Destins T.1 à 3

Après la réussite de son « Décalogue », le scénariste Frank Giroud a eu un peu de mal à retourner aux intrigues classiques qui alimentaient les quelques séries qu’il continuait encore à entretenir : d’où la création d’autres concepts éditoriaux, tout aussi novateurs, qui peuvent mobiliser plusieurs auteurs et permettent une cadence soutenue de parution, tels « Quintett », « Secrets » ou ce nouveau et pharaonique « Destins ».

Frank Giroud devient ici le chef d’orchestre d’une immense et ambitieuse partition qui rassemble treize scénaristes et treize dessinateurs, apportant chacun leur pierre, leur patte et leur savoir-faire à quatorze tomes différents dont l’intégralité devrait paraître en seulement deux ans.
Le premier tome est un album d’exposition ! Un peu plus long et un peu plus bavard que les deux autres qui paraissent simultanément (c’est un peu normal, il faut retracer précisément toutes les conditions qui expliquent pourquoi l’héroïne va se retrouver dans une telle situation, d’autant plus que cela s’étale sur dix-sept ans), ce « Hold-up » est entièrement écrit par notre maître d’oeuvre, lequel s’est également réservé le scénario du dernier volume. Et il est illustré, en cinémascope, par le trait nerveux de Michel Durand qui renoue ici avec l’ambiance de son « Cuervos » (scénarisé par Richard Marazano). Á la fin de ce premier récit, Ellen Baker, ancienne révolutionnaire (plus par amour que par conviction) qui s’est retrouvée complice de meurtres dans un casse qui a mal tourné, s’est reconvertie dans l’humanitaire et est devenue une femme du monde avec deux enfants et un mari avocat aux nombreux succès juridiques et politiques. Confrontée à un dilemme cornélien, elle a deux choix possibles et son destin va, alors, se diviser.

Dans le tome 2, elle décide de prendre l’un de ces deux chemins et dans le 3, l’autre. Au cours de ses différentes lignes de vie, elle aura encore deux choix cruciaux à effectuer… Au final, ce seront cinq destins possibles qui convergeront sur une conclusion unique ! Et les deux premières digressions sont étonnantes ! Comme celle mise en place avec professionnalisme par Pierre Christin et illustrée avec conviction par Yves Lécossois et Luc Brahy (dans le tome 3 intitulé « Le Piège africain ») peut sembler plus classique dans la forme, même si l’utilisation d’un rêve en avion en tant que flash-back, d’où l’intervention d’un autre dessinateur, est plutôt pertinente et bien vue, notre préféré (pour le moment) est le tome 2 (« Le Fils »). Certes, la rupture de style et de ton graphique est assez déroutante (ceci dit le trait sensible de Daphné Collignon colle parfaitement aux propos intimistes du scénario), mais la scénariste (et compagne de Frank Giroud), Virginie Greiner, a réussi à faire passer, comme une fleur, la construction complexe de ce gigantesque patchwork, tout en gardant captive l’attention du lecteur : ceci grâce à une narration fluide et efficace, qui reste, pourtant, complètement personnelle…
On espère donc vraiment que les autres opus seront du même niveau ! Mais vu la liste des autres intervenants (Valérie Mangin, Éric Corbeyran, Kris, Rodolphe, Denis Lapière, Philippe Bonifay, Florent Germaine, Matz, Frédéric Richaud et Pierre Makyo, pour ne citer que les scénaristes…), nous ne sommes pas vraiment inquiets…

Gilles RATIER

? Destins ? T.1 à 3 par Frank Giroud et Michel Durand, Virginie Greiner, Daphné Collignon, Pierre Christin, Yves Lécossois, Luc Brahy…
Éditions Glénat (13 Euros l’un)

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