Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Ils voient des « Spirou » partout…
2013 est bien l’année « Groom » ! Après les indispensables ouvrages La Véritable Histoire de Spirou et l’intégrale Rob-Vel, pour fêter dignement les soixante-quinze ans de Spirou, les éditions Dupuis nous gratifient aussi du premier volume de « Spirou et Fantasio » par Tome & Janry : avec tous les épisodes réalisés, entre 1981 et 1983, par ce duo infernal qui venait de reprendre le personnage emblème du journal de Marcinelle… Mais ce n’est pas tout, les livres ayant un rapport avec la série « Spirou » ou avec l’hebdomadaire des Dupuis se multiplient. Il y en a partout ! Une remarquable Galerie des illustres, une intégrale « Bizu » et un livre sur Jean-Claude Fournier – autre illustrateur mythique de « Spirou » -, des Tiroirs secrets de François Walthéry, une exhumation du « Cabanon » de Paul Deliège, de « Pony » de Lucien De Gieter ou des « Histoires de Sam et l’ours » de Lagas, etc., etc.
Évidemment, comme de juste, c’est le couple d’érudits Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault qui s’occupe du dossier de présentation de cette nouvelle intégrale Dupuis de fort belle facture : texte toujours agréable à lire qui contextualise parfaitement la reprise par Jean-Richard Geurts et Philippe Tome – alors jeunes assistants de Dupa sur « Cubitus » ou sur « Chlorophylle » -, documents peu connus reproduits fort à propos et « véritable » intégralité des planches des « Spirou » de cette époque-là , que ça soit au niveau illustrations, couvertures du magazine, récits complets (ceux compilés dans l’album n° 38, La Jeunesse de Spirou, et bien d’autres encore) ou longues histoires à suivre (Virus, Aventure en Australie et Qui arrêtera Cyanure ?). Du vraiment bon boulot qui peut, éventuellement, être complété par la lecture d’une interview de Tome réalisée par votre serviteur dans le n° 52 de la revue d’information Hop !, au deuxième trimestre 1992 !
Alors que l’intégrale des « Spirou » de Jean-Claude Fournier (1969-1979) a déjà été proposée, chez Dupuis, en trois beaux volumes tout aussi indispensables (voir Jean-Claude Fournier (1ère partie) et Jean-Claude Fournier (2ème partie)), voilà que deux jeunes auteurs armoricains, Nicoby et Joub, ont décidé de mettre la vie de leur maître à dessiner en bandes dessinées : ce barbu, sympa, un peu grognon et franchement breton, qui a repris la destinée du jeune groom à la suite de Franquin ; comme ils l’avaient fait précédemment pour Daniel Fuchs, témoin essentiel de l’époque Hara-Kiri (voir « Mes années bêtes et méchantes »), c’est-à -dire avec beaucoup d’humour et de tendresse. Dans l’atelier de Fournier, aux éditions Dupuis, est un remarquable roman graphique qui nous permet de mieux connaître le parcours de cette légende de la bande dessinée, et le monde du 9e art franco-belge, en général.
Du coup, l’éditeur le mieux placé pour remporter la palme de la transmission patrimoniale en profite pour proposer une très belle intégrale de « Bizu » : la première série (et aussi sa préférée) de Fournier. Le premier tome vient de sortir et couvre les années 1967 à 1986 ; le dossier, impeccable comme d’habitude, étant signé Martin Zeller. Créé sous l’Å“il bienveillant d’André Franquin, Bizu est, malgré sa petite taille, le personnage qui élèvera le jeune Jean-Claude Fournier au rang d’auteur publié dans le journal de Spirou ! Breton jusqu’au bout des orteils, c’est bien naturellement un univers plein de féerie qui lui viendra sous le crayon. Voilà donc l’occasion de découvrir (ou redécouvrir), cachés au cÅ“ur de la forêt de Frotéliande, un korrigan musicien nommé Schnockbul, des plantes qui parlent, un biniou sauvage, etc. On y retrouvera même les pages dessinées par son disciple Gégé (Gérard Cousseau, le scénariste des « Bébés Disney » et des « Toubibs »), à la fin des années 1970.
Pour l’anecdote, sachez que le Centre Belge de la Bande Dessinée devait consacrer l’un de ses « Philabédé », coédité avec la Poste belge, à Jean-Claude Fournier : reprises de récits complets et version étoffée de notre « Coin du patrimoine », sous couverture de son ami Walthéry (pour la version luxe). Tout était prêt, mais l’institution a décidé, pour des raisons stratégiques et économiques d’arrêter cette collection. Rien que pour vous faire regretter cette décision, voici la couverture de ce qui aurait dû être un hommage Trait recommandé !
Cependant, Jean-Claude Fournier, François Walthéry, Tome & Janry font bien partie des deux cents auteurs essentiels de la bande dessinée à être au sommaire du somptueux ouvrage La Galerie des illustres, que viennent de publier les éditions Dupuis : compilation des pages d’une rubrique du journal de Spirou, écrite par le journaliste Jean-Pierre Fuéri. Ce dernier interroge un auteur au graphisme souvent éloigné de ce que l’on s’attend à trouver dans cet hebdomadaire, ceci afin d’ouvrir les jeunes lecteurs sur d’autres esthétismes. Charge à l’interviewé de livrer une planche hommage au personnage ou à la revue. Et c’est Riad Sattouf qui l’a inaugurée, au n° 3653 du 16 avril 2008, à l’occasion des soixante-dix ans de Spirou.
Souvent, les artistes mis en avant par le rédacteur ont choisi d’évoquer la place qu’a eue la bande dessinée dans leur enfance ; d’où des pages généralement émouvantes, notamment celles réalisées par des dessinateurs plus enclins à être cités dans notre « Coin du patrimoine », à l’instar d’Andreas, Baru, Philippe Berthet, Christian Binet, François Boucq, Cabu, Florence Cestac, Cosey, Dany, Jean-C. Denis, Derib, Alain Dodier, Jacques Ferrandez, F’Murrr, René Follet, Frank, Carlos Gimenez, Annie Goetzinger, Gotlib, Marc Hardy, René Hausman, Hermann, André Juillard, Willy Lambil, Frank Le Gall, Loustal, Makyo, Frank Margerin, Jean-Claude Mézières, Ruben Pellejero, René Pétillon, Miguelanxo Prado, Christian Rossi, François Schuiten, Jean-Claude Servais, Jean Solé, Jacques Tardi, Sergio Toppi, Martin Veyron, Vink, Marc Wasterlain, Yslaire…, ou d’auteurs un poil plus jeunes comme Pierre Alary, Alfred, Denis Bajram, Nicolas Barral, Fred Beltran, Dominique Bertail, Frédéric Bézian, Guillaume Bianco, Christophe Blain, Blutch, Matthieu Bonhomme, Boulet, Émile Bravo, Éric Buche, Philippe Buchet, Renaud Collin, David B., Étienne Davodeau, Nicolas de Crécy, Delaf, Christian de Metter, Arthur de Pins, Christian Durieux, Olivier Dutto, Bruno Gazzotti, Juanjo Guarnido, Emmanuel Guibert, Guilhem, Nicolas Kéramidas, Keraskoët, Emmanuel Lepage, Jérôme Lereculey, Simon Léturgie, Libon,
Nicolas Malfin, Grégory Mardon, Marc-Antoine Mathieu, Pierre Mazan, Ralph Meyer, Hugues Micol, José-Luis Munuera, Julien Neel, Fabrice Parme, Cyril Pedrosa, Frederik Peeters, Michel Plessix, Sergio Salma, Olivier Schwartz, Olivier TaDuc, Tebo, Lewis Trondheim, Sylvain Vallée, Olivier Vatine, Bastien Vivès, Yoann, Zep… ; le tout sous couverture de Pascal Rabaté !
Tant que l’on parle de François Walthéry, sachez que l’éditeur liégeois Noir Dessin Production vient de compiler plus de trente de ses courtes histoires réalisées entre 1967 et 1996, pratiquement toutes inédites en albums, dans les quatre-vingt-douze pages de Tiroirs secrets de F. Walthéry.
En voilà une idée qu’elle est bonne ! Un seul petit regret, il aurait été bon de préciser les sources des premières parutions, d’autant plus que certaines sont difficiles à identifier, car parues ailleurs que dans Spirou !
Voilà aussi l’occasion de signaler que bien d’autres dynamiques maisons d’édition continuent de ressortir, en albums, les trésors du journal de Marcinelle que les éditions Dupuis n’ont pas jugé bon d’exploiter(1).
Ainsi, les Belges d’Hibou ont-ils réuni les trois histoires courtes de six planches chacune et les trois pages de gags en une page de « Cabanon », un héros éphémère que Paul Deliège (voir aussi « Les Krostons » de Paul Deliège) dessina et scénarisa entre 1965 et 1967.
À noter que les éditions du Coffre à BD avaient déjà édité, de 2003 à 2004, les douze mini-récits mettant en scène ce personnage sur la même période.
Justement, Le Coffre à BD poursuit ses rééditions en tirage numérique à un rythme d’enfer puisque c’est déjà le onzième album pour « Le Baron » de Noël Bissot (une autre vedette des mini-récits, entre 1961 et 1973) ou le neuvième pour « Sam et l’ours » que Lagas dessina dans Spirou de 1968 à 1983, et que ressortent les « Pony » que Lucien De Gieter proposa également en mini-récits entre 1962 et 1971 et le seizième « Timour » de Sirius (voir Sirius).
Si ces ouvrages sont uniquement en vente sur le site http://coffre-a-bd.com/, ce n’est pas le cas des reprises en offset des séries « Sandy et Hoppy » de Willy Lambil et « Marc Lebut et son voisin » de Francis et Maurice Tillieux que vous trouverez chez votre libraire préféré  (les tomes 5 sortant incessamment sous peu) ; voir Willy Lambil ou « Marc Lebut et son voisin » par Francis et Maurice Tillieux !
Bien entendu, c’est aussi le cas des suites des formidables autres intégrales que les éditions Dupuis continuent de nous proposer, à l’instar du tome 8 de celle de « Buck Danny » dessinées par Victor Hubinon (dont le dossier de présentation, signé Patrick Gaumer, est à ne pas manquer) ou du tome 4 de celle de « La Patrouille des Castors » mise en images par MiTacq : des séries qui n’ont pas pris une ride et qui étaient dues à la plume inventive de Jean-Michel Charlier !
À ce propos, si vous ne le saviez pas encore, une monumentale biographie sur cet Alexandre Dumas de la bande dessinée est en cours de réalisation et devrait sortir fin mai (si tout va bien) ! N’hésitez pas à soutenir les éditeurs, Sangam et Le Castor astral, et l’auteur (rires !!!), en souscrivant dès aujourd’hui : voir « Jean-Michel Charlier vous raconte… » en souscription !…
(1)  D’autres petites structures, quant à elles, étudient tous ces joyaux du 9e art franco-belge dans des revues qu’il faut, également, aider du mieux que l’on peut ; car elles font un travail indispensable pour nous aider à bien comprendre la portée de ces séries populaires. Ainsi, la lecture du n°5 de Bananas, dirigé par Évariste Blanchet (voir http://www.bananas-comix.com/ ; diffusion en librairies par Makassar) est-elle particulièrement instructive et agréable à lire ; notamment la très intéressante analyse de l’intégrale de « Jerry Spring » de Jijé, western qui fit, aussi, les beaux jours du journal de Spirou (voir aussi « Jerry Spring  » : intros ou pas assez ? ou « Jerry Spring » dans Spirou et en albums). Nous trouvons, aussi, au sommaire de ce numéro des articles qui méritent tout votre intérêt : sur Florenzo Ivaldi (qui fut un proche d’Hugo Pratt) par Gianni Brunoro et Dominique Petitfaux ou sur la série « Mousse et Boule » de Jen Trubert par Manuel Hirtz, un entretien avec le très controversé Serge de Beketch qui travailla avec René Goscinny du temps de Pilote (par José-Louis Bocquet) et un autre, passionnant même s’il date de 1972, avec Jean Graton (l’auteur de « Michel Vaillant ») par Bruno et Béatrice Duval, ainsi que des réflexions théoriques bien argumentées de Renaud Chavanne.
Il faut aussi vous procurer le premier numéro des Archives BDTrésor, aux éditions De Varly (voir http://www.bdtresor.net), qui est en grande partie consacré à Marcel Remacle, l’auteur de la série « Le Vieux Nick » qui sera re-titrée, ensuite, « Barbe Noire » : l’un des piliers du journal Spirou entre 1958 et 1990. Il s’agit de la reprise d’un très bon dossier de quarante pages rédigé par Christian Jasmes pour le réseau des bibliothèques publiques belges à l’occasion d’une exposition sur les pirates dans la bande dessinée présentée à la bibliothèque de Tubize (Belgique), du 19 mars au 26 avril 2013).
Avec des articles complémentaires de Pierre Leroy, Jacques Lelièvre ou Jef Martinez, ce n°1 d’une revue qui pourrait bien devenir très vite une référence est un prolongement du site bdtresor.net ; disponible sur commande dans toutes les bonnes librairies ou auprès de fernandes@devarly.net.