Denis Bajram aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois 2013

Sous le titre « Entre Histoire et SF : nouveaux ennemis et guerre universelle », s’est tenue samedi 12 octobre 2013, pendant les Rendez-vous de l’Histoire de Blois (consacrés cette année au thème de la guerre) et dans une des salles de l’université, une rencontre pendant laquelle Denis Bajram a répondu aux questions de Joël Dubos, à l’occasion de la sortie chez Casterman du premier tome du second cycle d’« Universal War » (« UW »).

 

Une évocation biographique a tout d’abord donné à Denis Bajram l’occasion de revenir sur son parcours, de la faculté des mathématiques de Jussieu à la grande école des Arts déco, via les Beaux arts, puis d’évoquer ses activités de directeur des éditions Quadrants (filiale de Soleil) et de développeur de jeux vidéos. Joël Dubos, attaché à la question des sources en histoire, est ensuite revenu rapidement sur quelques albums marquants, dont l’original « Trois Christs » pour sa structure narrative originale et les différentes versions d’un même récit qu’il confronte, permettant une prise de conscience de l’importance du points de vue. Réalisé en collaboration avec son épouse chartiste Valérie Mangin, il a permis à Bajram d’évoquer sa passion pour l’histoire. Joël Dubos mentionnait alors, dans l’album « UW2 », la place du récitatif et des flash back de nature historique, comme manifestation de cet intérêt, que confirmait l’auteur qui développait ensuite la nécessité à ses yeux d’ouvrir la bande dessinée vers des perspectives intellectuelles d’actualité.

Une seconde partie fut ensuite consacrée au cycle d’« Universal War ». Une présentation vidéo du nouvel album « UW2 » a offert une respiration au public, qui a pu en outre, pendant toute la durée de l’échange, voir plusieurs planches et vignettes projetées sur un grand écran. Denis Bajram a tout d’abord expliqué qu’il avait conçu rapidement le scénario de l’ensemble de la série : « Le squelette du dinosaure est en place depuis 1997, j’y mets à présent la chair album après album ».

Les X-Men, une création de Stan Lee et Jack Kirby

Puis, à partir de plusieurs exemples pris dans le nouvel opus, Joël Dubos a abordé la question de la place de la littérature et des sciences humaines dans l’œuvre de Denis Bajram. Ce dernier a fortement insisté sur sa culture éminemment littéraire : nourri d’Hergé et de Stan Lee (1) mais également de Proust et des classiques, il avoue refuser la prééminence culturelle actuelle du cinéma. En rien flatté lorsqu’on convoque « Star Wars » pour expliquer la genèse d’« Universal War », il avoue n’avoir jamais visionné le cycle de Georges Lucas avant l’âge adulte. De même, il conteste fermement l’idée que la BD serait un medium dominé qui se contenterait de recycler les thèmes et le traitement cinématographiques.

Abordant le scénario d’« UW2 », Joël Dubos nota la qualité d’un récit, certes nettement placé dans l’obédience du space opera, mais qui met en scène des personnages aux psychologies tourmentées se trouvant confrontés à des situations complexes et finement présentées, sans oublier l’arrière plan omniprésent des références scientifiques nourries. Denis Bajram évoquait alors son intérêt pour les sciences, notamment le voyage dans l’espace. Se lançant dans une efficace explication de l’effet Casimir, phénomène quantique aux applications potentielles multiples, il résuma sa conception d’un voyage dans le temps n’impliquant aucun paradoxe, l’écoulement temporel ayant été de tout temps immuable et déterminé sans divergences causales possibles.

Joël Dubos lança ensuite le propos sur les ambitions narratives autant que stylistiques de Denis Bajram dans « UW2 ». Partant de la très belle planche de la page 23 articulée autour d’un mouvement de focalisation, il insista sur les mises en page élaborées, jouant de la symétrie en un système d’horizontales et de verticales, renforcées par l’utilisation des jeux de couleurs (autour des deux couples blanc-jaune-bleu et rouge-brun-noir), alliées à une attention particulière de l’auteur pour les détails. Celui-ci indiquait alors que le passage au travail sur photoshop n’a pas modifié sa manière de travailler et que demeure intacte la haute idée qu’il se fait du neuvième art qu’il souhaite voir évoluer vers une « bande dessinée grand public d’auteurs ».

La troisième partie, portant sur la question de l’inscription de l’album dans l’univers de la science fiction autant que des sciences humaines, permit d’aborder un domaine plus conceptuel. Joël Dubos faisant remarquer que la série relevait d’un croisement de presque tous les sous-genres de la SF (anticipation, prospective, politique fiction, space opera, hard science matinée de cyber-punk), Bajram soulignait son refus du travail d’imitation que n’excluent en rien ses références littéraires situées du côté des grands maîtres, d’Asimov à Herbert. Joël Dubos notait à ce moment un certain nombre de citations et de clins d’œil (le mot Dune inscrit page 26, le début façon « 2001 l’Odyssée de l’espace » ou la thématique du triangle qui fait penser immanquablement à Bilal). L’auteur réaffirmait son goût pour la science fiction, lieu de toute les analyses, qui permettait une réflexion approfondie sur les grands problèmes contemporains.

En ce sens, la SF se révèle proche de l’histoire qui, à partir de l’étude et de l’écriture du récit passé, peut fournir un cadre intellectuel pour aborder le présent. Joël Dubos questionnait l’auteur de « UW2 » sur ses rapports à l’histoire, que l’on devine fécond au vu de la place du récitatif historique (flash back, voix off, leçon d’histoire donnée par une des héroïnes) dans l’album. Joël Dubos saluait à ce propos la précision de la documentation historique à travers deux exemples : le décryptage pédagogique des attributs de la justice (p 30) ou l’utilisation de la référence religieuse du triangle, tout à la fois catholique et franc-maçon. Bajram évoquait alors son intérêt pour l’histoire et les longues discussions qu’il affectionne avec son épouse. Gros lecteur, cultivé et insatiable questionneur de son temps, l’auteur explicitait alors son rapport à une méthode historique alliant souci de l’exactitude, travail sur les sources et mise en perspective problématique.

Joël Dubos enchaînait enfin sur la thématique des Rendez-vous de l’Histoire en faisant remarquer, que si la guerre restait omniprésente dans la littérature de science-fiction (dès les premiers récits du XVIIe, jusqu’au XXe siècle de Wells à Haldeman, en passant par Heinlein ou Gérard Klein, elle n’en constituaient pas pour autant un thème représentatif du genre. La place qu’elle occupe dans la série laisse-t-elle entendre que pour Denis Bajram, le conflit se révèle consubstantiel à la civilisation humaine ? L’auteur répondait en nuançant son propos, se refusant à tout pessimiste systématique, mais sans nier l’idée d’un recommencement perpétuellement placé au cœur de la civilisation. Lui qui a scénarisé dès la fin des années 1990 la destruction de Manhattan, puis les difficultés rencontrées par des armées de libération confrontées au rejet des populations et aux attentats, dans des conflits de basses intensité d’un nouveau type, considère que la situation actuelle trouve ses racines dans les choix politiques et économiques faits il y a une trentaine d’années. Pour l’auteur d’ « UW2 », c’est la violence plutôt que la guerre qui constitue le moteur de la dynamique historique, et cette violence, qui se révèle actuellement au premier chef économique et sociale, ne s’atténue pas avec la progression du paradigme contemporain.

À  la question de l’avenir, Denis Bajram annonce que la série 2 va probablement l’occuper pendant 6 ou 7 ans. Arrivé à ce stade, il envisagera une pause avant de poursuivre sur le troisième volet, qui est déjà écrit. Et lorsque Joël Dubos lui demande si le triangle apparu dans le dernier album évoque la naissance d’un ou de Dieu, Denis Bajram explique avoir conçu la série comme une montée en puissance, abordant des thèmes de plus en plus complexes qui lui tiennent particulièrement à cœur.

De quoi tenir les lecteurs en haleine et leur donner envie de découvrir rapidement la suite de la «Guerre universelle».

Joël DUBOS

(1) En lançant avec Jack Kirby la série des « 4 Fantastiques », Stan Lee révolutionna l’univers des supers-héros et fit les beaux jours de la société Marvel pour qui il créa des personnages destinés à un grand succès, tant en BD qu’au cinéma, comme les X-Men, Hulk, Spider-Man, Daredevil, etc.

« Universal War 2 » par Denis Bajram

Éditions Casterman (12,95 euros) – ISBN : 978-2203-05-8620

Galerie

2 réponses à Denis Bajram aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois 2013

  1. moriceau dit :

    bonjour
    c ‘est suréaliste ! ! !
    on dirais un article bidonné ou une uchronie ( c ‘est la mode !
    vérifier la date , ?????! ! ! !! !
    a+

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