HERMANN LAUREAT DU PRIX DIAGONALE 2009

Prix international de la bande dessinée créé en Belgique (à Ottignies-Louvain-la-Neuve) à l’initiative de Jean Dufaux, Jean Van Hamme, Raoul Cauvin et Christian Denayer.

Jusqu’à l’an passé, Il n’existait pas, en Belgique, de prix d’envergure honorant les acteurs du monde de la bande dessinée (1) ! Pourtant, ce pays est le berceau de tellement de grands noms qui ont marqué le 9e art, d’Hergé à Franquin en passant par Jacobs, Tillieux, Peyo, Roba, et bien d’autres : des artistes que l’on associe aussitôt à des héros aussi célèbres que « Tintin », « Spirou », « Gaston Lagaffe », « Blake et Mortimer », « Gil Jourdan », « Les Schtroumpfs », « Johan et Pirlouit », « Boule et Bill »…, personnages qui participent entièrement au renom de leur pays d’origine.

C’est surtout Jean Dufaux, entouré de ses collègues et amis auteurs de bandes dessinées que sont Jean Van Hamme, Raoul Cauvin et Christian Denayer (2), qui a permis à ce prix qui correspond exactement aux attentes de la profession de ce pays, d’exister ! Le célèbre scénariste de « Murena », de « Djinn » ou de « Complainte des landes perdues » (entre autres best-sellers), se retrouve donc être le président de ce jury, qui outre Van Hamme, Cauvin et Denayer accueille aussi Daniel Couvreur, journaliste au Soir, et Midam (le créateur de « Kid Paddle ») qui fut le premier lauréat, en 2008, de ce grand prix.

L’une des particularités de cette récompense, c’est sa dimension internationale ; laquelle correspond bien à la qualité multiculturelle du Brabant wallon et de la ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve. Ce « pôle culturel », qui accueille des résidents de plus de 125 nations, a su, depuis quelques années, insuffler une dynamique importante autour de la bande dessinée : en effet, le Musée Hergé (qu’il faut vraiment visiter car le projet pédagogique, la scénographie et la mise en valeur des oeuvres, tout comme l’architecture du bâtiment sont particulièrement réussis) a ouvert ses portes en cette commune, en mai dernier, et qu’en 2010 François Schuiten sera en résidence à l’université de Louvain-La-Neuve.

Aussi, la Province du Brabant wallon et la maison du Tourisme des Ardennes brabançonnes ont souhaité mettre en place une opération ambitieuse qui, outre le prix, donne une réelle importance au jeune lectorat attiré par le 9ème art : la population d’Ottignies-Louvain-la-Neuve étant particulièrement peu âgée, en raison de la présence de l’université. D’ailleurs, pour aller jusqu’au bout de la démarche de soutien à la bande dessinée belge et assurer la transmission des savoirs, la municipalité organise aussi un séminaire en création durant l’été : ainsi, des étudiants en bande dessinée, sélectionnés par les lauréats du prix, se verront offrir une formation spécifique par les auteurs primés qui recevront, eux, une enveloppe de 2500 euros chacun, pour autant qu’ils consacrent du temps à ces jeunes sélectionnés.

Mais le clou de cette manifestation qui a réussi l’exploit, ce samedi 17 octobre 2009, de réunir tout le gratin de la bande dessinée belge, c’est la remise des prix qui a eu lieu en la salle dite la Grange, à la ferme du Biéreau. La cérémonie était animée par l’acteur et metteur en scène Éric Destaercke, très connu en Belgique en tant que responsable d’une émission qui est l’équivalent (en moins trivial) des « Grosses têtes » françaises. Entre divers discours bien minutés, cette personnalité du monde du spectacle, assistée d’une dizaine de musiciens et de comédiens, a su nous divertir et nous faire rire avec des numéros de music-hall et des gags dont la thématique était, bien sûr, la bande dessinée et qui jouaient sur une très large gamme d’humour : cela allait de l’interruption du spectacle par une vieille dame qui se croyait au Musée Hergé (et qui prétendait être la maîtresse de Nick Rodwell) à un subtil cours de scénario et de narration humoristique à mourir de rire, le tout soutenu, tout en finesse, par des interprétations musicales ou chorales complètement décalées et drôles à la fois.

Le Prix du meilleur album étranger a d’abord été décerné par la Province du Brabant wallon à « Medz Yeghern : le grand mal », étonnant roman graphique abordant le génocide arménien qui est paru, en début d’année, aux éditions Dargaud et qui est dû à l’Italien Paolo Cossi ; on sentait vraiment que ce dernier était manifestement heureux d’avoir fait le voyage pour recevoir cette distinction, comme l’avait fait l’an passé son prédécesseur Vittorio Giardino pour son « No Pasaran ». Ensuite, le Prix de la Ville d’Ottignies a récompensé le meilleur album francophone de l’année : après Émile Bravo pour « Spirou : le journal d’un ingénu », c’est les Kerascoët et Fabien Vehlmann (pour « Jolies ténèbres », surprenant conte cruel paru au printemps dernier chez Dupuis ; voir notre chronique : http://bdzoom.com/spip.php?article3776) qui ont été honorés ; le talentueux, et très ému pour l’occasion, Sébastien Cosset (l’un des deux dessinateurs se cachant sous le pseudonyme de Kerascoët) a reçu un splendide trophée réalisé par un artiste belge et a apprécié comme il se doit, et comme tous les autres convives, la très agréable ambiance de cette cérémonie.

Enfin, le prix « Diagonale » (le grand Prix du jury qui récompense un auteur de bande dessinée pour l’ensemble de sa carrière) a justement mis à l’honneur le grand Hermann : un artiste prolifique, à la fois dessinateur et scénariste, qui n’a jamais cessé de se remettre en question, depuis ses débuts dans les années 1960. Manifestement dans un bon jour, cet auteur de tant de classiques du 9e art (de « Bernard Prince » aux « Tours de Bois-Maury » en passant par « Comanche » et « Jérémiah ») et de one-shots souvent plus personnels, a reconnu publiquement que, même s’il n’aime guère les honneurs et les flagorneries, il était très content d’avoir reçu ce prix ; d’autant plus qu’il y avait longtemps qu’il n’avait pas assisté à une remise de prix aussi amusante et qui avait réussi, cependant, à garder un côté très sélect, nécessaire au sérieux de l’entreprise. Il semble qu’il ait également décidé de jouer le jeu imposé par les organisateurs puisqu’il a officiellement déclaré : « Le plus important est de soutenir les jeunes. Leur donner la possibilité de se jeter dans la piscine et de nager… ».

C’est vrai que l’on ne s’est absolument pas ennuyé : la performance n’était pas trop longue (à peine 90 minutes, montre en main) et était très rythmée : une leçon de professionnalisme dont devraient s’inspirer bien des festivals dont la renommée est, jusqu’à présent, bien plus importante3 ! Ensuite, le public (pas loin de 300 personnes) a pu prendre le pot de l’amitié et discuter avec les nombreux auteurs renommés qui étaient présents, tous décontractés et contents d’être la ; que ce soit les lauréats et les imminents membres du jury ou les divers invités, tels les dessinateurs Tibet, Renaud, Bernard Vrancken, Jean-Pol, Sidney, Antonio Cossu, Christian Darasse, Bernard Swysen, Adam, Benoît Roels, Kas, Bruno Di Sano, Gihef, Gérard Goffaux, Rafaël Morales, Dan Verlinden, Alexis Dormal, Marco Paulo, Virginie Vertonghen…, les scénaristes Bob De Groot, Denis Lapière, Alcante…, ou les éditeurs et représentant de maisons d’éditions Yves Schirlf (pour Dargaud), Sergio Honorez (pour Dupuis), Paul Herman (pour Glénat), Anne-Marie Decoster (pour Le Lombard), Dimitri Kennes et Araceli Cancino (pour le récent Mad Fabrik) , ainsi que certains représentants de la presse spécialisée comme nos amis Patrick Pinchart (qui nous a annoncé qu’il venait de donner sa démission de Dupuis et de Spirou pour de voguer vers nouvelles aventures éditoriales dont nous ne manquerons pas de vous parler prochainement), Nicolas Anspach (actuabd.com), Marc Carlot (auracan.com) et même des journalistes français comme votre serviteur ou Jean-Christophe Ogier de France-Info ; comme tous leurs petits camarades, ils ont vraiment tous été séduits par la volonté d’évolution, d’ouverture et d’envergure internationale de l’évènement, ainsi que par la mise en lumière d’auteurs méritants qui sont, malheureusement, souvent ignorés par d’autres instances ou organisations plus élitistes et moins conviviales.

En tout cas, cette longue liste d’acteurs du milieu qui étaient présents pour cette soirée (et encore on en a certainement oublié plein) est la preuve que tous les bons ingrédients sont réunis pour faire de ce Prix « Diagonale » un moment incontournable du 9e art !

Gilles RATIER

(1) Il y a bien le « Grand-Prix Saint-Michel » du festival de la BD de Bruxelles-Capitale (qui vient d’ailleurs de récompenser Jean Van Hamme pour l’ensemble de son œuvre) mais son aura ne dépasse malheureusement pas les frontières et se limite (comme la plupart des prix décernés par de nombreux festivals) à la médiatisation restreinte de la région, voire uniquement de la ville, où se déroule l’évènement.

(2) Le sympathique Christian Denayer nous a d’ailleurs confié que le neuvième et prochain album de « Wayne Shelton » sera, de nouveau, scénarisé par Jean Van Hamme ! En effet, ce dernier avait créé le personnage et scénarisé les deux premiers épisodes, laissant ensuite la destinée de ce remuant baroudeur cinquantenaire aux mains de Thierry Cailleteau.

(3) Bravo, entre autres, à Dominique Bleeckx, la responsable des services Culture et Tourisme de la ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, pour son efficacité et sa gentillesse…

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