« Hedge Fund T1 : des hommes d’argent » par Patrick Hénaff, Tristan Roulot et Philippe Sabbah

Si l’univers du 9e art est parfois décrit comme un monde de compétition entre prétentions artistiques et soucis économiques, il n’aura en tout cas généré que peu de personnages doublement aptes à maîtriser la finance internationale… Et à toucher le cœur du public. Après l’incontournable « Largo Winch » (imaginé par Jean Van Hamme dès 1973, et adapté par Philippe Francq en 1990), c’est donc au tour d’un héros amplement moins positif nommé Franck Carvale de prendre tous les risques au sein de la collection Troisième Vague du Lombard, laquelle accueillait déjà « I.R.$. » (par Stephen Desberg et Bernard Vrancken) ! Expert et acteur des marchés financiers, Philippe Sabbah s’est joint depuis 2011 au duo Roulot et Hénaff pour créer « Hedge Fund », avec l’ambition avouée de dévoiler en trois tomes les sombres dessous de la crise actuelle…

L'ambiance du thriller économique : quand la finance "touche le fond"...

Argent, luxe, corruption, goûts du pouvoir, des jolies femmes et des belles voitures : les standards du thriller financier ne sont certes pas une nouveauté, comme l’indiquent les lectures de séries telles « Secrets bancaires » (Philippe Richelle, Pierre Wachs et Dominique Hé ; 8 tomes chez Glénat de 2006 à 2009), « Dantès » (7 tomes chez Dargaud depuis 2007, par Philippe Guillaume, Pierre Boisserie et Erik Juszezak) ou – dans un autre registre – «L’Affaire des affaires » (Denis Robert, Yann Lindingre et Laurent Astier ; 4 tomes entre 2009 et 2011 chez Dargaud). « Hedge Fund T1 : des hommes d’argent » tire sa quintessence et son réalisme de la propre expérience de Philippe Sabbah, lequel aura notamment œuvré chez des courtiers parisiens puis au sein de la banque Indosuez, de la France à Madrid et de Hong-Kong à Zurich. Dans ce premier album, où fiction et réalité semblent s’entremêler, Franck Carvale tente une carrière de trader au sein de la Royal Bank de Hong Kong, tandis qu’un certain Bilkaer cherche à placer 300 millions de dollars… Voici l’engrenage amorcé d’un « Hedge Fund » : une société d’investissements non réglementée, où tous les (sales) coups sont possibles !

Recherches pour la 10ème planche de l'album

Rough pour la 35ème planche

Ce scénario très dense (l’album compte 56 pages), ainsi que la couverture de ce premier volume, pourront rappeler aux cinéphiles l’intrigue de « Wall Street » d’Oliver Stone (1987), où le jeune Bud Fox (Charlie Sheen), courtier dans une banque d’affaire new-yorkaise, est attiré par l’univers illégal et lucratif de l’espionnage industriel. Ces éléments renverront aussi au film « Margin Call » (J.C. Chandor, 2011), lequel décrit le déclenchement de la crise financière de 2008, à travers la brutale découverte par les employés d’une banque d’affaires new-yorkaise de l’aspect toxique de ses actifs qui la mettent en danger de mort.
Dans chaque cas, le visuel illustre son sujet par le biais de jeunes et ambitieux courtiers placés face à leurs contradictions, dans un monde urbain (le panorama de buildings offert par le Central Business District ou Financial District de la cité américaine) et crépusculaire, miné par sa faillite annoncée.

Wall Street (1987)

Jaquette américaine pour Margin Call

Poster teaser pour "Batman, The Dark Knight : Le Chevalier noir" par le studio Crew Creative Advertising (2008)

La couverture d’« Hedge Fund » reprend les codes introduits par les œuvres susnommées, en y réintroduisant les ambigüités d’un antihéros tiraillé entre basse morale et rêves financiers. Face à une ville  »by night » (connotée derrière ses ombres et lumières), délimité par le sur-cadrage d’une immense baie vitrée, Frank Carvale n’est plus qu’une silhouette noire et isolée, se devant d’affronter l’invisible défi auquel il songe probablement… Ce « Dark Knight » (C. Nolan, 2008) sera bien sûr plus proche – de par ses excès et son obsession de l’argent – du personnage incarné par Leonardo DiCaprio dans « Le Loup de Wall Street » (Martin Scorsese, 2013) que du célèbre super-héros de Gotham City ! Les dangers liés à l’urbanité, à ses méandres et à ses vices, outre une consommation maladive et un système capitaliste vérolé, seront néanmoins quasi-identiques. Bandeau noir sur nuits blanches, donc, pour « Hedge Fund », dans un renvoi doublement littéraire et cinématographique au style thriller, genre également suggéré par les couleurs (noir, bleu nuit, jaune et blanc) déployées en couverture. Si ce n’est la « Couleur de l’argent » (M. Scorsese, 1986), ce n’est assurément pas plus une odeur de sainteté…

Philippe TOMBLAINE

« Hedge Fund T1 : des hommes d’argent » par Patrick Hénaff, Tristan Roulot et Philippe Sabbah
Éditions du Lombard (12, 00 €) – ISBN : 978-2803634453

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