premier volume, reprenant les 25 premiers épisodes de « Cerebus », est en fait la préhistoire de l’œuvre, l’espace où le personnage, le contexte, l’identité graphique et la nature globale du projet vont évoluer jusqu’à prendre réellement corps et trouver leur épanouissement dans le deuxième volume. Au début de la saga, le dessin y est encore maladroit, Dave Sim se cherche, et tente de se débarrasser de ses influences trop présentes (Barry Windsor-Smith, surtout…). Ci-dessous, la toute première planche de « Cerebus » :

En 25 numéros, Dave Sim va trouver son rythme, son style, sa prose. D’une parodie au dessin débridé, nous passons progressivement à une épopée affirmant une esthétique très particulière. L’évolution graphique du personnage en lui-même est d’ailleurs assez phénoménale entre le 1er et le 25ème épisode. Le premier volume campe le décor et les personnages, mais c’est donc bien le deuxième opus qui incarne réellement ce que va être cette création au long cours. Dès les premières pages, la différence est nette par rapport aux épisodes antérieurs : l’arrivée de Cerebus dans les hautes sphères de la société correspond aussi à un changement de ton dans l’esthétique, avec un emploi toujours plus persistant des trames et des hachures, et l’on sent que l’univers graphique de Dave Sim est en train de se mettre en place de manière définitive. Cerebus lui-même acquérra au milieu de « High Society » sa maturité de trait. Notons qu’au-delà de l’évolution graphique, Dave Sim – à l’instar de Frank King dans « Gazoline Alley » ou Guido Crepax dans « Valentina » – fait vieillir son personnage au fur et à mesure que le récit avance dans le temps. Se calquant au départ sur le physique du véritable oryctérope, Cerebus a vite quitté l’anguleux pour aller vers le courbe, le rond, voire le mou pour les périodes tardives… L’image ci-dessous vous montre Cerebus à ses débuts puis dans son acmé esthétique, vers la moitié de l’œuvre :

Et, pour aller jusqu’au bout, je vous propose une image qui vous montre à quoi ressemblera l’oryctérope flamboyant au dernier jour de sa vie, ce qui vous permettra aussi de constater que si « Cerebus » semble être une œuvre sérieuse, voire aride, elle n’est jamais départie d’un sens de l’humour dévastateur qui constitue un véritable pendant aux drames qui traversent cette création aussi sublime qu’iconoclaste :

Sur le fond comme sur la forme, le choix de Vertige Graphic est donc pertinent, puisqu’on peut dire que la différence de qualité graphique et narrative entre le premier et le deuxième volume est sans appel, au point que Dave Sim lui-même avait publié « High Society » en TPB avant de sortir le premier, conscient de cette différence de niveau et du moment exact de l’éclosion de sa création. Cela correspond aussi au moment où Dave Sim, après avoir un peu abusé du cannabis, avait fortement abusé du LSD au point d’être hospitalisé. Ce bad trip aura aussi été un facteur déclenchant de cette optique de saga en 300 épisodes… Vertige Graphic a donc suivi la logique de l’auteur, aidant néanmoins le lecteur à se familiariser avec les racines de l’œuvre en proposant une introduction de quelques pages qui revient sur ce qui s’est passé dans les 25 premiers épisodes. Toujours à ce propos, si l’art et la culture veulent encore dire quelque chose, et si les lecteurs se tournent avec bonheur et évidence vers ce volume édité par Vertige Graphic, eh bien après les prochains tomes (oh oui, oh oui, oh oui !!!), il y aura peut-être en cerise sur le gâteau un volume n°0 reprenant les fameux premiers épisodes !

« High Society » raconte donc en plus de 500 pages comment notre oryctérope, après avoir été un barbare et un mercenaire sans foi ni loi au service d’un certain Lord Julius (maire de la ville de Palnu), arrive dans la grande ville d’Iest pour finalement accéder au poste de Premier ministre. Une ascension fulgurante portée par la peur et les intérêts économiques des acteurs de la haute société, mais une ascension à double tranchant ; eh bien oui, puisqu’il s’agit de Cerebus ! Cerebus est en effet un héros très particulier, remuant de vieux syndromes tel que celui du « Maître de Ballantrae » de Robert Louis Stevenson, où les frontières entre bien et mal sont malmenées, menant le lecteur à faire du personnage mauvais le véritable héros. Cerebus est très ambigu. On l’adore, c’est vraiment un personnage incroyable, parfois très touchant. Et pourtant. Cerebus est une teigne, un malpoli, un bagarreur, un menteur, parfois cruel, souvent injuste, colérique, taciturne, outrancier, pétant, rotant, fumant, et buvant à très haute dose. Alcoolique, misogyne, misanthrope, ordurier, ce héros-ci est bien loin des archétypes du genre, oscillant constamment entre profondeur et violence provoquée, sympathique puis tout de suite après imbuvable ; on se prend tout au long de l’œuvre à l’aimer puis à le détester. Dave Sim nous demande d’être un lecteur actif, ne subissant pas les postulats. Il nous pousse à réfléchir et à prendre des positions par rapport à ce qui est dit, écrit, montré. Dans « High Society », Dave Sim nous montre finalement comment un type à la mentalité et à la morale plus que louches mais ayant un certain charisme peut accéder au pouvoir par des truchements abjects faisant de la démocratie une farce dénaturée par ses propres acteurs à grands coups de pots-de-vin, de tractations secrètes, de bluff et d’intimidations, de chantage et de violences diverses : un jeu de massacre savamment orchestré, très jouissif !

Pratiquement tous les personnages récurrents de la série traversent « High Society », et les lieux historiques du récit sont assez mis en avant pour que le lecteur novice se familiarise assez vite avec l’univers de Cerebus en son entier. Pour la géographie, l’action de « Cerebus » se passe dans le royaume de l’Estarcion où deux villes (Iest et Palnu) se confrontent. La présence forte et oppressante de plusieurs Églises et mouvements (l’Église de Tarim, les Cirinistes, les Kevillistes, mais aussi les Illusionnistes) ajoute aux tensions qui régissent ce monde du début du 15e siècle (« High Society » se déroule en 1413). Mais il y a aussi l’empire sépran, et l’incursion d’espaces mentaux au sein du récit, et tant d’autres inventions aussi passionnantes les unes que les autres…


Quant aux personnages, ils sont hauts en couleurs, et autour de Cerebus gravitent des seconds rôles à la personnalité très marquée, avec une vraie dimension psychologique et affective. Certains d’entre eux donnent l’occasion à Dave Sim d’insérer un vrai sens burlesque au sein de son récit. Il y a Elrod l’albinos (un crétin très fier de lui, insupportable de bêtise, dont vous pouvez admirer l’une des envolées lyriques ci-dessus).
Il y a aussi, bien sûr, l’inénarrable Lord Julius, incarné en Groucho Marx et se conduisant comme tel, faisant vaciller le récit dans des absurdités dignes des vrais Marx Brothers : un régal ! Chico Marx apparaît même sous les traits du Duc Leonardi ! Il y a encore les frères McGrew, culs-terreux parlant un patois canadien atroce avec un accent atroce : deux énergumènes atrocement… réjouissants de bêtise ! Enfin, il y a la catastrophe ambulante : j’ai nommé le Roach (« blatte », ou « cafard » en anglais), un individu complètement abruti, délirant, débile profond, schizophrène, qui tout au long de « Cerebus » va se prendre pour différents super-héros (ce qui permettra aussi à Dave Sim de fustiger un peu les dérives de ce genre). Le Roach est apparu dès le premier TPB sous l’apparence de Captain Cockroach (pour Captain America). Pour le plaisir, ci-dessous, une galerie où vous pourrez admirer la première héroïne pastichée dans « Cerebus » (Red Sophia) ainsi que La Chose, et une sélection de quelques-unes des « super-identités » endossées par le Roach (à noter qu’il finira sa pitoyable carrière en devenant « Normal Roach », sans costume ni rien de rien, mais continuant à délirer…).

Ces pastiches ne seront pas que critiques, puisqu’ils permettront à Dave Sim de rendre aussi hommage à des œuvres de tout premier ordre comme « Swamp Thing » ou « Sandman », comme l’attestent les images ci-dessous :

Mais il n’y a pas que le burlesque, dans « Cerebus », loin de là. Plus tard, notre oryctérope caractériel côtoiera même Oscar Wilde ou Scott Fitzgerald… Il faut en effet ajouter Astoria la calculatrice et les sombres Cirinistes qui plongeront ultérieurement le récit dans des atrocités sans nom, ou bien le mystérieux Suenteus Po, et Bran MacMufin… ET, bien sûr, la belle et sensible Jaka, la danseuse dont Cerebus est amoureux… Au-delà de Cerebus, au-delà de la mythologie de la série, au-delà des expériences narratives et graphiques, au-delà de tout, je crois, il y a Jaka. Il n’y a que Jaka. Elle traverse l’œuvre de bout en bout même lorsqu’elle n’est pas là, comme un fantôme hantant Cerebus jusqu’à l’atteindre en profondeur, jusqu’à lui faire renoncer à ce qu’il se voit être. Chacune des apparitions de Jaka est un moment clé dans l’histoire. Elle bouleverse l’ordre des choses sans – semble-t-il – agir sur quoi que ce soit. C’est au moment où elle revient vers Cerebus dans « High Society » que celui-ci acquiert une vraie maturité graphique. C’est dans l’image où l’oryctérope la gifle qu’apparaît pour la première fois le fameux cadre de case à l’aspect gras déchiqueté qui deviendra l’une des facettes graphiques identifiables de l’œuvre. C’est pour Jaka que Cerebus tentera de passer à autre chose dans sa vie. C’est par amour pour elle qu’il aura le courage de combattre les Cirinistes, et d’aller jusqu’au bout de sa quête, même s’il a toujours été incapable de l’aimer comme il l’aurait fallu, de la retenir, et même d’accepter de la suivre quand elle lui a proposé… Mais, en fin de compte, je le répète, il n’y a que Jaka.

De fait (car « Cerebus » est tout sauf une œuvre manichéenne ou simpliste, regorgeant de fausses trappes et de vérités dont il faut se méfier), l’un des intérêts majeurs de cette création unique est l’art narratif de Dave Sim, acteur à part entière de ce chef-d’œuvre qui est justement un chef-d’œuvre de la bande dessinée mondiale non pas par la performance du nombre impressionnant de pages réalisées mais bien par la manière dont elles sont réalisées. Et alors là tout le talent de dessinateur – mais avant tout de conteur – de Dave Sim explose au grand jour. Bien plus que ce mélange des genres qu’il opère avec acuité, malice ou méchanceté, il y a ce sens incroyable de la narration, du découpage, de la mise en pages, de la séquence, bref, de toute la science narrative intrinsèque à cet art, si souvent foulée au pied par nombre d’artistes prétentieux et creux… Dave Sim, lui, excelle, et expérimente dès qu’il le peut toutes les arcanes narratives qu’il peut emprunter afin de faire de « Cerebus » non pas une bande dessinée de plus, mais bien le lieu de tous les possibles. C’est aussi dans « High Society » que cet art narratif prend son essor et trouve son potentiel de narrations alternatives. C’est ici par exemple que Dave Sim commence à fragmenter une action qui mériterait même une ellipse pour au contraire se pencher sur elle et la disséquer avec une précision du rythme et du découpage remarquables, amenant du même coup des nuances de déroulements temporels distincts et complémentaires, comme des espaces en soi au sein du récit global. C’est aussi dans « High Society » que débutent réellement ces fameux « espaces mentaux » où Cerebus traverse en tous sens des étendues spatiales jonchées de formes bizarres. C’est par le biais de ce processus que Dave Sim va commencer à pousser plus avant ses expérimentations de mises en pages, utilisant le blanc de la feuille et réorganisant la logique de lecture des images et du texte selon la dynamique ou l’atmosphère où se déroule l’action. C’est ce qui le mènera de plus en plus à alterner bande dessinée « pure » et textes illustrés, ou alternances de textes pleins et de séquences graphiques muettes. Un laboratoire de toute beauté, et pour tout dire l’une des bandes dessinées ayant le plus tenté de mêler textes, images et symbiotes avec une telle qualité littéraire, une telle grâce esthétique. Car si les dessins sont sublimes, les textes sont de haut vol, et nous avons bien affaire là à des Mots, à des Images.

C’est bien pour cela que Dave Sim arrive à nous tenir en haleine sur des centaines de pages d’affilée sur un seul sujet. Car non non et non, contrairement à ce que pensent certains handicapés béats de la lecture, « Cerebus » n’est pas une œuvre « intellectuelle chiante » (ou alors, les Monty Python sont intellectuels et chiants). Dans « High Society », alors que le récit s’embourbe volontairement dans des tractations politiques, économiques, militaires et religieuses à n’en plus finir, complexes, s’anéantissant elles-mêmes mais demandant une grande attention aux lecteurs, au sein de ces centaines de pages de dialogues tarabiscotés, donc, Dave Sim ne cesse d’expérimenter les cadrages, les angles de vue, les articulations graphiques, la temporalité et l’esthétique, les onomatopées ou les silences, nous offrant des trouvailles toutes plus jouissives les unes que les autres, nous surprenant souvent par ses audaces et ses idées brillantissimes. Ainsi, par exemple, cette scène où Cerebus se lève avec la gueule de bois et titube et vacille : les cases – mais aussi la planche – suivent le mouvement de la biture, obligeant le lecteur à tourner l’album en tous sens afin de coller au sens de lecture, lui-même pris dans le tourbillon de cette alcoolémie par procuration. C’est totalement jouissif, comme presque à chaque page. La maestria à l’état pur. Une merveille.

Bien sûr, on pourrait parler aussi de l’ami Gerhard qui rejoindra plus tard Dave Sim pour réaliser les décors et parfaire le travail de ce dernier dans une belle osmose, ainsi que des directions humaines très controversées prises par ledit Dave Sim, mais alors il faudrait bien plus d’espace qu’une présentation de cette œuvre pour continuer au-delà. Laissons cela pour les prochaines chroniques à venir, attendant en sueurs que les autres volumes apparaissent enfin… Oui, difficile de trouver la juste mesure, la juste longueur, pour parler d’une œuvre pareille après tant d’années à l’avoir attendue, fébrile, suant de désespoir. Pas que le petit plaisir personnel et la passion rassasiée, non. Mais bien parce que l’absence de « Cerebus » dans notre paysage éditorial était un trou béant méprisant l’une des plus belles bandes dessinées jamais créées, l’un des joyaux de l’histoire du 9e art. Nous ne remercierons jamais assez les éditions Vertige Graphic de tenter ce pari grandiose tout autant que nécessaire au patrimoine mondial de la bande dessinée. De grands mots ? Je veux, oui ! À grande œuvre grands mots, et à grand événement grand éditeur. Bravo, Vertige Graphic, jamais le nom de votre maison d’édition n’aura été aussi évident ! Un album, une œuvre, un auteur que je vous conseille donc avec le feu de la passion la plus irraisonnée et la plus absolutiste, chers amateurs de comics qui – comme Oscar Wilde – avez des goûts très simples, vous contentant du meilleur…
Je vous envie, vous qui ne connaissiez pas ce chef-d’œuvre et qui allez vous plonger dedans pour la première fois. Personnellement, c’est un souvenir qui ne m’a jamais quitté. Je me souviens du jour, du lieu, de la lumière qu’il y avait, et des gens dans le comic shop… Une très bonne lecture à vous, mes amis…

Cecil McKINLEY

« Cerebus » T1 (« High Society ») par Dave Sim Éditions Vertige Graphic (35,00€)

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2 réponses à « Cerebus : High Society » par Dave Sim

  1. jacques Dutrey dit :

    Bravo Cecil! Si j’avais su je n’aurais pas fait cadeau de ma collec’ de Cerebus au CNBDI…

    • Cecil McKinley dit :

      Bonsoir, cher Jacques. Merci pour cette réaction enjouée! Je vous propose une chose: retrouvons-nous à Angoulême fin janvier, la nuit, au pied du CNBDI. J’aurai un pied de biche, munissez-vous d’appâts pour oryctérope (fourmis ou fruits), et ce sera bien le diable si nous ne réussissons point à récupérer votre bien!
      Bien à vous,
      Cecil

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