Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Flash Gordon » intégrale volume 1 : 1934-1937 par Alex Raymond
Après « Tarzan » et « Prince Valiant », c’est donc au tour de « Flash Gordon » de connaître une belle réédition intégrale dans la collection L’Âge d’Or chez Soleil… Une édition hautement patrimoniale que beaucoup attendaient, car si cette Å“uvre a déjà été publiée de nombreuses fois en France (souvent sous le titre de « Guy L’Éclair »), elle n’a que très rarement été BIEN éditée. Cette édition de Soleil offre enfin aux fans une version restaurée qui rend justice à l’œuvre originale, nous replongeant dans la magie visuelle de l’époque de l’âge d’or américain… Un petit bijou à ne louper sous aucun prétexte.
Après avoir été édité dès 1936 dans Robinson, puis dans Bravo !, Le Journal de Mickey, France-Soir et quelques petits formats, souvent censuré, redécoupé, trituré, malmené, « Flash Gordon » eut enfin droit à une édition digne de ce nom grâce à Claude Moliterni et Pierre Couperie qui le publièrent en beaux et grands formats non censurés dès 1968 aux éditions Serg. Quatre albums au format à l’italienne et en noir et blanc qui permirent aux admirateurs de Flash de lire enfin ses aventures dans des conditions respectueuses de l’œuvre, le noir et blanc révélant dans tout son éclat brut le trait et le style de Raymond. J’avoue que je reste très attaché à cette édition car justement ce noir et blanc impeccable pour l’époque rendait réellement hommage au trait d’Alex Raymond, et c’était un émerveillement que de pouvoir admirer ces planches années 30 dans toute leur magnificence graphique. Et puis, lorsque j’ai ouvert la présente édition de chez Soleil, revoyant les couleurs d’origine de ces sunday pages mythiques, je n’ai pu qu’être tout autant comblé. Certes, le trait de Raymond y perd en netteté, par rapport aux éditions noir et blanc, mais quel merveilleux spectacle en technicolor se déploie devant nous ! Les restaurations de Peter Maresca nous remettent dans la position du lecteur des années 30, permettant enfin de regarder avec justesse l’ambiance colorée de ces sunday pages d’origine, et de jouir d’un contexte visuel hautement restitué – pour le plus grand plaisir de nos yeux ébaubis. Cette édition en couleurs est même plus qu’un complément indispensable aux éditions noir et blanc, elle redonne un sens à l’univers créé par Raymond. En effet, de nombreux éléments chromatiques font partie intégrante de l’originalité de ce récit de science-fiction où des couleurs de peau étonnantes (des êtres à la peau bleue, verte, jaune vif, violacée ou rouge…) participent à nous transporter ailleurs et à nous faire sentir en présence d’êtres résolument fantastiques. Les couleurs des éclairs, explosions, fusées rutilantes et monstres extraordinaires sont tout aussi importantes, ajoutant à l’atmosphère fantastique et dynamique de l’œuvre. En retrouvant ses couleurs d’origine, « Flash Gordon » retrouve dans le même temps sa puissance d’évocation et son caractère unique…
Cette édition est donc un ravissement total, nous faisant véritablement redécouvrir « Flash Gordon ». Toute une époque où le récit (comme dans « Tarzan », par exemple, « Prince Valiant » réussissant à se démarquer par un éventail narratif plus large) semblait n’être qu’une seule et longue et ininterrompue suite de dangers auxquels le héros échappe pour mieux se retrouver en péril par la suite, dans le même genre de schéma ; cliffhanger déployé à l’infini que l’on peut aujourd’hui trouver lassant et abusif, mais qui par là même s’avère plus que jamais fascinant et jouissif. Flash Gordon ne va avoir de cesse de combattre des êtres malfaisants qui ont kidnappé sa Dale bien-aimée pour l’épouser, réussissant à tirer cette dernière des griffes des malfaisants tout en se retrouvant face à un autre danger, le héros semblant ne pouvoir aller que de Charybde en Scylla… Mais l’intéressant est ailleurs. Dans les déclinaisons des êtres peuplant Mongo (les hommes-faucons, -lézards, -requins, -lions, -dragons, etc.) et de végétations et créatures fantastiques. Dans la puissance érotique des personnages féminins qui traversent l’œuvre, y apportant un glamour sans faille et étonnant dans ce contexte (la reine-sorcière Azura vaque à ses manigances cosmiques dans des robes de soirée ultra-moulantes, ou bien en mules à pompon !) ou des sous-entendus sado-masochistes via Dale Arden (divine fiancée soumise qui semble ne pouvoir que subir les choses, apparaissant même à un moment de dos en train de se faire fouetter dans une pose lascive alors qu’elle n’a plus qu’un petit bout d’étoffe venant à peine lui couvrir les fesses, prémice de « Gwendoline » de Willie…). Et évidemment dans l’évolution progressive du découpage et du trait de Raymond qui au départ étaient plutôt formatés, s’ouvrant petit à petit à d’autres espaces, d’autres cadres, d’autres géométries, quittant le « gaufrier » pour se libérer dans de grandes cases, oscillant entre retour aux hachures des maîtres du 19ème et évanescence atmosphérique. Dans ce premier album proposant les planches parues entre le 7 janvier 1934 et le 18 avril 1937, cette évolution est déjà perceptible, l’œuvre semblant s’ouvrir progressivement aux grandes étendues du space opera…
En relisant « Flash Gordon » en couleurs originales, on en peut que mieux comprendre pourquoi cette Å“uvre – ainsi que « Tarzan », « Prince Valiant », « Mandrake » ou « Terry et les pirates » – a pleinement participé à ce que l’on appelle le « mythe des terres lointaines », tant le dépaysement et l’ouverture vers un récit d’aventure hors-norme et haut en couleurs a dû être puissamment ressenti par les lecteurs de l’époque… Dans son avant-propos, Doug Murray nous replonge d’ailleurs dans le contexte culturel et social de l’époque afin de mieux nous rappeler pourquoi et comment « Flash Gordon » a acquis alors un tel succès. Et puis, comme le rappelle très justement Alex Ross dans sa préface, « Flash Gordon » est certainement l’un des comics qui a le plus préfiguré le genre super-héroïque et l’avènement des Superman & co en proposant quelques années auparavant des visions d’êtres fantastiques et de héros costumés singulièrement exprimées. Un chef-d’œuvre, donc, à découvrir ou redécouvrir urgemment dans cette belle édition intégrale : vivement la suite !!!
Cecil McKINLEY
« Flash Gordon » intégrale volume 1 : 1934-1937 par Alex Raymond Éditions Soleil (39,95€) – ISBN : 978-2-3020-2447-2
Bjr, et merci une fois de plus pour vos articles toujours excellents.
Vous m’avez donner envie de me procurer les Flash en édition Serg, j’avais déja ceux de chez Futuropolis. Par contre pour les versions couleur, possédant déja la précedente edition Soleil des années 90, le rachat de cette nouvelle édition est il indispensable?
Et deuxieme question, pourquoi ne commentez vous plus la sortie des intégrales Marvel chez Panini (Xmen, Iron man, Avengers, etc…) ?
Cordialement.
Bonjour Serial,
Merci de votre commentaire, et de vos compliments!
Oui, le très grand format à l’italienne des éditions Serg permettent d’admirer un beau noir et blanc…
Pour ce qui est de la nécessité d’acheter cette nouvelle édition Soleil par rapport à celle de 1994-95, cela dépend de l’intensité de votre obsession ou passion pour cette Å“uvre. Mais, oui, Pascal Barre le confirme ci-dessous: cela n’a rien à voir, c’est beaucoup mieux, la restauration de Maresca (qui n’est pas un manche, c’est de notoriété publique et on a déjà pu admirer son talent pour ça dans quelques beaux albums) restitue bien mieux l’esthétique originelle des sunday pages. Dans l’édition précédente, les couleurs étaient un peu plus « franches », moins nuancées, ne rendant pas l’aspect si spécifique des sunday pages, sans aucun décalage comme il y en avait parfois, plus nettoyées et simplifiées que restaurées. Ici, nous avons toutes les subtilités de l’impression d’époque, se rapprochant de sortes de fac-similés… Ensuite, le lettrage de cette précédente édition n’était vraiment pas terrible, un peu maladroit, alors qu’ici le lettrage est à la fois discret et présent, à l’instar de l’édition de « Prince Valiant »: les images s’en retrouvent moins « polluées » par le texte.
En ce qui concerne ma rareté sur les chroniques Marvel chez Panini, je me suis fâché il y a peu ici même en expliquant pourquoi je « boycottais » cette maison d’édition, bien malheureusement, puisque je suis un grand fan de Marvel depuis ma prime adolescence. En fait je ne boycotte pas vraiment, mais je suis par exemple un peu échaudé par leur non-vision éditoriale qui multiplie les rééditions différentes et vaines au lieu d’éditer l’essentiel. Et puis même si je suis fan absolu du Silver Age, il faut garder son sang-froid, être objectif et ne pas tout déclarer comme étant génial et indispensable. Ainsi, les « Iron Man » à la charnière des années 60-70 dessiné par des gens comme Tuska ou Heck ne me semblent être pas des chef-d’Å“uvre absolus, tout comme certaines périodes des X-Men dans les années 90… Une autre raison – bien plus terre à terre et qui décevra certains – est que Panini est pratiquement le seul éditeur de comics qui ne m’envoie aucun service de presse depuis maintenant des années (alors qu’au début ils m’envoyaient strictement TOUT: je n’en demandais pas tant!). Contrairement aux autres éditeurs qui connaissent mes chroniques et qui « jouent le jeu » dans un échange de bon procédé intelligent (même de petits éditeurs pour qui un SP est un SP, un investissement réel, et que je remercie encore ici de leur confiance), Panini a une logique de grande entreprise capitaliste où les relations avec les différents acteurs éditoriaux semblent être le cadet de leurs préoccupations… Tout ce que je chronique d’eux je l’achète, sans m’octroyer pléthore d’essais de lecture faute de moyens financiers, donc je n’achète et ne lis que ce qui me semble indispensable, faisant passer cet indispensable en fin de mon planning pour parler en premier des éditeurs avec qui on peut travailler et qui restent passionnés et respectueux… Ainsi, je vous parlerai tout de même dans pas trop longtemps du « Spider-Man Marvel Team-up 1975-76″ et d’ »Avengers 1971″.
Bien à vous,
Cecil McKinley
Bonjour, cher Monsieur Mac Kinley.
Tout d’abord, je voulais vous féliciter pour cet excellent article qui donne envie de re-découvrir une BD mythique de l’Age d’Or américain, intelligemment restaurée. Il serait temps que ceux qui se prétendent être éditeurs ne se contentent pas d’etre de simples (pour ne pas dire simplets) imprimeurs de traductions. La qualité du papier et des films, de la préface et la postface, de la traduction et du lettrage, mais aussi de la maquette d’ensemble et du titre de l’ouvrage, sont autant d’élèments indispensables à la réussite d’une traduction. Soleil a eu des débuts difficiles dans le domaine, je me souviens ainsi de pitoyables Mandrake ou Fantome du Bengale, mais aussi de Blek le trappeur si ma mémé-moire est bonne, qui sont vite aller remplir les rayons des solderies BD. Là , l’editeur semble avoir pris en compte le respect du public et de l’aspect magnifique de l’oeuvre originale. Je le félicite pour ce changement de politique éditoriale.
Bonjour François,
Merci de votre commentaire et de votre compliment: si je donne envie de lire, alors me voilà comblé…
Je partage tout à fait votre opinion sur le métier d’éditeur et sur les progrès de Soleil quant à leurs rééditions de l’Âge d’Or américain.
Bien à vous,
Cecil McKinley
Bonjour, et merci encore à M. Mc. KINLEY dont la passion et l’enthousiasme sont remplies d’ondes positives qui font du bien!
Je partage bien évidemment son point de vue, ayant un faible pour ce personnage depuis longtemps et l’ayant découvert dans le « journal de Mickey » sous le nom de Guy l’Eclair, ce qui m’a causé quelques soucis car je pensais que le personnage avait un frère appelé Flash Gordon, mais çà c’est quand on est jeune et bête hein?
La reine sorcière Azura est un fantasme érotique rarement égalé, on la retrouve d’ailleurs dessinée par Dan Barry, je trouve d’ailleurs que ce dessinateur est un peu « sous estimé » mais passons…
Pour répondre à « SERIAL », j’ai également les précédentes éditions parues chez Soleil et pour les avoir comparées, çà n’a mais alors RIEN à voir donc conseil à tous les amateurs de « Guy Flash », procurez vous ce livre et les autres qui suivront!
Je vais repartir sur Mongo en écoutant Queen!
Bonjour Pascal,
Merci de votre commentaire qui m’a bien fait plaisir et sourire…
Votre « croyance » des frères Guy et Flash est tellement touchante! Ce n’est pas de la bêtise, cela fait partie des chemins de l’imaginaire que nous rencontrons dans notre jeunesse, selon le hasard des publications, et selon notre ingénuité naturelle…
Ahhhhh, Azura, oui… (soupir) L’une des plus belles vamps SF de toute l’histoire de la bande dessinée! Je vois que la belle en mules vous a aussi électrisé… mais comment ne pourrait-on pas l’être devant pareille beauté vénéneuse???
J’ai réitéré votre avis à Serial, nous sommes bien d’accord…
Bon nouveau voyage sur Mongo avec Mercury!
Bien à vous,
Cecil McKinley
Merci messieurs,
Pour tous ces compléments d’informations, donc j’en déduis pour le grand plaisir de mon banquier, rachat indispensable de la nouvelle édition Soleil.
J’ose a peine vous poser la meme question a propos de « Prince Valiant » en comparaison de l’intégrale Zenda.
Bref pour le Prince, je l’ai découvert a la dernière séance ( Robert « l’Amour du risque » Wagner), et surtout les albums en N/B editions Serg m’ont mis une grosse claque (sur le tard, ds les 90′s), Foster magnifique, merci au libraire qui avait aussi dans ses bacs « Le Peuple de la mer » et « Jungle Jim » Slatkine B.D.
Le talent des auteurs et aussi de l’editeur, procure du bonheur! Yep!
Bonjour Serial,
En ce qui concerne « Prince Valiant », voici le lien de l’article que j’ai récemment consacré au T2, avec des commentaires de Jacques Dutrey et de Gilles Ratier sur les détails de cette édition: http://bdzoom.com/?p=61757
Cette nouvelle édition Soleil de « Prince Valiant » vaut le coup d’Å“il puisqu’elle est véritablement chronologique et a aussi été restaurée au niveau des couleurs, et retraduite… Je vous conseille donc d’y jeter au moins un coup d’Å“il!
Bien à vous,
Cecil McKinley
Intégrale, intégrale ce n’est pas tout à fait vrai au sujet de Tarzan par Russ Manning, c’est un massacre, rien de sérieux comme d’habitude en France, c’est dommage, et le format, je déteste ce format, mais c’est une question de goût, cela va très mal pour lire et pour garder dans une bibliothèque.