Décès de Victor de la Fuente : l’un des plus grands artistes réalistes espagnols du 20ème siècle

L’artiste espagnol Victor de la Fuente, l’un des plus grands représentants de l’école réaliste ibérique, est décédé vendredi (le 2 juillet 2010) à son domicile français, à l’âge de 83 ans. Retiré depuis de nombreuses années dans sa résidence de Le Mesnil Saint Denis, il ne fréquentait plus du tout le monde de ce 9ème art qui l’avait tellement déçu. Il faut préciser que ce fabuleux dessinateur, qui était adulé par ses confrères (il a également travaillé avec les plus grands scénaristes : Victor Mora, Jean-Michel Charlier, Guy Vidal, François Corteggiani, Alexandro Jodorowsky, Patrick Cothias…), ne réussit jamais à imposer un personnage durable et à demeurer identifiable pour le grand public.

Né en 1927, dans les Asturies (en Espagne), Victor de la Fuente débute sa carrière très jeune dans la publicité et dans l’illustration. De 1940 à 1959 il s’installe sur le continent américain, entre le Chili (où il fonde une agence de pub) et les États-Unis. Il dirige la revue El Peneca, de 1944 à 1945, et travaille également pour la Dell Publishing de New York.

En 1959, il revient en Europe où il travaille pour le marché britannique (pour la Fleetway de Londres et les Écossais de la DC Thompson).

C’est à cette période, en 1960 exactement, qu’il rencontre Victor Mora, scénariste avec lequel il va créer le western « Sunday  » : série publiée, en France, dans le pocket Pistes Sauvages en 1972, dans le quotidien France-soir en 1974 et 1975, dans le Nouveau Tintin en 1977 et 1978  et dans deux albums édités par Hachette.

Au début des années soixante-dix, Victor de la Fuente collabore aussi à la revue espagnole Trinca où il dessine « Haxtur » et « Mathaï-Dor » : des séries d’heroic-fantasy (dont la trame est la même : la lutte pour la survie après un cataclysme) qui seront publiées en France chez Dargaud et Hachette.

Il réalise ensuite divers récits complets pour les magazines américains Eerie et Creepy, puis travaille sur un autre western : « Amargo« , dont deux albums sont directement publiés chez Hachette, en France, en 1975 et 1976.

À la même époque, il participe à « L’Histoire de France en bande dessinée » (1976) et au « Découvrir la Bible » (1983) des éditions Larousse ; on lui doit également un western érotique publié chez dans un des pockets des éditions Elvifrance (« Mortimer« , en 1973) et même une bande dessinée éducative sur la vie de « Charles de Gaulle » (pour le Service de l’Homme, en 1977).

Victor de la Fuente fait aussi partie de la première équipe du mensuel (À Suivre) des éditions Casterman avec la publication, dès le n°4, de la série d’heroic-fantasy « Haggarth » : publiée en noir et blanc, elle ne sera jamais reprise en album et les dernières planches ne seront éditées qu’aux USA.

Avec le grand scénariste Jean Michel Charlier, il réalise « Les Gringos » (les péripéties de deux aventuriers dans le tourbillon de la révolution mexicaine) pour l’hebdomadaire Super As, en 1979. Après le décès de Charlier, Guy Vidal reprendra le scénario : quatre albums sortiront chez Fleurus, Alpen et Dargaud.

En 1983, avec son compatriote Victor Mora au scénario, il dessine, pour Pilote puis pour Pilote & Charlie,  »Les Anges d’acier » (récits d’aventures et d’aviation) ; en 1985, ils réalisent également ensemble « Cœur de fer » (un récit historique) dans Okapi et « La Sibérienne » : histoire d’une femme qui possède d’étranges pouvoirs, dans L’Écho des Savanes.

En 1987, avec François Corteggiani comme scénariste, il illustre « Francis Falko« , le récit d’un jeune homme transporté dans les temps anciens pour sauver un peuple : un seul album verra le jour chez Novédi.

En 1989, encore pour Bayard, il collabore avec Anne Canal, en mettant en cases le personnage de « Molière« , dans Okapi. À la même période, il réalise de nombreuses illustrations religieuses et des hagiographies pour les éditions Sadifa : « Claire d’Assise« , « Bernard de Clairvaux« , « Bernadette Soubirous« …

Tout en continuant à travailler pour l’Espagne (dans les revues Tapon et Zona 84), Victor de la Fuente se tourne alors vers le marché italien dessinant un épisode du western « Tex » scénarisé par Claudio Nizzi, en 1992, pour les éditions Bonelli.

Hélas, ce qui s’annonçait comme un retour fracassant, en 1996, tourne à la polémique. La série « Aliot : le fils des ténèbres« , publiée chez Dargaud, doit s’interrompre dès le premier volume : le scénariste Alexandro Jodorowsky ayant plagié un autre de ses albums (« Le Dieu jaloux » dessiné par Silvio Cadelo), sans prévenir son éditeur et son nouveau dessinateur ; une affaire qui sonnera le glas de cette série pourtant prometteuse.

Enfin, en 1998, notre dessinateur s’associe avec Patrick Cothias sur la série historique « Josué de Nazareth » (rebaptisée « Le Fils de la vierge » au tome 2, qui sera aussi le dernier) : une adaptation libre de la vie de Jésus pour les éditions Glénat.

Cet auteur virtuose et prolifique n’a jamais réussi à trouver son public alors qu’il fût l’un des premiers à réaliser des récits d’heroïc fantasy en Europe et qu’il a influencé un grand nombre de jeunes dessinateurs : il faudra bien, un jour, lui consacrer l’un de nos « Coin du patrimoine« …

Gilles RATIER

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2 réponses à Décès de Victor de la Fuente : l’un des plus grands artistes réalistes espagnols du 20ème siècle

  1. luc dit :

    Un grand mystère pour moi: Pourquoi la série « Haggarth », apparemment inachevée, n’a-t-elle jamais été reprise en album? Il me semble pourtant que toutes les séries de « A Suivre », même les plus mineures, ce qui n’est pas le cas de « Haggarth »,l’ ont étées. Cette série a laissé un grand souvenir à beaucoup et une édition en album serait la bienvenue.

  2. Philippe Caza dit :

    Haxtur a été pour moi une pierre blanche dans ma carrière de lecteur et d’auteur… De La Fuente faisait partie de ces dessinateurs espagnols monstrueusement « bons dessinateurs », très habiles… capables de tout dessiner… et bourrés d’automatismes… presque « trop professionnels ».
    Anecdote : je ne l’ai jamais rencontré, mais, par un curieux hasard du monde de l’édition, j’ai fait la mise en couleurs de la couverture d’Aliot…

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