Créé par l’écrivain irlandais Bram Stoker en 1897 — et inspiré par le personnage historique du comte Vlad III de Valachie, qui vécut au XVe siècle —, « Dracula » s’apparente autant à un roman qu’à une étude ethnologique ou géographique : l’auteur décrivant pourtant la Transylvanie, sans jamais être allé dans cette région austro-hongroise, en se documentant uniquement dans des bibliothèques. En effectuant un retour aux origines du mal présentes dans l’œuvre originale, tout en s’inspirant librement, cette version — sous-titrée « L’Ordre du dragon » — est une somptueuse bande dessinée d’horreur coéditée par Glénat et Lo Scarabeo.
Lire la suite...« Annie Sullivan & Helen Keller » par Joseph Lambert
En utilisant de façon innovante les outils de la bande dessinée pour faire passer l’absence des sens (ouïe, vue, paroles…), un jeune prodige américain — né au Kansas en 1984 – a réussi à mettre en images et en cases, par un subtil jeu de gaufriers expressifs, les perceptions de plus en plus fines d’une fillette sourde et aveugle. L’histoire d’Helen Keller, qui finira par devenir une célèbre écrivaine, conférencière et militante (elle sera aussi à l’origine de la fondation Helen-Keller qui aide les enfants malvoyants ou souffrants de malnutrition), est très connue outre-Atlantique. Cette figure de l’histoire américaine doit son ascension à l’éducation que lui a prodiguée une autre handicapée de naissance, Annie Sullivan, dans le contexte conservateur et sexiste de l’Alabama rural à la fin du XIXe siècle.
En effet, c’est cette jeune aveugle bostonienne au fort caractère, issue d’un milieu pauvre et d’origine irlandaise, qui va socialiser et éduquer la fillette ; d’ailleurs, les deux femmes resteront amies, jusqu’au décès de la préceptrice.
La littérature, le théâtre et le cinéma se sont déjà emparés de cette touchante aventure humaine, mais Joseph Lambert propose ici quelque chose de vraiment nouveau en développant, à côté d’un graphisme assez ligne claire réalisé à la plume, diverses astuces visuelles dessinées au pinceau ; ceci afin que le lecteur assimile bien le fait que l’enfant évolue, d’emblée, dans l’obscurité, le silence et le vide. Mais sa principale prouesse tient, comme nous l’avons déjà dit, dans le fait d’avoir su y intégrer, progressivement, de plus en plus d’informations au fur et à mesure qu’Helen se les représente. Si, narrativement parlant, l’ouvrage nécessite d’être quand même ouvert à certains codes – leur excès d’utilisation nuisant, parfois, à l’efficacité du découpage et du rythme —, il faut bien reconnaître que les rapports entre les deux protagonistes sont vraiment bien vus : une solide documentation permettant d’exposer, dans le détail, les méthodes d’apprentissage d’Annie et de comprendre comment la dureté du monde extérieur va les rendre dépendantes l’une de l’autre.
Gilles RATIER
« Annie Sullivan & Helen Keller » par Joseph Lambert
Éditions Ça et là/Cambourakis (22 €) – ISBN : 978-2-916207-91-9