PLUS DE LECTURES BD DU 22 JUIN 2009

Notre sélection de la semaine : ? La Mémoire dans les poches T.2 ? par Etienne Le Roux et Luc Brunschwig, ? Le Plus mauvais groupe du monde ? par José Carlos Fernandes et ? L’Encre du passé ? par Maël et Antoine Bauza.

- ? La Mémoire dans les poches T.2 ? par Etienne Le Roux et Luc Brunschwig – Editions Futuropolis (16 Euros)

Trois ans après la parution d’un premier tome chaleureux et poignant, en voici enfin la non moins excellente suite qui fait énormément penser à la fraîcheur des films de Lubitch ou de Capra, cinéastes qui savaient, eux aussi, parfaitement allier élégance, cruauté et humour ! Le protagoniste de ce formidable conte contemporain (doublé d’un véritable polar social et politique), Sidoine Letignal, est un petit vieux qui disparaît en abandonnant sa famille et ne lui donnant plus aucune nouvelle ; et il emporte avec lui l’enfant d’une jeune maghrébine sans papiers que la police française a reconduit à la frontière. Son fils finit par apprendre qu’il a été soigné par un neurologue (Sidoine sort régulièrement, de sa poche, des bouts de papiers qui l’aident à se souvenir : d’où le titre de l’histoire)…, en Algérie ! Dans notre chronique sur le premier tome, nous avions déjà écrit qu’« Il y a certaines bandes dessinées, à la fois belles et cruelles, qui vous laissent un sentiment de bien-être, après nous avoir pourtant asséné, tour à tour, de l’amour et une certaine violence au fil des pages. « La mémoire dans les poches » est de celles-là ! » Eh bien, nous n’avons absolument pas changé d’avis : l’efficacité du récit brillant et humaniste de Luc Brunschwig n’ayant rien à envier à la finesse du dessin et la douceur des couleurs d’Etienne Le Roux (et vice et versa !). Espérons simplement que nous ne devrons pas attendre trois ans de plus pour savourer le troisième et ultime opus !

- ? Le Plus mauvais groupe du monde ? par José Carlos Fernandes – Editions Cambourakis (19 Euros)

Voilà un étonnant bouquin de 140 pages qui nous permet de découvrir l’une des références majeure du 9ème art portugais : un auteur pourtant complètement inconnu dans nos contrées ! Cependant, cet auteur prolifique (il aurait déjà signé pas moins de 2000 planches parues dans des revues ou en albums) a su, depuis 1989, imposer son humour et son ironie en critiquant de façon décalée les effets pervers de notre société de consommation, du rationalisme et du scientisme. On retrouve tout cela dans « A Pior Banda do Mundo » paru, depuis 2002, dans son pays d’origine, sous la forme de six volumes. Avec pas moins d’une idée par page pour alimenter un autre livre du même acabit, José Carlos Fernandes nous assène des récits indépendants (la plupart d’entre eux ont été adaptés au théâtre, ce qui n’a rien d’étonnant vu la structure et l’originalité de la narration) peuplé de personnages désabusés (ou, au contraire, hauts en couleurs) dont les destins se croisent régulièrement, pages après pages. L’ouvrage s’ouvre sur l’histoire de quatre vieux copains qui se retrouvent dans une cave pour les répétitions de leur jazz-band : mais ils souffrent d’une absence totale de sens musical, et ceci malgré des années de pratique, continuant à ne pas s’apercevoir qu’ils ne jouent pas forcément tous le même morceau ! On pourrait aussi citer ce compilateur de coïncidences, cet auteur d’un annuaire odontologique, cet activiste de la Fondation pour le recul de la science, ce directeur du musée de l’accessoire ou encore cet insignifiant secrétaire général du Parti impopulaire idiosyncrasique : ce dernier passe son temps, après avoir revendiqué (sur la place publique) ses positions qui lui valent des attaques de tous bords, à dissuader les imbéciles qui voudraient prendre la carte de son parti ! Et il dégage de ce remarquable opus une sorte de poésie vraiment drôle, fort bien mise en cases par un dessin aussi anguleux que subtil et aussi sobre qu’élégant !

- ? L’Encre du passé ? par Maël et Antoine Bauza – Editions Dupuis (15,50 Euros)

Cette histoire initiatique et philosophique d’un calligraphe errant dans le Japon médiéval surprend par la justesse de ton employé par le conteur Antoine Bauza, lequel est, manifestement, très imprégné par la culture et la sagesse asiatique, et par celle du trait incisif de Maël (alias Martin Leclerc), ici adouci et mis en valeur par une habile couleur directe. Á la recherche de l’inspiration, le samouraï artiste rencontre, dans un petit village, une espiègle gamine qui lui révèle ses dons innés pour le dessin et la peinture. Il conduit alors la petite fille à Edo, la grande cité voisine, afin qu’elle effectue son apprentissage de peintre auprès d’un maître des pinceaux de ses amis. Quelques années plus tard, alors qu’elle est devenue une artiste reconnue comme telle, la jeune femme va retrouver celui qui a su initier son souffle créatif lors d’un évènement dramatique… Une belle réflexion intimiste sur les arts et la création, ainsi que sur les doutes que peuvent connaître ceux qui pratiquent, le tout baignant dans une sorte d’harmonie graphique et narrative, entre pudeur et élégance… Bref, un bel album totalement zen !

Gilles RATIER

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