Fred est décédé

Le créateur de « Philémon », qui venait tout juste de publier l’ultime aventure de son personnage fétiche, s’est éteint à l’âge de 82 ans. Il était depuis plus de 60 ans l’un des plus grands artistes, un créateur et un poète hors du commun.

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Othon Aristides, dit Fred , naît le 5 mars 1931 à Paris. Tout môme, il remplit des cahiers entiers de bandes dessinées bour­rées de fôtes d’ortografe. Il publie son premier dessin humoristique dans le courrier des lecteurs d’un journal pour enfants. Un peu plus tard, il fait ses premiers pas vers l’absurde, l’envers du décor et le dérapage contrôlé en dévorant Edgar Poe, Charles Dickens et Oscar Wilde.

Vers 18 ans, il fait timidement le tour des rédactions. À sa grande fierté, il finit par placer un dessin à Ici-Paris ; à sa grande déception, sa signature est coupée. À son retour de l’armée, il dessine pour France Dimanche, Paris Match, Le Hérisson et Quartier latin, un modeste journal vendu à la sauvette par Georges Bernier, connu plus tard sous le nom de professeur Cho­ron. C’est avec le même Georges Bernier et François Cavanna (rencontré à Ici-Paris) que Fred crée Hara-Kiri en septembre 1960. Promu directeur artistique, il exécute les soixante premières couvertures, touche un peu à tout, s’aperçoit qu’il aime bien écrire, et revient à la bande dessinée avec« Les Petits Métiers », « Le Manu-Manu », « Tarsinge, l’homme Zan » et « Le Petit Cirque ».

En 1966, après six mois de labeur, il propose quinze planches d’une nouvelle histoire au journal Spirou, qui les refuse : le dessin n’est pas bon, l’histoire non plus… À la lecture des mêmes planches, René Goscinny, alors rédacteur en chef de Pilote, s’enthousiasme et publie La Clairière des trois hiboux, premier épisode des aventures de Philémon. Mais cette fois-ci, ce sont les lecteurs qui n’apprécient pas le dessin. Fred décide donc de s’en tenir à l’écriture ; il propose toute une série de scénarios qui seront mis en images par d’autres – ce qui ne l’amuse pas du tout… sauf quand il imagine « Time is Money » pour Alexis. Et puis, il commence à ruminer dans ses moustaches l’idée d’envoyer Philémon sur les lettres de l’océan Atlantique – idée qui lui est venue dans son bain : où va-t-on quand on se laisse aspirer par le tourbillon de la baignoire qui se vide ? (Fred trouve toujours ses idées dans son bain. Quand l’idée ne vient pas, il prend cinq bains par jour ; il est donc très propre…) Il écrit le scénario, le fait lire à Goscinny et déclare assez fermement qu’il veut le dessiner lui-même. Goscinny accepte, et la grande aventure de Philémon, dont le quinzième album paraîtra en 1987, commence.

Dans les années 1970, tout le monde s’arrache Pilote, même Jacques Dutronc qui demande à Fred de lui écrire des chansons. Fred tente le coup avec une fraîcheur absolue, à l’instinct : Le fond de l’air est frais entre très vite au hit-parade. Devenus copains, ensemble deux livres-disques pour enfants : La Voiture du clair de lune et Le Sceptre.

En 1993, après quelques expériences auto-éditées, dont le magnifique « Magic Palace hôtel », Fred imagine pour l’imagerie Pelle­rin d’Épinal« La Magique Lanterne magique », puis pour Futuropolis un superbe portfolio intitulé Manège. C’est alors que Le Matin de Paris lui offre une pleine page hebdomadaire qu’il occupe avec « Le Journal de Jules Renard » lu par Fred, une histoire qui sera publiée en 1988 chez Flammarion.

En 1991, Fred signe trente-cinq scénarios de courts-métrages, réalisés, entre autres, par Daniel Vigne (Le Retour de Martin Guerre), Jacques Ruffio et Gérard Zingg. Tournés en trente-cinq millimètres dans des conditions extrêmement luxueuses – pour deux minutes de pellicule, ils partent par exemple à trente personnes dans le désert avec des Land Rover –, courts films sont des merveilles de poésie et d’humour. Pris au jeu, Fred signe ensuite pour Gérard Zingg le scénario d’un long-métrage, L’Autobus de la haine. Le projet est malheureusement abandonné.

Après « Philémon – réédité en trois gros volumes dans une édition millésimée en mars 2011 – , Fred explore d’autres univers et signe plusieurs albums considérés (à juste titre) comme des chefs-d’œuvre : « L’Histoire du corbac aux baskets », « L’Histoire de la dernière image » et « L’Histoire du conteur électrique ». À la fin de l’année 2010, Dargaud regroupe d’ailleurs ces trois albums dans un coffret, auquel est ajoutée l’histoire du « Magic Palace hôtel », pour la première fois mise en couleurs !

Deux recueils de dessins d’humour – « Le Noir, la couleur et lavis » et « Fredissimo » – voient également le jour. Mais Fred se fait rare ; il se prête pourtant au jeu d’une rubrique régulière, « Un magnéto dans l’assiette de Fred », publiée dans La Lettre (l’officiel de la BD), dans laquelle il se confie. Cet auteur majeur de la bande dessinée a tant de choses à raconter que Dargaud lui consacre une biographie ; l’ouvrage, intitulé L’Histoire d’un conteur éclectique, sort au mois de mars 2011.

Rédigée par Marie-Ange Guillaume, cette monographie de deux cents pages rassemble de nombreux documents inédits, dont les toutes premières pages du prochain « Philémon », un épisode auquel Fred travaille depuis plusieurs années.

En attendant la sortie de ce nouvel album, Dargaud réédite toute la série sous la forme de trois intégrales, mais présente aussi une nouvelle édition du superbe « Petit Cirque. Cette version, remasterisée à partir des originaux et agrémentée de quatre pages supplé­mentaires, paraît en janvier 2012, à l’occasion de la grande exposition rétrospective que le festival d’Angoulême consacre à Fred.

En février 2013, Fred publie son dernier « Philémon» , Le Train où vont les choses, le tome 16 de la série qu’il avait commencée vingt-cinq ans plus tôt.

Mais l’aventure n’est pas finie : le producteur Roger Frappier travaille en ce moment à l’adaptation cinématographique de la série, ce que l’auteur avait, jusqu’à présent, toujours refusé.

En mai 2013 paraîtra « Un magnéto dans l’assiette de Fred », un recueil de l’ensemble des entretiens présentés dans La Lettre.

Fred fait partie des géants de la bande dessinée et a influencé toute une génération d’auteurs. Dans chacune de ses œuvres – de « Philémon » au « Petit Cirque » – l’auteur accomplit un numéro de funambule dans lequel son génie éblouit. Son langage résolument novateur, son inventivité, son imagination foisonnante ont ouvert une nouvelle voie à la bande dessinée.

 

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4 réponses à Fred est décédé

  1. BARRE pascal dit :

    « l’adaptation cinématographique de la série »?? Ah non pitié pas çà!…
    « …ce que l’auteur avait toujours refusé » ben tu m’étonnes!
    et qui jouerait Philémon? Kad Merad, Gad Elmaleh, Norman, Frank Dubosc?…la liste est longue de tous ces fooormidables acteurs au potentiel inégalé…Mais je m’égare là, je digresse un peu trop…
    J’étais venu écrire un p’tit mot en hommage à Fred et non parler de la fange de laquelle cet immense poète s’était éloigné pour nous emmener loin, très loin dans l’imaginaire et la beauté et marquer à tout jamais nos petits cerveaux par ses histoires de lettres dans l’océan A T L A N T I Q U E!
    Ce matin le fond de l’air est vraiment frais et j’ai pas envie de chanter.
    Quand je pense qu’il y a des types qui respirent encore alors qu’on nous enlève tous les bons…Mais je sens que je vais digresser encore alors stop!

  2. Tout cela est bien triste…. Monsieur Fred nous avait enchantés. Un Grand Monsieur de la BD, avec en héritier spirituel, graphique et local (ils se sont connus à Nice!),l’envahissant Sfar… Je préfère relire mes Philemon, moins prétentieux et sans disgressions philosophiques

  3. Une perte immense pour la BD.

  4. Claudia dit :

    Il es parti à Levallois. Clic.
    Merci Fred.

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