COMIC BOOK HEBDO n°85 (22/08/2009)

Comic Book Hebdo d’été : retour sur quelques albums sortis cette année et qu’il fait bon emporter à la plage. Cette semaine, WOLVERINE par BARRY WINDSOR-SMITH !

WOLVERINE : ARME X (Panini Comics, Best of Marvel)

Aahhhh, Barry Windsor-Smith… Il y a des noms, comme ça, qui évoquent tout à coup des souvenirs et des émotions très particulières… Windsor Smith fait indubitablement partie des dessinateurs qui ont marqué les esprit de manière durable, pour certains, indélébile. Il y a des Gene Colan, des Gil Kane, des Neal Adams, puis des Miller, des Sienkiewicz, qui ont marqué un tournant dans l’émotion graphique et esthétique du monde des super-héros. Parce que leur trait, leur style, leur manière d’exprimer l’histoire et les personnages semblaient résolument nouveaux, osant ce que les autres s’interdisaient, ou bien amenant d’un coup une grâce qui envoûte et agit comme une drogue. Certes, il ne suffit pas d’avoir un grand nom pour ne faire que des chefs-d’œuvre, la critique s’ébaubissant sans neurones, mais certains auteurs ont su rester impeccablement au niveau de nos espérances, à la hauteur de leur génie. Barry Windsor-Smith s’inscrit exactement dans tout ce que je viens d’écrire. Il a apporté à l’esthétique des comics une grâce, une souplesse, une volupté de trait quasiment hypnotique qui semblait surpasser de loin tout ce qu’on avait l’habitude de voir… À l’intérieur de formes suaves et puissantes s’inscrivaient de somptueuses zones de hachures en points, ou de points s’étirant en hachures, Windsor-Smith élaborant sans cesse une nuance et une complémentarité entre ces deux techniques. Il en ressort une sensation de quasi perfection. Exemple probant avec Conan : par Buscema, c’est classe, y a pas à dire… mais Les Clous rouges, quand même, ça a été quelque chose… En 1991, ce dessinateur magnifique se pencha sur le cas de Wolverine. Et il ne le fit pas à moitié. Le résultat fut Weapon X, devenu un véritable classique moderne. « Une œuvre d’art », dit Larry Hama dans sa vibrante introduction qui fait plaisir à lire. Et il a raison, le bougre…

Tout fan de Wolverine se doit d’avoir lu au moins une fois dans sa vie Weapon X. Windsor-Smith a en effet voulu explorer la zone la plus sombre, cachée, énigmatique et emblématique de ce personnage : la fameuse expérience « scientifique » qui a transformé Logan en Wolverine, lui lavant le cerveau et remplaçant ses os par un squelette en adamantium, griffes comprises, faisant de lui le p’tit gars sympa qu’on connaît. Un épisode de la vie de Logan si important et primordial qu’il n’en finit plus d’alimenter les fantasmes depuis des décennies, maintenant… Un épisode clef, source inépuisable de possibilités pour les scénaristes, et justement… Avec Weapon X, Windsor-Smith a eu une intention aussi limpide qu’extrême quant à ce propos : non pas élaborer un récit qui tournerait autour de lui-même pour privilégier l’intrigue et l’action au détriment de la réalité du sujet à traiter (ne devenant alors plus que l’élément fondateur et non le vrai personnage de l’histoire), mais plutôt d’aborder ce récit de la manière la plus abrupte, concrète, réaliste qui soit : de manière chirurgicale. Windsor-Smith dissèque chaque stade de l’expérience en prenant le temps de montrer tout ce que subit Logan. La temporalité, le déroulement même de l’action, se fait dans la continuité de l’expérience. Le suspense est scientifique, l’angoisse métabolique, et seul le mental des « expérimentateurs » fait balancer l’autopsie graphique dans l’histoire globale. Et si nous nous sentons plus observateurs que voyeurs, c’est grâce au merveilleux talent de scénariste et de narrateur de Windsor-Smith, jouant différents niveaux de narration. C’est magnifique. Oui, Barry Windsor-Smith est un artiste complet, un véritable auteur. Dans son introduction, Larry Hama parle des fugues de Bach, du rôle des récitatifs qui scandent le rythme du récit par l’articulation d’une sorte de conscience commentant l’action, ou bien donnant aux dialogues un relief tout particulier par un effet de « hors champ » mental complétant l’image avec une redoutable acuité, mettant en exergue ce qui ne peut être exprimé par le pictural. Comme le dit aussi Larry Hama, Weapon X est une œuvre entière, celle d’un seul homme ; pour les crayonnés, l’encrage, les dialogues, le scénario, les couleurs… Un sujet aussi implacable demandait pour arriver au summum une implication totale de l’auteur, et Windsor-Smith a plongé corps et âme dans le projet, le réalisant de bout en bout avec un talent et une cohérence remarquables. On pourrait écrire des pages et des pages, sur cette œuvre, sur cet artiste… Mais la meilleure des choses à faire pour vous, là, c’est bien de vous procurer cet album et de vous y plonger entièrement, sans concession, corps et âme, afin d’explorer les méandres les plus obscurs de l’humain, d’en tirer la connaissance et la résultante, et de refermer l’album en se sentant un peu plus fort, debout face à l’adversité. Merci Barry.

Cecil McKINLEY

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