« Paco les mains rouges » T1 par Éric Sagot et Fabien Vehlmann

L’on peut être condamné pour meurtre, envoyé au bagne de Cayenne à perpétuité mais malgré tout se sentir heureux de son sort ! C’est en tout cas le sentiment de Patrick Comasson (dit Paco), un ancien instituteur qui est satisfait d’avoir échappé à la guillotine. Mais, dans ce nouvel univers où règnent la promiscuité, les brimades et les souffrances causées par les travaux forcés, il faut arriver à se faire respecter. Alors Paco se fait au préalable tatouer dans le dos le motif de la mort tenant la faucheuse… Mis en scène de manière faussement naïve par Eric Sagot sur un récit de Fabien Vehlmann, ce premier tome de « Paco les mains rouges » déroule une atmosphère assez particulière, entre la narration candide et le récit de vie, au style plus réaliste et âpre. Deux axes annoncés il est vrai par le visuel de couverture…

3ème planche de l'album

Départ des forçats de l'Ile de Ré

« Paco les mains rouges », titre suggérant le sang versé par le personnage central dans un excès de violence, n’est naturellement pas le premier album à évoquer le célèbre bagne de Cayenne. Couplé à celui de Saint-Laurent-du-Maroni, cette « guillotine sèche » verra 90 000 hommes y être déportés au total jusqu’en 1938, après leur embarquement depuis le bagne et la citadelle de Saint-Martin de Ré. Songeons par exemple aux récents albums « Aux îles, point de salut » (Caraïbéditions, 2011) et « Cayenne, matricule 51793 » (2013) de Laurent Perrin et Stéphane Blanco, à « Bélem » T3 (« Le Yacht du bagne ») par Jean-Yves Delitte (Glénat, 2009) ainsi qu’à « L’Homme qui s’évada » par Laurent Maffre (Actes Sud, 2006) qui adaptait alors un authentique récit d’Albert Londres par en 1928. De même, il est impossible d’évoquer le sujet sans faire un quelconque renvoi au célébrissime « Papillon », surnom d’Henri Charrière et évadé incarné par Steve McQueen dans la superproduction homonyme de Franklin J. Schaffner (1973).

Affiche américaine pour le film "Papillon"

Rade de cayenne (gravure de Riou, 1867)

La couverture imaginée par Éric Sagot ne garde pourtant rien des éléments visuels attendus : ni l’enfer vert de la jungle guyanaise, ni les bagnards, leurs chaînes ou leur travail de forçat ne sont ici représentés ! De fait, l’auteur privilégie ici deux thématiques associées : celle d’une fuite pour échapper à la mort et celle du voyage lointain, vers une sombre destination au-delà des mers ou des océans… Alors que l’emploi des teintes sépia et la cheminée à vapeur du navire suggéreront un récit historique ou daté, le lecteur remarquera que le titre vient s’inscrire précisément entre l’humain et l’océan. Ces deux éléments, semblablement anonymes (sur quelle mer ou océan sommes-nous ? A quoi ressemble le fameux Paco ?), coupés (un buste vu de dos et un panorama tronqué) et finalement désincarnés, renverront de nouveau à une même image mortifère : la tête de mort sardonique et la faux prennent alors tous leurs sens respectifs… On devinera par ce biais que le récit de « Paco les mains rouges » est loin de servir de prétexte à l’étalement de toute l’horreur de la captivité à Cayenne. Il nous engagera à l’inverse à suivre un homme (Paco, donc, assassin désigné…) confronté à ses choix, forcé de changer, de s’adapter, quitte à faire appel lui aussi à la violence et à la mort. Jusqu’où ses résolutions (vengeance ou espoir de liberté) vont-elles le mener ? Jusqu’où ira-t il sous l’impulsion de sa passion ? Des réponses que nous trouveront à n’en pas douter dans le futur tome 2…

Philippe TOMBLAINE

« Paco les mains rouges » T1 par Éric Sagot et Fabien Vehlmann

Éditions Dargaud (15, 99 €) – ISBN : 978-2205068122

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