Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...« Les Naufragés d’Ythaq T11 : L’Haleine de l‘ogre » par Adrien Floch et Arleston
Pour fêter le retour de cette rubrique hebdomadaire après une pause estivale, rien de mieux que de commencer par de l’inédit et un petit scoop : voici donc une avant-première consacrée au visuel du prochain tome des « Naufragés d’Ythaq », cette série à succès (lancée en juillet 2005) atteignant déjà le 25 septembre prochain son 11ème épisode, intitulé « L’Haleine de l’Ogre ». Le style graphique d’Adrien Floch, qui a beaucoup évolué depuis les premiers tomes, est constitué d’un trait fouillé mais sachant aller à l’essentiel, pour le plus grand plaisir des nombreux lecteurs…
Pour tous ceux qui découvriraient la série par le biais de cet article, re-précisons la trame originelle telle qu’imaginée par l’éminent Arleston dès le premier album de cette dynamique saga, dont le mélange d’action, d’exotisme fantastique/SFet d’humour ne sera pas sans rappeler celui contenu dans « Lanfeust de Troy » et ses suites : le « Brume de comète », un luxueux vaisseau de croisière affrété par la Silver Star Company, s’écrase sur Ythaq, une planète inconnue au bataillon des corps célestes, peuplée de créatures étranges et de tribus aux coutumes surprenantes. Granite (une jeune et intrépide navigatrice), Narvarth (un technicien poète) et Callista (une belle passagère sans scrupules) sortent miraculeusement sains et saufs de ce terrible naufrage stellaire. Une sacrée chance ! Mais ils ne sont pas pour autant tirés d’affaire. D’autant que rien ne semble dû au hasard, et qu’un grand mystère plane sur Ythaq…
Dès le 10ème tome (« Nehorf – Capitol Transit », paru le 26 septembre 2012) qui entamait un nouveau cycle, Narvath et Granite (devenus plus matures et ayant acquis au fil de leurs aventures des pouvoirs extraordinaires) avaient quitté la planète Ythaq pour arriver sur Nehorf, cette autre terre abritant toutes les instances de la Fédération intergalactique, dirigées par le haut-commissaire Nershudil. Nos deux héros vont rapidement s’apercevoir que diverses forces souhaitent ardemment récupérer leurs pouvoirs… et faire vaciller la Fédération. Ce 11ème tome poursuit donc l’aventure, élargissant encore plus le vaste univers d’Ythaq, en de nouveaux lieux toujours colorisés méticuleusement par Claude Guth.
L’on connaît le goût prononcé d’Arleston pour les jeux de mots et les clins d’œil qui parsèment ses scénarios. Avec « Les Naufragés d’Ythaq », la référence la plus évidente – puisque contenue dans le titre – désigne le royaume d’Ulysse dans la célèbre « Odyssée » d’Homère. Cette île grecque nommée Ithaque, immortalisée par le mythique parcours du héros rusé, est située en mer Ionienne et tire vraisemblablement son nom d’un mot phénicien signifiant « colonie ». Ce qui nous intéressera ici, dans notre analyse du titre et de la couverture, c’est de savoir que l’étude des interpolations de textes d’époques et de styles différents semble montrer que « L’Odyssée » constituait à l’origine un parcours initiatique symbolique, transformé par Homère en un récit de voyage géographique rappelant peut-être des courants de navigation antiques entre les Pélasges (noms des premiers habitants de la Grèce), les peuples de la mer, les Phéniciens et l’Asie mineure (actuelle Turquie). A l’instar de la plupart des lieux cités par Homère (à l’exception de Troie et de la Sicile), la localisation d’Ithaque est elle-même sujette à caution. Dans la bande dessinée, la futuriste Ythaq est une planète qui n’apparaît sur aucune carte : un monde parallèle digne de celui d’Oz ou du Pays des Merveilles. Voir ainsi le titre du tome 1 de la série, « Terra Incognita », ou ceux, plus explicites encore, des tomes 8 (« Le miroir des mensonges », 2010) et 9 (« L’impossible vérité », 2011).
Avec de telles références maritimes, le lecteur féru de mythologies et d’aventures héroïques serait en droit de s’attendre à des couvertures illustrant fort réguliérement la mer, la navigation et ses dangers : or, il n’en sera rien pendant longtemps, même si l’on a deviné depuis les origines du genre qu’en termes de science-fiction, l’espace remplace l’océan et que derrière le vaisseau spatial se profilent la trirème, la nef ou le galion. Ces « Naufragés » ne seront donc que les équivalents malchanceux d’autres robinsons célestes : les héros de « Perdus dans l’espace » (série télévisée initiale par Irwin Allen de 1965 à 1968… d’après la bande dessinée « The Space Family Robinsonv» publiée en décembre 1962 par Gold Key Comics). Peu à peu, toutefois, par soucis de changements de décors, l’élément aquatique reprend ses droits : c’était déjà le cas en couverture du tome 7 (« La marque des Ythes ») en 2009 et c’est donc de nouveau le cas avec le visuel de l’actuel tome 11 qui entraîne comme on s’en doute ses protagonistes sous l’eau, plus précisément dans un vaste et luxueux complexe sous-marin.
Le dessin de couverture imaginé ici par Adrien Floch joue de nouveau des références les plus directes, connotées par la grande verrière, les volutes et le décor antiquisant (temples rotondes et colonnades) visibles en arrière-plan : soit les inévitables « Vingt-mille lieues sous les mers » de Jules Verne (1869-1870) et le « mythe » de l’Atlantide, cette fabuleuse cité détruite et engloutie apparaissant du reste fugacement dans le roman vernien. Dans la lignée de ces archétypes littéraires, le visuel de « L’Haleine de l’ogre » (on s’amusera d’un titre « à priori » sans rapport aucun avec le visuel…) illustre la jonction entre deux univers de plus en plus reliés ou croisés par Arleston : l’heroic fantasy et la science-fiction, l’une et l’autre s’incarnant en quelque sorte dans les deux personnages féminins de cette couverture. Granite y devient une princesse digne de la reine des Amazones, dont la longue épée et les parures renverront par exemple au non moins mythique monde de « Conan le Cimmérien » ; rappelons que ce roman, écrit par Robert E. Howard en 1932, narre les aventures d’un barbare qui devient roi à l’Âge hyborien (contraction du mot « Hyperboréen »), sensé être situé entre la chute de l’Atlantide et l’avènement des cités antiques. Aux côtés de Granite, sa complice mystérieuse (les lecteurs du tome 10 connaissent déjà son identité) personnifie le penchant « SF » de la série : tenue moderne, lunettes tendance et pistolet laser au poing, en James Bond girl futuriste ou digne protagoniste d’un épisode de « Star Wars »… ou, encore, d’un épisode de « Flash Gordon » (ces deux derniers univers maniant autant le sabre que les rayons et les lasers).
Achevons cette analyse avec une interview exclusive d’Adrien Floch (A.F.), qui s’est aimablement prêté au jeu :
« L’Haleine de l‘ogre » est déjà le 11ème tome des « Les Naufragés d’Ythaq », série à succès qui a réussi à se démarquer des « Lanfeust » : l’éditeur avait-il, et a-t-il encore, des exigences particulières concernant la couverture ? En aviez-vous vous-même ?
A. F : Oui la réalisation de la couverture est souvent complexe. c’est une étape importante, autant sur le plan artistique que commerciale, qui consiste à définir l’ album en cours de réalisation, en une seule image… Et le but de celle-ci est de mettre justement l’album en valeur… Du coup, on se concerte beaucoup avec Christophe Arleston et l’équipe éditoriale de Soleil afin de choisir parmi plusieurs projets le bon visuel. Nous sommes donc tous autant exigeants que depuis le début de la série…
A l’exception du visuel du tome 7, ces Naufragés dignes de «Perdus dans l’espace » auront très peu été illustrés par le thème maritime : un choix affirmé et réfléchi pour ce 11ème tome ?
A. F : Oui c’est un choix qui s’est imposé très naturellement car dans ce tome-ci, Granite part en mission sur une planète quasi-aquatique. Pour le coup ça nous permet aussi d’explorer des ambiances plutôt différentes de ce qu’on a déjà sur les couvertures précédentes
Chaque couverture semble définir votre univers comme un mixte judicieux entre heroic fantasy (monstre, sorcellerie et épée) et space opera (planètes, vaisseaux et pistolets lasers). D’autres pistes peuvent elles être explorées ?
A. F : Ah oui! On adore ça le mélange des genres. Avec Christophe on voulait faire une sorte de melting pot de ce qu’on aime dans des registres différents ; c’est vraiment passionnant à faire pourvu que ça reste cohérent. Pour moi, la référence en la matière est la série « Valerian », créée par le tandem Pierre Christin et Jean-Claude Mezières. C’est le space opera le plus marquant de la BD contemporaine pour plusieurs générations de lecteurs passionnés dont je fais partie.
Cette couverture (et Granite en position de » reine assise » sulfureuse) est-elle un hommage à certaines références qui vont sont propres ?
A. F : Ah oui, j’ai dans mon atelier un poster de la célèbre photo du film « Emmanuelle » (1974). C’est sûrement l’affiche la plus culte du cinéma érotique français et je m’en suis inspiré lorsque j’ai dessiné Granite sur la couverture … Autant joindre l’utile à l’agréable !
Quel futur pour la série ? Un nombre d’albums déterminés ou des one shots potentiels, voire une encyclopédie de cet univers fascinant ?
A. F : Pour ce qui concerne le futur de la série, avec Christophe on a un seul mot d’ordre ; tant qu’on s’amuse on continue !! Que ce soit sous une forme ou une autre d’ailleurs, pourquoi pas des one-shots ou une encyclopédie un jour ?
Un nouveau projet avec Arleston ?
« Notre nouveau projet n’est pas de la SF, mais cette fois un récit historique qui se déroule pendant une période très sombre de notre histoire.. Vous imaginez bien que ça représente un énorme défi pour moi, l’approche est totalement différente. Cette fois je ne pourrai pas improviser les costumes, ni les décors. Ce sera très documenté ! Et du coup, je ne sais pas encore combien de temps il me faudra pour réaliser ce premier tome. Mais lorsque nous serons prêts, il y a des chances que nous alternions les deux séries…» (extrait d’une interview pour Actua BD, novembre 2012).
Philippe TOMBLAINE
« Les Naufragés d’Ythaq T11 : L’Haleine de l‘ogre » par Adrien Floch et Arleston
Éditions Soleil, à paraître le 25 septembre 2013 (13,95 €) – ISBN : 978-2302030794
pS : voir, en complément de cet article, les nombreux visuels (recherches de couvertures des tomes précédents) proposés sur le site officiel : http://www.ythaq.com/couvertures
Petit rajout concernant cet article sur la couverture du 11ème tome des Naufragés d’Ythaq avec l’interview complémentaire d’Adrien Floch et un visuel inédit.
Bonne re-lecture !
L’ile d’Ithaque existe réellement et se trouve à l’ouest de la Grèce.