Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...« Les Reines de sang » (« Aliénor, la légende noire » T1&2) par Carlos Gomez, Simona Mogavino et Arnaud Delalande
Reconnue pour ses séries très documentées, dont la fameuse saga « Arthur » par Chauvel et Lereculey, la collection « Histoire & histoires » des éditions Delcourt accueille depuis 2012 « Les Reines de sang », une nouvelle série dirigée par Marya Smirnoff et évoquant plusieurs souveraines marquantes. La première de ces femmes de tête se nomme Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), qui fut reine de France puis d’Angleterre grâce à ses mariages successifs, et la mère de sept enfants dont plusieurs, comme Richard Cœur-de Lion, devinrent rois à leurs tours. C’est à travers un triptyque (le dernier volume paraitra au printemps 2014) qu’Arnaud Delalande et Simona Mogavino se penchent sur la « légende noire » d’Aliénor, dont le destin est magnifié par le trait détaillé de Carlos Gomez et les couleurs réalistes de Claudia Chec.
Historien, romancier (auteur depuis 1998 de huit romans) et scénariste de film, le français Arnaud Delalande s’est donc allié à l’italienne Simona Mogavino (restauratrice d’art et première initiatrice du projet, après avoir lu une biographie d’Aliénor d’Aquitaine en 2008) et au dessinateur argentin Carlos Gomez pour concocter ce véritable drame historique. Paru en 2012, le premier album dévoilait l’ascension d’une jeune femme ambitieuse, déjà héritière du grand duché d’Aquitaine depuis 1130 : en devenant en juillet 1137 l’épouse du futur roi de France Louis VII, elle initie un parcours complexe, où son caractère impétueux et sa volonté politique se heurtent aux visées de Suger (abbé de Saint Denis et principal conseiller royal) et de la reine mère Adélaïde. Amatrice de poésie et de fêtes, exubérante et sensuelle, Aliénor dérange et provoque… jusqu’à l’excès : notamment en poussant Louis VII à participer à la ruineuse et inutile Deuxième croisade (1147 à 1149), ou en le contraignant à réprimer dans le sang les insurrections populaires et bourgeoises en Champagne.
Pour comprendre dans sa globalité le visuel de couverture du tome 1, il faut noter que le scénario des deux premiers albums s’ouvre et se clôt sur un épisode relativement sinistre : durant la guerre contre le comte Thibaud de Champagne en 1142, Louis VII prend d’assaut la ville de Vitry-en-Perthois. Il y fait mettre le feu et plus de 1 300 personnes périssent dans l’église dans laquelle ils avaient trouvé refuge. Cet événement aura un grand retentissement dans toute la chrétienté et, en signe de repentir, le roi décidera de se croiser, ce qu’il fera 3 années plus tard. La « légende noire » qui vient compléter – sous un angle romanesque et fantastique – l’aspect biographique du tire, doit également son origine aux Croisades : chroniqueurs médiévaux et historiens actuels ont évoqué les caractères opposés de l’acétique Louis VII (le Saint Moine) et de sa sensuelle épouse (la Folle Reine). Selon un épisode controversé, cette mésentente est mise en exergue au printemps 1148 lors d’une halte à Antioche : la probable conduite adultère de la reine avec son oncle Raymond de Poitiers ridiculise le roi et avive les disputes au sein du couple royal.
Peu étonnant donc, que les visuels des tomes 1 et 2 soufflent le chaud et le froid, autour d’une Aliénor tour à tour « reine de sang » et capitaine des armées royales avant l’heure. Sur le tome 1, Aliénor, fière et narquoise, marche vers le premier plan, insouciante d’un arrière-plan aussi rougeoyant qu’apocalyptique (maisons en flammes, nombreux corps de soldats tués, femme dénudée et enfant sans vie). A cette vision infernale succède le visuel glaçant du tome 2 (paru en avril 2013), où Aliénor verse littéralement et symboliquement le sang, en tenant d’une main un calice (évoquant le Graal christique) et de l’autre une lourde épée. L’arme et la cotte de maille transforment la reine au visage fermé en véritable ange exterminateur : pour parfaire ce sinistre tableau, on relèvera un nouveau paysage dominé par la mort, où règnent en maitre le froid (neige et arbres nus), l’absence de tout espoir (corbeaux et tache de vin/sang) et la guerre (tentes du camp royale en arrière-plan). Ces trois éléments sont à raccordés au jeu d’opposition que se livrent en couverture le visuel et le paratexte, dans la mesure où s’opposent le vivant et la mort démultipliée, la féminité et l’aspect guerrier, le sourire et les souffrances, la présence et l’absence, l’or (lisible dans le nom Aliénor et dans la couleur de la typographie du 1er volume) et la misère des temps.
Le scénariste Arnaud Delalande complète cette approche en expliquant la genèse de ces deux visuels :
« Pour la couverture, le personnage d’Aliénor lui-même s’imposait évidemment. La question était de savoir comment la représenter. Un débat a eu lieu, avec l’éditeur, sur l’opportunité de présenter la reine soit de loin, en faisant la part belle au spectacle et au décor, soit au contraire de très près. Une troisième option (qui a finalement prévalu) était de la représenter en pied, tout simplement. »
« Aliénor étant par nature au centre de l’intrigue, la représenter trop éloignée nous a paru finalement moins pertinent. Quant au portrait, il était déjà utilisé pour la couverture d’ « Isabelle, louve de France », qui devait sortir peu de temps après notre tome 1. Nous avons donc opté pour une Aliénor couronnée et en pied, fière voire hautaine, en majesté. Car il y avait aussi un autre enjeu dans la couverture du tome 1 : Guy Delcourt et Marya Smirnoff lançaient cette nouvelle collection des « Reines de Sang » et il nous fallait trouver une forme de « signature » emblématique à cette collection ; or Aliénor ouvrait le bal, si je puis dire. Il fallait donc l’imposer comme la première « Reine de sang ». »
« Une autre question a été celle du choix du décor de fond, ainsi que celle de la présence – ou non – d’autres personnages (Suger ? Adélaïde ? Le roi ? Vincent, le chevalier italien ?). Notre maestro Carlos Gomez a fait quelques essais dans ce sens. Nous trouvions cependant qu’en tant que Reine de Sang – et assez envahissante ! – Aliénor pouvait bien « occuper toute la place »… C’est d’ailleurs son but dans l’intrigue ! Bien sûr, nous cherchons toujours une cohérence entre la forme et le fond, le « message » de la couverture et le propos de l’histoire. Aliénor figurerait donc en pied et seule. Quant au décor, le feu de la passion et de l’ambition d’Aliénor s’ajoutait au brasier de Vitry-en-Perthois, où elle fait brûler toute la population d’un bourg à la suite d’une décision politique irraisonnée – un drame qui devait faire, sur le plan scénaristique, une « boucle » avec le tome 2. Le décor d’incendie et de carnage derrière elle s’imposait donc. »
« Pour le tome 2, dans cet esprit de « signature » pour la série, nous avons choisi de décliner la couverture du tome 1, en reprenant une Aliénor en pied de manière exactement semblable, à ceci près que son accoutrement et son attitude montrent l’évolution de son caractère. Elle n’est plus en reine, ou en courtisane parée pour la vie de cour, mais elle s’est durcie, elle est montée en puissance. Nous la voyons en armure, qui fait couler le sang de son calice, telle une Messaline vengeresse. Au fond, le décor est pour ainsi dire « post-apocalyptique » : on y voit de la cendre, ou de la neige, du givre, des corbeaux de mauvais augure, ou attirés par les cadavres refroidis, comme après l’holocauste de Vitry. Ce choix nous a semblé offrir un contraste à la fois beau et signifiant avec le tome 1. A Vitry, le cœur chaud d’Aliénor est devenu froid et terrifiant. Bien sûr, elle changera encore… »
On l’aura compris, Aliénor, avant Blanche de Castille, Jeanne d’Arc, Marguerite de Navarre ou Marie de Médicis, aura marqué l’Histoire. Nul doute qu’une telle série bd poussera aussi plus d’un lecteur à se documenter avec passion : au-delà de la couverture, nous conseillons donc un détour par le site dédié : http://alienor-aquitaine.org/index.htm
Philippe TOMBLAINE
« Les Reines de sang » (« Aliénor, la légende noire » T1&2) par Carlos Gomez, Simona Mogavino et Arnaud Delalande
Éditions Delcourt, collection « Histoire & Histoires», 2012 et 2013 (13,90 €) :
ISBN : 978-2-7560-2517-9
ISBN : 978-2-7560-2711-1
Les couleurs écrasent le dessin magnifique. A quand la version N&B ?
Même impression que Quéré : autant les nuances très riches de la planche en NB me plaisent, autant l’album une fois en main m’a semblé quelconque par cette mise en couleur très sombre.
J’espère un tirage NB Delcourt rendrait justice au travail du dessinateur comme cela a été le cas pour Le Trône d’argile, Wollodrin etc….
Raf Intransigeant
Selon Arnaud Delalande, si les couleurs sont un peu sombres, c’est à cause de certains réglages de fabrication. Une réimpression plus claire est prévue, pour un retirage.
La version en noir et blanc est aussi à l’étude, mais aucune décision éditoriale n’est encore prise.
Très intéressé par le sujet historique ( quel beau personnage cette reine Aliénor) , par le soin des dessins, par la qualité des bouts de textes parcourus en librairie, quoique rebuté par les couleurs ternes et vraiment trop sombres de bout en bout, j’ai acheté les trois tomes d’un coup.
Et … ? Le scénario à force de vouloir noircir à tout prix Aliénor, à force d’en faire un monstre coupable de tous les « péchés », de toutes les fautes, tombe dans un manichéisme de plus en plus agaçant, dans une caricature stupide et dans un machisme suranné. Plus j’avançais dans la lecture, plus le récit m’écœurait. A partir de la page 40 du T2, cela devient d’un pathos ridicule, quand ( avec un habileté illusoire) le scénario adopte le point de vue d’une gentille famille avec ses pauvres enfants innocents massacrés par la perfide, cruelle, immonde Aliénor. Trop c’est trop. Aliénor ne mérite pas pareil traitement. Pousser la caricature et le manichéisme à ce point enlève toute crédibilité et finit par faire prendre le parti de la trop infâme Aliénor. Ce qui, de toute évidence ne devait pas être le dessin des auteurs.
Je suis très surpris qu’une femme ait collaboré sans réagir face à pareil parti-pris machiste et caricatural. Encore plus surpris qu’elle « remercie avant tout Aliénor qui a changé l’histoire et sa vie ». Serait-elle après cela, entrée pieusement dans un couvent. ( N.B. : je n’ai rien contre les religieuses parmi lesquelles je compte deux amies). Trop agacé par le T2, je n’ai ni l’envie, ni le courage de lire le T3. Les charges contre Aliénor y seraient-elles moins outrancières et injustes ?
Je comptais offrir ces albums à 4 couples passionnés comme moi d’Histoire et de BD. Il va de soi que non seulement je leur offrirai d’autres BD ( nouvelle série chez Glénat …) mais que je leur déconseillerai vivement ces albums consacrés ( et massacrés) à Aliénor.