Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Intégrales « Captain America 1968-1969 » et « Avengers 1971 » par Stan Lee, Roy Thomas & co
Cette semaine, un tout petit mot sur deux des dernières Intégrales intéressantes parues dernièrement chez Panini, se rejoignant sur l’arrivée de dessinateurs novateurs qui à l’époque allaient amorcer l’entrée de Marvel dans une nouvelle ère narrative et esthétique, annonçant l’âge adulte des comics de super-héros : Jim Steranko et Neal Adams…
« Captain America : L’Intégrale 1968-1969 » par Stan Lee & co
Bien sûr nous allons parler de Jim Steranko, tout le monde ne parle que de ça lorsqu’on aborde le présent volume de cette intégrale. Mais ce n’est pas pour autant qu’on doit oublier le reste de la production de l’époque sur ce titre, car il serait indigne de ne pas mentionner les épisodes signés par Jack Kirby (qui réalisa çà et là quelques images très fortes et de très beaux portraits de Steve Rogers), ni ceux dessinés par Gene Colan (qui dans le style à la fois sombre et enlevé qu’on lui connaît a apporté la même chose au personnage que ce qu’il fera plus tard sur Daredevil). Il est d’ailleurs intéressant de constater à travers la présence de ces deux générations de dessinateurs combien l’époque était en train de changer, avec Romita Sr et Steranko au milieu, créant un patchwork bigarré et contrasté semblant tirer dans toutes les directions. À la fois classique et révolutionnaire, la série reflète bien la charnière dans laquelle se trouvaient les comics à ce moment précis. La pop culture bien ancrée voyait alors arriver de nouvelles respirations esthétiques et des créateurs qui expérimentaient d’autres choses, ayant digéré déjà le séisme Kirby pour mieux s’en détacher et ouvrir de nouveaux horizons, influencés par des courants artistiques divers et variés. La contribution de Steranko à cette série fut aussi brève (trois épisodes) que décisive et marquante, l’homme ayant dépoussiéré la mise en pages de rigueur à l’époque pour la faire exploser dans des compositions faisant écho à l’art contemporain (dont le pop art) et au cinéma. Et c’est vrai qu’encore aujourd’hui on ne peut qu’admirer ces trois épisodes tant leur auteur s’y montra brillant, dans un style tout à coup plus réaliste et sombre mais exponentiellement plus fantasque dans la précision diabolique du trait et l’utilisation unique de l’espace de la planche, Å“uvrant avec le vide et abordant la forme comme une architecture visuelle allant au-delà de la représentation. Certaines planches se dégagent de la logique de la page imprimée de bande dessinée pour devenir autre chose, proche de l’esthétisme pur. Sorte de polar fantastique et psychédélique, le « Captain America » de Steranko reste un ovni ne ressemblant à aucun épisode antérieur ou ultérieur de la série. La venue de l’Hydra en ces pages ne fait qu’ajouter à la nouvelle sensation qu’amena la lecture de ces épisodes, bien plus dérangeante que celle où apparaît le fameux et terrible Crâne Rouge (vous retrouverez d’ailleurs ce dernier dans une longue histoire avec le non moins fameux cube cosmique). Bref, cette période est un cas un peu à part dans l’historique de la série, une plongée dans un ailleurs jamais retrouvé…
« Avengers : L’Intégrale 1971 » par Roy Thomas & co
Autre artiste décisif (pour d’autres raisons mais non moins fortes que celles précitées), Neal Adams fut un pavé dans la mare esthétique ronronnante de la série « Avengers » au début des années 70. Non pas que les frères Buscema aient été en-deçà de ce qu’on aurait pu attendre, mais bien parce que cet artiste apporta une nouvelle dimension à l’esthétique en place à l’époque. Plus réaliste tout en déformant la réalité physique des personnages et de l’environnement, abordant le découpage d’une manière plus dynamique et étrange, il insuffla un espace nouveau à la planche et un caractère plus entier aux personnages, emmenant les récits dans une ambiance esthétique et un rythme à couper le souffle. Ses compositions et son réalisme polymorphes semblaient donner plus de vie et de véracité à la planche que n’importe quelle démonstration de mouvement et d’efficacité de l’action générées par ses collègues du moment ou ceux qui l’avaient précédé – Kirby mis à part. Son arrivée lors de l’arc qu’on nommerait plus tard comme « La Guerre Krees/Skrulls » fut elle aussi un événement. Un arc qui se prolongera en 1972 et que vous pourrez donc suivre dans la prochaine Intégrale (on pourra d’ailleurs s’offusquer une nouvelle fois de la « politique éditoriale » de Panini qui a édité cet arc récemment en album Deluxe alors qu’ils savaient très bien qu’ils republieraient peu de temps après ces épisodes au sein de cette Intégrale, mais bref…). Outre cet arc et un crossover avec Hulk, l’album n’est pas dénué d’intérêt, avec les origines de la Panthère Noire et l’avènement de L’Escadron Suprême, groupe de super-héros issu d’une réalité alternative, sans oublier l’A.I.M. et Captain Marvel… John et Sal Buscema font bien leur boulot, avec une petite mention pour le premier épisode encré par Tom Palmer l’irremplaçable. Que ce soit pour « Captain America » ou pour « The Avengers », les épisodes de ces deux Intégrales sont bien connus des fans de longue date, mais c’est un vrai plaisir que de les relire dans leur continuité et en intégralité, et cela donnera aux nouvelles générations de lecteurs l’opportunité de découvrir des récits et des artistes qui ont eu une importance primordiale dans l’historique de ces séries. À ne pas louper, donc…
Cecil McKINLEY
« Captain America : L’Intégrale 1968-1969 » par Stan Lee & co
Éditions Panini Comics (29,40€) – ISBN : 978-2-8094-3079-0
« Avengers : L’Intégrale 1971 » par Roy Thomas & co
Éditions Panini Comics (29,40€) – ISBN : 978-2-8094-2906-0
Neal Adams restera comme un grand artiste des années 60-70. Il a donné son meilleur à cette époque avant de sombrer dans la systématisation de ses tics de dessinateur, laissant l’artifice et les démonstrations de virtuosité l’emporter sur l’inspiration et la fluidité narrative. Dans le même temps, Il sombrait dans un délire d’auto satisfaction, ne rechignant jamais à célébrer son propre génie.
Il est dur de voir un artiste à ce point mal vieillir. Il est mal entouré, si on peut dire, d’abord par son clan familiale qui semble le vénérer, tout en faisant tourner l’industrie adamsienne à plein régime et en second lieu par une cohorte de fans qui acceptent tout de lui avec une admiration béate.
Son récent Batman Odyssey est pourtant un monument de laideur tout autant qu’un grand n’importe quoi scénaristique. Mais DC a laissé la vieille star faire son caprice.
Pour autant, je rêve d’une réédition d’Å“uvres de sa grand époque peu vues chez nous. Par exemple son Deadman. L’esprit de cette série a sans doute vieilli, mais le dessin reste éblouissant.
A ma connaissance, elle n’a été publiée en France que dans Eclipso, autant dire massacrée par ce format pocket Arédit des années 70. Plus tard les premiers épisodes ont fait l’objet d’un recueil édité à l’époque de l’Echo des Savanes Spécial USA. Mais on n’a jamais eu la suite. Fort heureusement publiés en noir et blanc, ces épisodes montraient le talent d’Adams à l’époque où il ne se prenait pas encore pour Le Grand Neal Adams.
Autre anthologie qui n’a jamais connu de suite, celle regroupant les épisodes de Batman qu’il a dessinés. Là aussi, la série, éditée luxueusement, était complète aux USA, mais n’a connu qu’un volume chez nous (Semic).
Et enfin les épisodes de Green Lantern/Green Arrow, qui malgré leur pathos et leur naïveté ont marqué l’histoire du comic book et n’ont jamais fait l’objet de recueils dignes de ce nom en français. Quelques épisodes publiés dans Flash en pocket Arédit ont été eux aussi massacrés.
Bref, si Urban comics voulait bien s’atteler à la tâche de rééditer le meilleur de Neal Adams (et non de Jim Aparo, son pâle imitateur), il y aurait de quoi faire. D’autant que ces trois séries majeures ont fait l’objet d’éditions archi-luxueuses aux Etats-Unis à des prix inabordables. Urban « n’aurait qu’à » les traduire et les transposer chez nous, le matériel éditorial est déjà prêt.
Hello Captain,
Merci de votre commentaire et de votre ressenti que je comprends tout à fait.
C’est vrai, une édition française du « Deadman Collection » qui était sorti aux États-Unis en 2001 serait par exemple un beau cadeau à faire aux lecteurs de VF… De même, les « Green Lantern/Green Arrow » seraient plus que bienvenus! Dans les deux cas, du comic historique et légendaire, maintenant!
Bien à vous,
Cecil McKinley
Bonjour Cécil
Je viens de me procurer les deux volumes qui représentent à eux seuls tout le panel Marvelien de ces années 69/71
Aller pour débuter une petite pique sur Panini. Sur le forum il aura fallu se mettre à plusieurs pour leur faire admettre de poursuivre les intégrales régulièrement. Il faut dire qu’ils semblent avoir une préférence pour les Deluxe a la production discutable où aux omnibus hors de prix, compter entre 65 et 70 euros le volume. J’ai laissé un message sur leur page FB en argumentant que la Mort de Superman c’est 35 euros pour 550 pages chez Urban et vous ne serez pas étonné d’apprendre qu’il a été enlevé de leur page…. J’étais satisfait d’apprendre que certains volumes comme le Captain America contenaient 15 épisodes et j’avais informé bien modestement que poursuivre la publication des volumes avec 15 épisodes permettait de rattraper un retard certain. Hélas en introduction du volume de Captain America Panini informe qu’à partir de 1972 le rythme de 12 épisodes par volume allait rependre. Dommage. Encore une fois… Je ne reviens donc pas sur Urban qui compte publier les 41 épisodes de Kamandi de Kirby en deux volumes…
Bref, reste quand même une « très belle came » sur ce superbe Captain America qui contient à lui seul tous les dessinateurs adorés de Marvel: Jack KIRBY, John ROMITA Jr, John BUSCEMA, Gene COLAN et bien sûr Jim STERANKO. C’est bien sûr la première édition couleur des épisodes parus en NetB chez Arédit (saus pour les STERANKO réédités en couleurs). Donc joie, bien sûr avec Captain de retour contre le crâne Rouge et son célèbre cube cosmique entre autres. La production est quelque peu inégale, KIRBY réalisant un épisode bouche trou entre deux épisodes de STERANKO, un épisode vraisemblablement réalisé dans la journée ! John BUSCEMA réalisant un épisode très correct ainsi que John ROMITA Sr toujours très lisible et agréable à lire même si on est loin de ses épisodes de Daredevil par exemple.(pour changer de l’habituelle référence à Spiderman). Reste donc les premiers épisodes de KIRBY hélas encré par Syd SHORE mais surtout bien sûr les célèbres épisodes dessinés par STERANKO qui pulvérise les codes en vigueur à l’époque, un vrai régal qui a du en traumatiser quelques uns à l’époque. On imagine la tête de Don Heck devant de telles planches ( A chaque fois je prends le pauvre Don Heck comme exemple). Pas grand chose à ajouter à tout ce qui a été dit sur STERANKO sauf que Joe SINNOTT prouve qu’il fut un grand encreur tant son trait de pinceau délié et élégant magnifie les planches de STERANKO alors que bizarrement un aussi grand encreur que Tom PALMER l’alourdit un peu. Du grand travail en espérant un jour revoir en français et en couleur son incroyable travail sur Nick FURY. Cerise sur le gâteau, le volume se termine sur les épisodes dessinés par le très grand Gene COLAN dont le niveau est égal à son travail sur DAREDEVIL qu’il assurait en parallèle. Là encore Joe SINNOTT améliore le travail de COLAN. Un trait d’une grande netteté mais qui n’enlève rien aux crayonnés de l’artiste. La sensation de vitesse, de mouvements sont bien présents.
Un volume essentiel donc qui représente un peu le pic de Captain America. Un achat INDISPENSABLE. Le volume de 1970 sera entièrement assuré par Gene COLAN ce qui sera formidable en attendant une éventuelle intégrale Daredevil. 1971 sera dessiné à moitié par COLAN et ROMITA Sr et sera donc tout aussi indispensable, mais à partir de 1972 les choses se gâtent avec la présence de Sal BUSCEMA, qui a cependant des fans… A réfléchir quand la chose se présentera…
Concernant le volume d’Avengers je ne ferai que vous paraphraser avec moins de talent. Toutefois dans ce volume le travail de Neal ADAMS m’a bien moins impressionné que son travail sur XMEN qui m’avait collé au plafond. Peut être n’a t il pas retrouvé avec Avengers la même motivation. Bon cela reste du haut de gamme, mais je n’emploierai pas le mot génial réservé à ses XMEN et à ses BATMAN. Pour les volumes suivant il faudra aussi se poser la question de la pertinence de l’achat d’épisodes dessinés par Don HECK et Bob BROWN deux superbes tacherons des années 70 ( Pauvre Don Heck again).Peut être vaudrait il passer direct à la période George PEREZ…
Cordialement et au plaisir de vous lire.
Bonjour Renaud,
Merci pour votre long commentaire… No comment sur votre message effacé sur FB, c’est édifiant… Oui, une intégrale de DD comprenant bien sûr les épisodes de Colan, ce serait nécessaire… Il faudrait que Panini se réveille un jour et y pense sérieusement… Quant à ce pauvre Don Heck… que dire? C’est vrai que c’est terrible…
Bien à vous,
Cecil McKinley
Pour moi, c’est vite vu sur Avengers, j’arrêterai après les deux épisodes dessinées par Barry Smith à l’occasion du n°100. Perez, très peu pour moi. Je l’ai subi quand j’achetais la série en VO à parution et j’ai arrêté de le faire à cause lui. Pour ces intégrales, un problème se pose en effet quand un volume regroupe seulement quelques épisodes d’un artiste qu’on aime particulièrement. Quand Kirby a passé très vite la main sur Avengers à ce tâcheron de Don Heck, le pire dessinateur de Marvel (avec Bill Everett sans doute), ou quand Buscema a fait de même, j’ai renoncé à acheter les volumes. Il y a donc des trous dans mes intégrales Panini Avengers, X-Men et bientôt Fantastic Four dès que Buscema abandonnera la série.
Et n’ayez aucune crainte, Renaud, nous sommes au moins deux à être allergique à Don Heck, même encré par Tom Palmer.
Hello Capitaine,
Merci de votre commentaire.
Je suis d’accord avec vous sur Heck, mais vous trouve un peu dur avec Bill Everett et Pérez… Mais ça, c’est le goût de chacun, bien sûr… En tout cas je comprends qu’on puisse avoir des trous dans ses collections, c’est plutôt intelligent et légitime car en rapport direct avec un vrai goût personnel et non un achat de remplissage systématique qui n’a pas de sens – à moins d’avoir besoin de ces épisodes dans un cadre autre que la lecture, professionnellement, par exemple…
Bien à vous,
Cecil McKinley
Oui peut être que Don HECK est le pire, mais les années 70 ont vu pas mal de très mauvais dessinateurs officier chez MARVEL. Je pense aussi à Don PERLIN assez ignoble..Il faudra attendre 1977 et l’arrivée de John BYRNE puis l’arrivée de Frank MILLER pour retrouver du haut niveau. Pas un hasard si BYRNE a été tant apprécié… Il a tellement remonté le niveau. Je n’oublie pas Jim STARLIn qui n’a pas beaucoup dessiné dans les années 70 mis à part quelques broutilles comme Captain MARVEL et WARLOCK…
Hello Renaud.
Oui à Byrne, Miller et Starlin, bien sûr… Mais… dois-je être honteux?.. car j’avoue que je ne suis pas insensible à certains épisodes dessinés par Perlin, notamment sur « Les Défenseurs »… Bah, c’est pas grave!
Bien à vous,
Cecil McKinley
Oula, cela devient très technique, ce forum! On voit que l’on a affaire à de véritables passionés! Mais j’apprécie particulièrement le passage sur le message supprimé par panini sur sa page Facebook, qui m’a bien fait rire!! Aux Etats-Unis, il y a les Marvel-Zombis, mais en France, panini a sa page Facebook où il est interdit de dire du mal de sa politique éditoriale, sans doute pour éviter de faire de la peine à ses admirateurs…
Bonjour François,
Merci de votre commentaire.
Je ne pense pas que ce soit pour éviter de faire de la peine à ses admirateurs que Panini censure sur FB, mais bien pour garder une superbe qu’ils sont incapables d’incarner… Ce n’est pas le dialogue qui les étouffe…
Bien à vous,
Cecil McKinley