« La Main droite de Lucifer » T1 par Naoki Serizawa

Dans les mangas, la médecine est loin de ressembler à celle décrite dans la série « Urgence » ; les hôpitaux ne sont ni propres ni bien achalandés, et les docteurs ne sont pas exempts de problèmes. Par exemple, chez Tezuka, le médecin « Black Jack » pratique clandestinement son art contre de grosses sommes d’argent, en marge de la société. Dans le « Monster » de Naoki Urasawa, le héros est un médecin déchu ayant peut-être fait le choix de soigner la mauvaise personne au mauvais moment…
Avec « La Main droite de Lucifer », Naoki Serizawa dévoile les tréfonds de l’âme humaine, avec une médecine sur la corde raide, mais aux valeurs humaines ne remettant pas forcement en cause le Serment d’Hippocrate.

Yû Katsumi est médecin. Alors qu’il est envoyé en mission humanitaire en Afrique, une guerre civile éclate. Il est fait prisonnier et soigne tant bien que mal les blessés, à la merci de rebelles violents et d’un gouvernement tout aussi dûr voulant reprendre possession de son territoire. Là, il commet l’irréparable : il tire sur un homme et le tue. Sa vie bascule : il a trahi son idéal. De retour au Japon, il n’est plus que l’ombre du prestigieux praticien qu’il aurait pu devenir. Le destin en a décidé autrement. Pour ne pas oublier sa faute, il se fait tatouer un ange déchu sur la main droite, celle-là même qui a brandi le fusil meurtrier. Un soir, ivre, il cherche la bagarre à des voyous, prend un mauvais coup de couteau et finit aux urgences. Pourtant, ce n’est pas à l’hôpital public qu’il atterrit, mais dans une clinique privée où le seul et unique médecin encore en poste, le docteur Minatono, soigne gratuitement les indigents. Yû est lui-même rapidement mis à contribution. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’une nouvelle vocation s’offre à lui…

Après une première partie assez classique concernant Yû, on apprend que la clinique du Dr Minatono est financée par la mafia, ses truands y trouvant soins et refuge. La dualité entre le bien et le mal qui en découle devient alors passionnante. Ne doit-on soigner que les gens pouvant payer ? Faut-il tuer pour qu’une autre personne vive ? Qui doit passer en premier sur la table d’opération ? etc… Loin de ses illusions de jeune médecin brillant mais naïf, Yû va se remettre en question et devra faire des choix, parfois difficiles.

Dans ce premier tome, assez noir, le lecteur plonge dans les bas-fonds méconnus de Tokyo. Comme dans la plupart des shônen de combat, la violence est omniprésente et ultra réaliste. La technique de dessin de Naoki Serizawa renforce cette sensation : indéniablement, le mangaka a travaillé à partir de photographies. On le voit avec les décors, mais aussi avec certains personnages, même si c’est moins flagrant que dans ses précédentes œuvres, telles « Saru Lock » ou « Resident Evil ». Mais le côté roman-photo factice est ici contrebalancé par un récit captivant et bien construit. On n’est pas dans la science-fiction, mais dans un réalisme assez cru. Les gens souffrent, marqués au plus profond d’eux-mêmes, pour des raisons qu’il n’est pas toujours bon de connaître.

Ce nouveau Seinen nous plonge dans un Tokyo que l’on n’a pas l’habitude de côtoyer. Servi par ce graphisme extrêmement réaliste, le lecteur ne peut qu’être captivé par l’histoire de Yû, le médecin à « La main droite de Lucifer ».

Gwenaël JACQUET

« La Main droite de Lucifer » T1 par Naoki Serizawa
Éditions Ki-oon (9,65€) – ISBN : 9782355925375

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