Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Grand spécialiste de science-fiction et amateur de bandes dessinées, l’éditeur et écrivain Jacques Sadoul s’est éteint à l’âge de 78 ans
Jacques Sadoul, né en 1934 à Agen, est mort, vendredi, à l’âge de 78 ans, a-t-on appris auprès des éditions Bragelonne qui avaient publié, en 2006, ses passionnantes mémoires de 50 ans d’édition : « C’est dans la poche ! : mémoires ». Son travail sur les anthologies de science-fiction, notamment son « Histoire de la science-fiction moderne » (chez Librio), fait toujours référence pour les amateurs du genre. Mais cet amoureux de la littérature populaire américaine (polars, SF, fantastique ou érotique) a aussi contribué à la popularisation du 9e art auprès d’un public cultivé et des esthètes.
On lui doit, peut-être aussi, l’origine du mot bulle qui remplace encore souvent, dans le langage courant, l’appellation phylactère. En effet, en 1968, alors qu’il cherchait, avec l’éditeur Jean-Jacques Pauvert, un titre évoquant un ballon, la forme du phylactère, pour son ouvrage à paraître sur la bande dessinée érotique (le premier du genre), il s’écria : « Ça évoque aussi une bulle ! ». Et c’est ainsi que ce livre s’appela « L’Enfer des bulles » (l’enfer étant une référence aux rayons de la Bibliothèque Nationale qui regroupait, à l’époque, tous les livres à ne pas mettre entre toutes les mains) ! Dans le même genre, on lui doit aussi « Les Filles de papier » (publié chez Elvifrance, en 1971), « Panorama de la bande dessinée » (chez J’ai Lu, en 1976), « 93 ans de BD » (J’ai Lu, 1989) et « L’Enfer des bulles : 20 ans après » (chez Albin Michel, en 1990) : des ouvrages simples, bien écrits et très illustrés, qui ont permis la reconnaissance du medium auprès d’une certaine élite et qui sont à associer aux écrits d’autres disparus comme Claude Moliterni, Francis Lacassin ou Pierre Couperie.
Jacques Sadoul a commencé sa carrière littéraire au sein des éditions Opta, y créant le Club du livre d’anticipation (en 1966), suivi par la collection Galaxie-bis (en 1967), où il publia les premières illustrations de Moebius, de Philippe Druillet, de Philippe Caza, d’Enki Bilal ou de Claude Auclair, entre autres. En 1968, il prend en charge la collection Science-Fiction de J’ai Lu, dont les publications ont contribué à donner ses lettres de noblesse au genre SF. Il avait également créé, en 1972, le prix Apollo qui récompensera les meilleurs romans de science-fiction publiés en France, jusqu’en 1990. Dès 1982, il prend la tête de J’ai Lu, en tant que directeur éditorial, et participe à la définition des codes de l’édition au format poche. Il publie alors de nombreuses histoires sous forme de « pulps » (publications bon marché) qu’il partage dans la collection Meilleurs récits. En développant aussi le genre fantastique, il obtint, notamment avec les traductions des romans de Stephen King, des résultats éditoriaux retentissants.
Jacques Sadoul a aussi été l’un des premiers à s’intéresser à la bande dessinée au format poche et aux mangas en lançant, à la fin des années 1980, la collection J’ai Lu – BD. Il fut, également, le principal artisan du rachat de Fluide Glacial par Flammarion et le créateur de la collection et label Librio.
Cet éditeur inventif écrivait aussi de la science-fiction, du fantastique et des polars. Il a été notamment lauréat du Grand prix de littérature policière pour « Trois morts au soleil », en 1986 : une enquête de l’agent de la CIA Carol Evans, l’une des premières héroïnes lesbiennes du roman policier et, certainement, sa série la plus connue, puisqu’elle fut commencée en 1981 et achevée en 2006.
Ses nombreux romans, parus chez Albin-Michel, Flammarion ou Belfond, sont hélas aujourd’hui tous épuisés. Son dernier roman, « Le Miroir de Drusilla » a été publié aux éditions Black Coat Press, en 2011.
Jacques Sadoul était « l’un des grands éditeurs du 20e siècle qui a contribué d’une façon irremplaçable à la notoriété des genres populaires tels que la science-fiction, la romance, le manga, les adaptations de films et de séries télévisées« , soulignent les éditions Bragelonne dans leur communiqué.
Ping : Jacques Sadoul passed away
Cher Gilles,
Saluons tout d’abord ce grand monsieur que j’ai eu l’occasion de rencontrer à diverses reprises, au seuil des années 80, lorsque je travaillais avec Stan Barets à « Temps Futurs ». Il faut se rappeler qu’à l’époque la bande dessinée et la science-fiction étaient intimement liées et participaient à une joyeuse forme de « contre-culture ». Les choses ont un petit peu changé depuis.
Mes pensées vont à ses proches. Je garde en tête l’une des photos de son livre de souvenirs « C’est dans la poche ! » On y voit Jacques Sadoul, à Roques, dans une ancienne étable, qui appartenait à son père, reconvertie en bibliothèque. Commentaire de l’auteur : « J’estime avoir encore de quoi lire dix ans après ma mort. » Bonne lecture, donc !
Un petit rectificatif, cependant. Contrairement à la légende, ce n’est pas Jacques Sadoul qui est à l’origine du mot « bulles », mais, peut-être, Serge Gainsbourg (cela fait des années que je me promets d’écrire sur le sujet, sur le fandom, les premiers clubs, tout ça, mais bon le temps passe si vite !) Rappelons que Serge Gainsbourg tisse très tôt des liens avec la bande dessinée et ses auteurs. Dès 1965, il travaille ainsi avec Jean-Claude Forest et André Ruellan, écrivain de S-F sous le nom de Kurt Steiner, au Fleuve Noir — que connaissait bien Sadoul —, sur Marie-Mathématique. Pour en savoir plus, je renvoie à l’excellent article de l’érudit Benoît Mouchart sur :http://www.tetedechou.com/biographie-de-serge-gainsbourg/gainsbourg-bedephile-.html
La bise et l’amitié, comme tu dis si bien.
Patrick
Merci mon cher Patrick !
Je ne faisais que citer le regretté Jacques Sadoul, lui-même, avec un passage de ses mémoires « C’est dans la poche ! » où il racontait cette anecdote ! Mais je fais entièrement confiance à ta sagacité d’historien, c’est certainement toi qui a raison !
La bise et l’amitié
Gilles
Jacques Sadoul était pour moi un nom. Un nom que j’avais découvert dans les années 70, alors que je lisais de la SF. C’est sur ses conseils (litteraires) que j’ai lu mes meilleurs romans de SF.
Aussi je m’associe à votre article pour rendre hommage à ce grand monsieur.
Jacques
Une question dont je ne trouve la réponse nulle part : y-a-t-il un rapport en tre Jacques et Numa Sadoul, autre grand passionné de BD ?
Non, aucun à ma connaissance.
Je crois avoir posé la question à Numa, la dernière fois que nous nous étions vus à Angoulême, en 2011.
Ni même avec Georges Sadoul, historien du cinéma… et grand pourfendeur du « comic strip » américain.
Bien cordialement,
Patrick Gaumer
Un grand merci à vous !
X. Cordebois
Une pointure !
Ouaip !
Il a façonné la culture SF de pas mal de jeunes gens, dont je fais partie, grâce à son implication dans la vulgarisation en France de cette « tendance » littéraire.
Un grand merci à lui.
;o)
Merde, Sadoul est mort.
Une info supplémentaire à son sujet: il a succédé à Lacassin comme président de la commission BD du CNL ( commission créée par Lacassin qui avait choisi lui-même son successeur ). Sadoul a donc été le second président. Avec Fromental, Robial et Serge Clerc, nous étions membres de cette première commission, choisis aussi par Lacassin.
La bise
José-Louis Bocquet
Une grande perte pour les mondes imaginaires. Son travail restera!
Grâce à lui, j’ai découvert la SF, Van Vogt, Dick, Farmer, Sturgeon, Vance… Avec Goimard et Klein, ils nous ont offert un univers !
Ping : News Review: January 2013 « Comics Forum