Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Loup-Noir est définitivement orphelin
Huit ans après le décès de Jean Ollivier, le créateur de la série « Loup-Noir » (publiée dans Pif-Gadget), c’est son père graphique, Roger Chevallier alias Kline, qui nous a quittés, le 16 mai dernier.
Né le 3 juin 1921 à Tressaint (près de Dinan), Kline a débuté dans la bande dessinée au milieu des années 1940, après divers travaux de lettrage et d’illustration, pour les récits complets de la S.A.E.T.L. ou de la SEPIA (de 1945 à 1947) et dans le journal O.K. (de 1946 à 1948), avec sa série « Kaza le martien » qui a marqué une génération de jeunes lecteurs de l’après-guerre .
Plus tard, il travaille sous la houlette de Marijac, pour Coq hardi, où il dessine « Roland, prince des bois » (de 1949 à 1952), ainsi qu’une aventure du « Colonel X » (en 1953 et 1954).
Très influencé par la bande dessinée américaine (Harold Foster et Milton Caniff, notamment), il développe un style qui fera de lui l’un des créateurs d’une « ligne claire réaliste » européenne : précision des cadrages, travail très poussé sur la lumière, les contrastes.
Ensuite, il participe à Mireille et à Pierrot avec diverses illustrations et dessine de nombreuses séries réalistes pour le journal Fillette ou ses suppléments édités par la Société Parisienne d’Éditions (S.P.E.), car son style clair et précis s’adapte à toutes sortes de récits.
On lui doit, par exemple, une autre série de science-fiction, « Stany Beule » (en 1948 et 1949), puis « Robin des bois » (entre 1954 et 1957), « Magda détective » (de 1956 à 1961) et plusieurs récits plus courts ou avec le texte sous les images.
En 1960, il reprend la série « Davy Crockett », dans le journal Vaillant, sur des scénarios de Jean Ollivier. C’est le départ d’une collaboration avec ce scénariste et avec les éditions Vaillant qui durera un quart de siècle.
Avec Ollivier, il dessinera ainsi une soixantaine d’épisodes de « Davy Crockett » auquel, pour l’anecdote, il a donné les traits de l’acteur américain Stewart Granger, grand spécialiste des films d’aventures.
En 1969, avec le passage de Vaillant à Pif-Gadget, Jean Ollivier abandonne « Davy Crockett ».
Pour l’occasion, il crée, dès le deuxième numéro de la nouvelle formule, le personnage emblématique de Loup-Noir, un sioux épris de justice.
Kline a trouvé son personnage-fétiche et perfectionne son style jusqu’à l’épure, au fil des cent trente épisodes que connaîtra cette série, jusqu’en 1980.
Loup-Noir incarne des valeurs humanistes chères à Kline (lui-même proche de la philosophie bouddhiste), tout en lui permettant d’illustrer un récit d’aventures aux cadrages très cinématographiques, où l’élément naturel joue un rôle important.
Parmi les divers travaux qu’on lui commande par la suite (la série pédagogique « Jean Richard raconte » dans Pif-Gadget en 1975 et 1976, « Bo et Lucy au cÅ“ur du temps » pour Gomme en 1982 ou les albums de bandes dessinées chrétiennes de la collection « Les Grandes Heures des églises » chez Fleurus de 1987 à 1989), Kline consacre également un album à la ville de Dinan où il a passé une partie de son enfance (Dinan à travers les âges, aux éditions I.D.P. en 1986), après avoir mis en images, pour la même maison, l’album 2 000 ans d’histoire du Gard (en 1981).
On regrettera que ces deux beaux albums n’aient pas connu une diffusion nationale, tant ils révèlent la perfection de son style.
Déçu de l’interruption de la série « Loup-Noir » dans Pif-Gadget, Kline décide de proposer au journal une nouvelle série de science-fiction, genre qu’il avait abandonné depuis trente ans. Avec l’appui de Jean Ollivier, il ébauche quelques planches de ce récit qui transpose le mythe d’Adam et Ève dans un lointain futur technologique. Malheureusement, la rédaction alors en pleine restructuration ne donne pas suite à ce projet, qui restera inédit (voir reproduction de l’une des dix planches ébauchées ci-dessous). Pour Pif-Gadget, il illustrera encore quelques récits historiques courts, toujours écrits par Jean Ollivier, puis cessera son travail pour ce journal.
Le personnage de Loup-Noir sera repris à l’occasion de la publication du nouveau Pif-Gadget, entre 2004 et 2008.
À cette occasion, le personnage aura enfin droit tardivement à un album couleur (Pif-éditions), puis à la reprise des récits en albums noir et blanc aux éditions Taupinambour, qui rendent justice au parfait classicisme de ce grand artisan de la bande dessinée d’aventures.
Jean-Luc MULLERÂ
Avec un tout petit peu de Gilles Ratier pour certaines précisions bibliographiques…
On retrouvera la bibliographie de Kline, ainsi qu’une excellente interview, très complète, dans les n° 91, 93 et 104 de la revue Hop ! dirigée par Louis Cance.
Un dossier très illustré sur Kline et l’essentiel de ce qu’il y a à savoir sur le dessinateur sur le site Pif-collection : http://193.251.82.94/pif-
Kline a également droit à un chapitre dans l’ouvrage Mon Camarade, Vaillant, Pif-gadget : l’histoire complète 1901-1994 de Richard Médioni.
En 1970, « Loup-Noir » fait la couverture du n° 64 de Pif-Gadget, dont le gadget n’est autre que son bracelet de cuir.À ce sujet, voir cette page : http://teddyted.free.fr/loup-noir.htm.
À noter que Jean-Luc Muller a eu l’occasion d’interviewer Kline sur son travail, dans le cadre de son film consacré à l’histoire des éditions Vaillant, lequel est actuellement en tournage.
Ping : Roger Chevallier passed away
J’en parlais ailleurs, BDZoom rend honneur à ce grand discret de la BD. Merci beaucoup !
Encore un grand dessinateur qui disparait, sans que les jeunes générations puissent découvrir son trait, faute d’albums disponibles en librairie. Que font les prétendus éditeurs professionnels? Ils préfèrent reprendre en album des blogs parus sur le web, c’est plus branché. Quelle tristesse…Tout le monde n’a pas les moyens de s’acheter de vieux fascicules à prix d’or chez les antiquaires BD.
Il y a les éditions du Taupinambour, heureusement, mais ça reste de l’édition de passionnés, non diffusés en librairies…
Je constate avec plaisir que Bodoï parle aussi de Kline, comme quoi même 15 après qu’il ait arrêté la BD, on ne l’oublie pas.
« il a donné les traits de l’acteur américain Stewart Granger »
Stewart Granger était un acteur ANGLAIS!
Faudrait être sure que vous parlez de l’acteur anglais Stewart Granger, ou l’acteur Américain James Stewart,
Oui, Stewart Granger, acteur d’origine britannique mais naturalisé américain, dont la carrière à Hollywood l’a rendu célèbre surtout pour ses rôles d’aventuriers (dans Scaramouche, le Prisonnier de Zenda, et aussi le magnifique film de Fritz Lang « Les Contrebandiers du Moonfleet »…)
Ping : Brèves - JUIN 2013 | Bananas Comix
Merci beaucoup pour ce post sur mon oncle Roger, il était vraiment un homme extraordinaire et plein de talent pour la BD, un métier qu’il adorait.
Je tiens à souligner qu’en plus de son don pour le dessin, il était très, très méticuleux, je me souviens bien qu’avant de dessiner chaque épisode il y avait un excellent travail de recherche et investigation du thème à traiter, ce soit une arme, un arbre ou une soucoupe volante, il n’a jamais rien laissé au hasard.
Sa bibliothèque personnelle était pleine de grandes références et elle faisait l’envie de tout fan de l’histoire, de la science-fiction ou des westerns, en particulier d’un petit neveu qui lui admirait.
On se verra un jour dans les verts prairies, Yipeehhh !!