« La Ballade du Pratt perdu »

Non, vous ne rêvez pas, on a bien retrouvé un inédit d’Hugo Pratt ! L’album est paru en Italie (chez Rizzoli/Lizard) le 5 mai 2009 et les éditions Casterman nous en offrent, aujourd’hui, la version française !

Il s’agit du mythique « Sandokan », adaptation (avec la complicité du scénariste Mino Milani (1)) de l’œuvre du romancier italien Emilio Salgari : « Le Tigri di Mompracem »(2). Créée au tout début des années 1970, donc contemporaine des « Scorpions du désert » et de « Corto Maltese » (c’est d’ailleurs la notoriété de ce dernier, en France, qui empêchera sa parution dans la revue italienne qui l’avait commandée à l’origine), cette histoire de prince malais du milieu du XIXe siècle, pirate romantique des côtes occidentales de Bornéo à la recherche d’une jeune fille aux cheveux d’or, alors qu’il est devenu l’homme le plus craint de la Mer de Chine, a fait fantasmer nombre d’admirateurs du maître vénitien, et ceci depuis bientôt quarante ans…

Après en avoir nié l’existence (même s’il reconnaissait s’être penché sur le sujet) dans un article publié dans le Corriere della Sera du 24 octobre 1982, où il déclarait à peu près ceci : « Je n’avais jamais lu Salgari et j’ai seulement eu la possibilité d’aborder l’œuvre de cet auteur, il y a quelques années, quand j’ai été chargé, par le directeur du Corriere dei Piccoli, de faire une bande dessinée avec « Les Enfants de Momprecem » (sic) ; ceci ne s’est pas fait parce que ma façon de réduire le texte était peut-être un peu trop irrévérencieuse : un homme doit choisir entre un type de littérature et un autre, moi, j’ai choisi l’anglo-saxonne. »), c’est finalement dans l’indispensable livre de ses entretiens avec Dominique Petitfaux (3) qu’il lâche le morceau, en 1990 : « D.P. : Il paraît que vers 1971 vous auriez dessiné, pour le Corriere dei Piccoli, une trentaine de planches d’après un roman d’aventures italien ? H.P. : Oui, et ces planches ont été volées. Je ne sais pas par qui, mais Francesconi, qui était directeur du journal, le sait, et il m’a promis de me le dire un jour ! ». Juste avant, on pouvait aussi y lire : « D.P. : Que penser des rumeurs selon lesquelles vous auriez en réserve des histoires entières, complètement achevées ? H.P. : Ce n’est pas vrai. Je ne travaille que si cela me rapporte de l’argent, alors je ne fais rien juste pour moi ; sauf bien sûr des études, des personnages, des aquarelles, des peintures, des huiles, des sérigraphies. Mais jamais de bandes dessinées. J’ai quelques planches de prêtes que je pourrais utiliser un jour dans diverses histoires, mais pas d’épisodes entiers. C’est mon côté mercenaire : je fais les choses parce que j’ai besoin d’argent. ».

Si on ne sait toujours pas ce que sont devenues les 24 planches originales (ou 48 dans le format horizontal de cet album) de la première partie de l’adaptation du roman, ainsi que les quatre demi-planches de la seconde partie inachevée (« La Perle de Labuan »), qui étaient terminées en 1973, leurs parfaites copies photographiques (prêtes à être imprimées) ont simplement été oubliées dans un carton, jamais ouvert depuis 1975. C’est ce que nous raconte Alfredo Castelli (4), dans une passionnante préface à l’œuvre : Hugo Pratt en aurait bien ri sous cape s’il avait été encore vivant pour savourer l’ironie de cette étrange destinée.

En tout cas, comme le remarque justement Dominique Petitfaux dans l’article que consacre l’excellente revue CaseMate à cette résurrection (dans le n°18 d’août 2009) : c’est du très bon Pratt « Il aurait été dommage de ne pas diffuser ce document qui a valeur historique. Document dont Pratt n’aurait pas à rougir, c’est graphiquement superbe. Ça correspond à la période préférée de ses fans, fin des années 60, quand il se dégage de ses influences américaines, notamment celle de Milton Caniff. Il fait alors vraiment du Pratt. D’ailleurs, enlevez ses moustaches à Yanez, l’assistant de Sandokan, c’est Corto ! Quant à Marianne, elle ressemble à une Ann de la jungle un peu plus âgée et avec des cheveux plus longs : rien d’étonnant à cela, il avait pris Anne Frognier, sa femme de l’époque, pour modèle… ».

Quant à nous, sachant que Hugo Pratt avait une incroyable capacité à anticiper, nous rajouterions bien que Sandokan, lui, ressemble à Johnny Depp dans le rôle de Jack Sparrow, « Le Pirate des Caraïbes » !!! Évidemment, on espère que les éditions Casterman n’en resteront pas là car, contrairement à ce que l’on pourrait croire, toutes les bandes dessinées d’Hugo Pratt ne sont pas disponibles dans l’Hexagone, et certains récits sont même toujours carrément inédits ! Voilà qui nous donne l’occasion de faire un état des lieux et de revenir sur la carrière de ce monstre sacré de la bande dessinée internationale : un Vénitien né fortuitement sur une plage non loin de Rimini, le 15 juin 1927, et décédé dans une clinique de Pully (en Suisse), près de sa maison de Grandvaux, le 20 août 1995.

Si son enfance est bien vénitienne, alors qu’il n’a que 10 ans, il part, avec sa mère, rejoindre son père, militaire de carrière, en Abyssinie. Après la Seconde Guerre mondiale, il est rapatrié à Venise, par la Croix Rouge, en 1943. Ses souvenirs, nourris des espaces africains et des péripéties de la guerre, font naître, en lui, le désir de devenir dessinateur. Il débute dans ce métier en 1945, à la suite d’une rencontre avec le dessinateur Mario Faustinelli et le scénariste Alberto Ongaro qui viennent de créer une petite société d’édition. Ils proposent alors à Hugo Pratt de les seconder pour le dessin (les crayonnés, surtout) sur différentes séries que réalise un collectif d’auteurs que l’on appellera, un peu plus tard, le « Groupe de Venise » : telle « L’Asso di Picche » (« L’As de pique »), dont le héros est inspiré des justiciers masqués américains comme « The Spirit » ; cette bande dessinée, dessinée dans un style rappelant fortement celui de Milton Caniff (« Terry and the Pirates »), a connu une édition française, remontée en un album de 193 planches aux Humanoïdes associés, en 1982, mais qui est épuisé aujourd’hui.

Par contre, les autres bandes d’aventures de cette époque crayonnées par Hugo Pratt et encrées par Mario Faustinelli sont inédites en français (que ça soit « Ray e Roy » réalisé en 1946, « Silver-Pan » en 1947, « Alan delle Stelle », « Indian River » ou « Un Allegro natale » en 1948 et « April et il fantasma » en 1949) ; il en est de même pour les très courts récits qui sont entièrement de la main d’Hugo Pratt comme « Sloogan e i piani scomparsi » (1946) ou « Indian Lore » (1947). Certes, les travaux réalisés pendant cette période d’apprentissage et de compagnonnage ne sont pas les plus intéressants de l’œuvre d’Hugo Pratt, mais ils restent, historiquement, un maillon essentiel pour mieux comprendre la trajectoire du maître (5).

Parfois publiées également en Argentine, ces séries dues à Hugo Pratt et au « Groupe de Venise » attirent l’attention de l’éditeur de la version sud-américaine du périodique italien Salgari (Cesare Civita) ; et ce dernier invite Hugo Pratt et Mario Faustinelli à venir travailler à Buenos Aires, en 1950. Certaines œuvrettes de cette époque sont d’ailleurs poursuivies ou créées directement pour le marché argentin. C’est le cas de « Junglemen ! » : au total 259 planches, réalisées de 1949 à 1952, qui ont été scénarisées par Alberto Ongaro et commencées graphiquement par Dino Battaglia ; elles furent remontées en un album, également épuisé depuis longtemps, aux éditions Glénat, en 1979. Mais aussi de « El Cacique Blanco » et de « Legion extranjera » (sur des scénarios d’Alberto Ongaro), qui parurent en 1951 et 1954, et qui restent inédits en langue française.

Hugo Pratt accepte donc la proposition de Cesare Civita et s’installe en Argentine, en 1950, avant de rencontrer le scénariste Héctor Germán Oesterheld (voir « Le Coin du patrimoine » que nous lui avons consacré : http://bdzoom.com/spip.php?article3684) avec qui il conçoit des séries aussi célèbres que « El Sargento Kirk » (« Sgt. Kirk ») de 1953 à 1959, dont une intégrale est en cours chez Futuropolis (6), « Ticonderoga » de 1957 à 1959 (l’album français paru chez les Humanoïdes associés, en 1982, est, hélas, également épuisé) (7), « Ernie Pike » de 1957 à 1961 (l’intégrale est disponible en cinq tomes chez Casterman et le tome 3 contient aussi « Lord Crack » créé en 1958) ; mais aussi le détective « Ray Kitt » (1951) et « Lobo Conrad » ou « Lupo Conrad » en Italie (1958), courtes bandes qui n’ont jamais été traduites dans notre langue !!! (8)

Á partir de 1959, Hugo Pratt se décide à écrire lui-même les scénarios des histoires qu’il dessine afin d’éviter les problèmes de propriété artistique : ainsi naîtra, en 1959, « Ann y Dan » dont la version française (« Ann de la jungle ») est toujours disponible chez Casterman. Il part ensuite à Londres pendant un an (de l’été 1959 à l’été 1960) afin de travailler sur des « Histoires de guerre » (« War Picture Library ») pour l’agence anglaise Fleetway Publications. L’intégrale de ces récits, déjà parus de façon éparse en France (dans les pockets Impéria, dans le magazine Corto ou dans les albums « Du sable, rien que du sable », « Pratt 50 » et « Deux ou trois choses que je sais d’eux »), vient d’être éditée par Casterman.

Hugo Pratt s’installe ensuite, pendant un an, à São Paulo (au Brésil), pour donner des cours de dessin à l’Escuela Panamericana de Arte. De retour à Buenos Aires, il écrit et dessine, en 1962, les superbes « Wheeling » (disponible chez Casterman) et « Capitan Cormorant » qui fut terminé par Stelio Fenzo (là encore, l’album en français publié en 1980, puis en 1994, n’est plus au catalogue des éditions Glénat). Quelques mois après, l’Argentine connaît une période d’austérité économique (dont une des conséquences est le rationnement du papier, ce qui rendait difficile le métier de dessinateur) et Hugo Pratt se voit contraint de repartir en Italie, à l’invitation de Carlo Triberti, directeur du Corriere dei Piccoli.

De retour à Venise, il collabore donc à cette revue pour adolescents en dessinant « Billy James » (scénario de Mino Milani), à la fin de l’année 1962 : l’album en français paru Humanoïdes associés (en 1980, après une première traduction dans l’éphémère Chouchou en 1965) contenait aussi les illustrations des « Légendes indiennes » réalisées la même année. Viendront ensuite, en 1963, « Simbad il marinaio » (« Simbad le marin ») toujours avec Milani (un album édité par Bédésup, complètement introuvable aujourd’hui, reprenait ce récit avec le texte sous les images, en 1982), « L’Odissea » (« Le Retour d’Ulysse ») un texte également sous images de Franca Basaglia, d’après Homère, paru en français uniquement dans Okapi en 1982 (9), « Paolo di Tarso » (avec Giulio Nascimbeni) et « Kiwi il figlio della jungla » (« Tiki le fils de la jungle ») un co-scénario de Giancarlo Ottani repris graphiquement par Stelio Fenzo à la septième planche sur des scénarios de sa femme et seulement publié en France dans le n°36 du petit format Lancelot des éditions Aventures et voyages, en 1964.

Toujours pour le Corriere dei Piccoli, Hugo Pratt illustre de nombreuses rubriques plus ou moins didactiques (« L’Epopea dell’America », « I Giganti Burloni » ou « Le Avventure di Ercole ») et dessine « L’Ombra » (sur des textes d’Ongaro), en 1964 : un autre justicier masqué qui rappelle « L’Asso di Picche » et dont la version française est au catalogue des éditions Casterman, depuis 2004, sous le titre « L’Ombre ». Puis, Hugo Pratt adapte (avec Milani) deux œuvres de Robert Louis Stevenson : « L’Isola del tesoro » en 1965 (« L’Île au trésor », disponible chez Casterman) et « Il Ragazzo rapito » en 1967 (« David Balfour », proposé, avec des couleurs d’Anne Frognier, dans la première version de l’album « L’Île au trésor » en 1980, lequel est épuisé aujourd’hui, puis en noir et blanc dans le n°3 de Bang !, en 2005). Toujours avec Milani, en 1967, on lui doit aussi « Le Avventura di Fanfulla » (« Fanfulla ») : encore un album français introuvable (aux Humanoïdes associés, en 1981) !

En 1967, Hugo Pratt rencontre aussi Florenzo Ivaldi, un fortuné bédéphile génois avec lequel il crée très vite la revue Sgt Kirk (en juillet), dirigée par le critique de cinéma Claudio Bertieri. (10) C’est dans ce mensuel que parait « Una ballata del mare salato », une longue saga où Corto Maltese, héros romantique à la Joseph Conrad, va devenir le protagoniste d’une longue série d’aventures (toutes disponibles en français aux éditions Casterman). On y découvrira aussi « Luck Star O’Hara » originellement publié en 1964 en Argentine (8 pages publiées en France dans Hop ! en 1976, dans Pilote en 1977, dans l’album « Simbad le marin » de Bédésup et dans un petit ouvrage éponyme paru chez Kesselring en 1988), ainsi que le début de « Gli Scorpioni del Deserto » (« Les Scorpions du désert », dont tous les épisodes sont disponibles chez Casterman), en 1969. Hélas, faute de bons chiffres de vente, la diffusion de la revue s’arrête après trente numéros et Hugo Pratt se retrouve sans travail.

En novembre 1969, par l’intermédiaire de Claude Moliterni alors rédacteur en chef de la revue Phénix qui avait fait découvrir le travail de Hugo Pratt au public francophone, il rencontre Georges Rieu, le rédacteur en chef du nouveau Pif Gadget. Ce dernier lui propose de le publier en France. Hugo Pratt accepte l’offre et vient s’installer à Paris, choisissant d’exploiter l’un des protagonistes de « La Ballade de la mer salée » : « Corto Maltese » (ce dernier fut publié dans l’hebdomadaire de 1970 à 1973) ! Malgré les réactions mitigées des jeunes lecteurs, le mythe est lancé et France-Soir, Phénix, Tintin, Le Matin de Paris…, et surtout les éditions Casterman avec, plus particulièrement les magazines (Á Suivre) et Corto, prendront la suite de Pif Gadget. Á partir de ce moment-là, l’œuvre de Hugo Pratt (lequel est alors, quelquefois, secondé graphiquement par Guido Fuga ou Raffaele Vianello) intéresse nombre d’éditeurs européens ; et l’Italie n’est pas en reste en publiant des inédits dans les revues Linus, Alter Alter, Comic Art, Corto Maltese et Il Grifo, dans l’hebdomadaire L’Europeo ou dans le quotidien La Repubblica.

A l’exception de quelques récits encore introuvables, tout ce qu’il produit désormais est pratiquement disponible, aujourd’hui, aux éditions Casterman : que ça soit « L’Uomo dei Caraibi » (« L’Homme des Caraïbes ») publié sous le titre « Sven » dans un petit album au format à l’italienne chez Kangourou (éditions Vaillant) en 1976, « L’Uomo del Sertao » (« La Macumba du gringo » ou « L’Homme du Sertão »), « L’Uomo della Somalia » (« Á l’ouest de l’Éden » ou « L’Homme de Somalie ») et « L’Uomo del grande nord » (« Jesuit Joe » ou « L’Homme du grand nord ») (11) originellement parus dans Pilote en 1977, en 1978 et en 1980, « Cato Zulu » (« Cato Zoulou ») de 1983 à 1988, « Koinsky raconte… deux ou trois choses que je sais d’eux » avec divers récits de guerre dont deux sont, en fait, des travaux de commande réalisés en 1991 et en 1992, « In un cielo lontano » (« Dans un ciel lointain »), « Saint-Exupéry : le dernier vol » en 1994, et « Morgan » en 1999, ou encore ses scénarios pour son confrère et compatriote Milo Manara (« Tutto ricomincio con un’estate indiana » alias « Un été indien » créé en 1983 et « El Gaucho » en 1991).

Les rares autres bandes dessinées qu’Hugo Pratt réalisa pendant cette période et qui ne sont pas ou plus disponibles aujourd’hui sont :

- « L’Assalto al forte » : huit pages publiées dans le Corriere dei Piccoli en 1970 et traduites sous les titres « L’Attaque du fort » dans l’album « Billy James » ou « Fort Détroit » dans « L’Univers de Pratt »),

- « George e Arabella » : 32 planches publiées en Italie dans Extra’s News, supplément d’un semestriel de mode parrainé par une chaîne de vêtements pour enfants, de 1987 à 1988, et dont seulement 8 pages (le deuxième épisode) ont été traduites dans « De l’autre côté de Corto »,

- « L’Histoire des hommes à six jambes » : bande inachevée de 4 planches en couleurs directes et de 3 planches en noir et blanc, publiées dans le BoDoï hors-série n°5 (en 2002) ; un document émouvant car il s’agit de ses derniers dessins, réalisés quelques jours avant sa mort.

En résumé, la société Cong (créée par Pratt) qui gère l’ensemble des droits de l’œuvre du créateur de « Corto Maltese » et leur principal partenaire francophone, les éditions Casterman, ont encore bien du pain sur la planche pour mettre, à la disposition des nouvelles générations, toute l’œuvre de ce maître incontesté du noir et blanc en bande dessinée : non seulement des bandes comme « Billy James », « Ticonderoga » et « Fanfulla » (ou même le très miltoncaniffien « Junglemen ») mériteraient d’être à nouveau exhumés, mais avec tous les récits complets qui ne sont plus disponibles ou qui n’ont jamais été traduits, que nous avons signalés dans cet article, il y aurait moyen de créer de nombreux nouveaux albums ! Des ouvrages qu’un historien spécialiste (évidemment, Dominique Petitfaux serait le mieux placé pour cela…) pourrait remettre habilement dans son contexte historique et éditorial, ceci afin d’initier les béotiens et de ravir les nombreux amateurs…

Gilles RATIER, avec Laurent TURPIN aux manettes

(1) Guglielmo (dit Mino) Milani, connu également sous les pseudonymes de Stelio Martelli, de Eugenio Ventura ou de Piero Selva, est un journaliste, écrivain et scénariste de bande dessinée italien né à Pavie, le 3 février 1928. Il débute au Corriere dei Piccoli en 1953 et y travaillera jusqu’en 1977 en collaborant avec les plus grands dessinateurs italiens (Hugo Pratt, Milo Manara, Mario Uggeri, Aldo Di Gennaro, Grazia Nidazio, Dino Battaglia, Sergio Toppi, Attilio Micheluzzi…), sur des récits souvent didactiques. Il assumera ensuite la direction du journal La Provincia Pavese avant de se consacrer à l’écriture : romans, transpositions d’œuvres cinématographiques et, surtout, essais et biographies historiques.

(2) Emilio Salgari (1862-1911), romancier très productif de la fin du XIXe siècle, est considéré comme le Jules Verne des Italiens. En France, même s’il est inconnu du grand public, les éditions Tallandier, Delagrave et Albin Michel, entre autres, le publièrent abondamment du seuil du XXe siècle aux années 1930 (voir : http://www.librairie-compagnie.fr/italie/auteurs/s/salgari.htm). Une partie de son œuvre est aujourd’hui à nouveau disponible grâce aux éditions Robert Laffont, qui, dans leur célèbre collection « Bouquins », ont publié un gros volume rassemblant quelques-unes de ses fictions (« Le Corsaire noir et autres romans exotiques » qui contient également « Les Mystères de la jungle », « La Reine des Caraïbes » et « Les Tigres de Mompracem »). Comme le signale Dominique Petitfaux dans CaseMate : « Sandokan justifie la destruction des bateaux des Occidentaux en les tenant pour responsables de la mort de sa famille. Ce sont précisément les mêmes arguments que ceux du capitaine Nemo dans « 20 000 lieues sous les mers. Pratt se sentant l’héritier de toute la littérature d’aventures, Salgari devait parfaitement lui convenir. » Enfin, comme on peut le constater dans la postface de « Sandokan » (due au spécialiste des fumettis et de la littérature populaire qu’est Claudio Gallo), la bande dessinée d’aventure italienne des années 1930 à 1950 est nettement d’inspiration Salgarienne ; et nombre de ses romans furent adaptés en bandes dessinées en étant illustrés par des grands noms du 9e art italien de cette époque (mais qui ne sont, hélas, connus en France que des spécialistes, et encore…) : tels Walter Molino, Franco Chiletto, Raffaele Paparella, Giorgio Scudellari, Nadir Quinto, Mario Uggeri, Giorgio Scudellari, Paul Piffarerio, Camillo Zuffi et même Dino Attanasio (pour ceux qui lisent l’italien voir : http://www.cartesio-episteme.net/var2/salgari/fumetti.htm). Quant au « Tigri di Mompracem », outre la version due à Hugo Pratt, il fut au moins également mis en cases par quatre autres auteurs italiens : en 1937 par Guido Moroni Celsi dans Topolino (traduit en France, dans Aventures, du 8 août 1939 au 2 mai 1940, sous le titre « La Conquête de Mompracem »), en 1947 par Rino Albertarelli (dans Salgari),

en 2008 par Sergio Toppi (dans Il Giornalino)

et en 2009 par Andrea Meneghin (adaptation d’Alessandro di Virgilio pour les éditions Nicola Pesce) ;

une étude comparative des quatre premières versions est parue dans le n°70 (mai 2009) de la passionnante revue italienne Fumetto.

(3) Il s’agit de « De l’autre côté de Corto » paru aux éditions Casterman en 1990 (complété et remis à jour en 1996, en attendant une nouvelle version où la bibliographie de Hugo Pratt sera quasi exhaustive) ; mais ce célèbre critique et historien de la bande dessinée, spécialiste de Pratt, de Saint-Ogan et de Gervy (entre autres), a également écrit un autre ouvrage tout aussi indispensable sur le père de « Corto Maltese » : « Hugo Pratt : le désir d’être inutile », aux éditions Robert Laffont (publié en 1991, puis en 1999 : édition définitive). Nous en profitons pour le remercier pour sa collaboration active et pour sa relecture attentive de cet article.

(4) Alfredo Castelli (né à Milan le 26 juin 1947) est l’un des grands scénaristes de bande dessinée italiens ; il est surtout connu pour avoir créé « Martin Mystère » (voir « Le Coin du patrimoine » que nous avons consacré à ce fumetti : http://bdzoom.com/spip.php?article3598), mais il est également un grand érudit du 9e art, incollable sur les origines de la bande dessinée américaine.

(5) En attendant d’hypothétiques rééditions de ces « péchés de jeunesse », on peut en avoir un aperçu sur l’excellent site www.archivespratt.net.

(6) Les deux tomes disponibles pour l’instant (et qui sont inédits en albums en France, même s’ils avaient été publiés dans la revue Rintintin de la Sagédition, entre 1975 et 1977) sont basés sur les rééditions italiennes. Espérons que les éditions Futuropolis ne se contenteront pas de ce matériel car la plupart des épisodes du western « Sgt. Kirk » parues dans les revues argentines Misterix et Hora Cero, après 1957, n’ont jamais été repris en Europe.

(7) La première traduction de « Ticonderoga » (texte modifié par l’éditeur) est parue, en 1959, dans le pocket Kwaï de la SFP, sous le titre « Les Aventures d’Alain Blainville » (cela correspond aux pages 21 à 102 de l’album paru aux Humanoïdes associés) ; et il s’agit de la première publication de Hugo Pratt en langue française !

(8) Certains historiens de la bande dessinée ont affirmé récemment qu’Hugo Pratt aurait participé, le temps d’un bref récit en 1953, à la série « Bull Rockett » (autre grand succès de Héctor Germán Oesterheld). Après diverses vérifications faites par les exégètes sur le sujet, il semblerait que le fait que Pratt soit crédité le soit à la suite d’une erreur de maquette : l’épisode en question ayant été dessiné par Paul Campani, le créateur graphique de la série, qui est d’ailleurs bien signalé sur la deuxième partie de cette histoire.

(9) Il existe aussi une édition pirate publiée par Tutazua Productions, en 1992 : « Le Retour d’Ulysse ».

(10) Á la même époque, Hugo Pratt dessine 17 belles planches muettes qui ont servi à situer l’ambiance d’un récit que Alberto Ongaro et Nino Vascon avaient imaginé pour une émission de télévision jamais réalisée : ces pages n’ont été publiées en France que dans l’album « Hugo Pratt 60 » aux éditions Glénat, en 1981.

(11) Le second épisode inachevé après 17 planches dessinées en 1984 (« Gesuita Joe » ou « Jesuit Joe 2 », publiée en Suisse dans La Marge, la revue promotionnelle des éditions Kesselring, en 1985, et en France dans le BoDoï hors-série Hugo Pratt de 2002) a enfin été repris dans la nouvelle édition de l’album « Jesuit Joe », chez Casterman, en 2008.

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7 réponses à « La Ballade du Pratt perdu »

  1. beboun7 dit :

    Trés bel article, merci.
    Une ommission me semble-t-il dans les travaux non publiés de hugo Pratt : « la conjuration du caniche d’or », réalisée pour la républica dans le cadre de la biennale de venise en 1982. 14p avec Corto, Raspoutine, Lauren Bacall et Humphrey Boggaert. Il existe une version pirate, édition Gaphpourt 100 exemplaires de janvier 2004.

  2. Anonyme dit :

    merci de me faire découvrir ce dessinateur que je ne connaissais pas.
    ……………
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