Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...« Paracuellos » de Carlos Gimenez
Les éditions Fluide Glacial/AUDIE nous permettent enfin de redécouvrir, dans son intégralité, l’un des chefs-d’?uvre de la bande dessinée ibérique : « Paracuellos » de Carlos Gimenez, une série qui nous décrit le quotidien d’enfants dans un orphelinat de l’Espagne franquiste.
Ce récit poignant, d’inspiration autobiographique, a commencé à être dessiné en 1976 et sera publié dès 1977 dans la revue espagnole Muchas Gracias, puis dans le Comix International des éditions Toutain. Pour témoigner des brimades et des sévices que subissaient ces enfants soumis à une éducation fondée sur la religion et l’instruction militaire, le dessinateur s’est surtout basé sur sa propre expérience (puisqu’il a passé une grande partie de son enfance à l’Auxilio Social, l’un de ces centres d’accueil de l’institution phalangiste), ce qui ne l’empêche pas d’employer un trait semi-humoristique aussi décalé qu’émouvant.
Bien entendu, l’intégrale mise en place aujourd’hui en librairie reprend les deux albums déjà parus chez AUDIE (la maison d’édition de Fluide Glacial) en 1980 et 1981 : 90 pages, découpées en 28 épisodes, qui étaient introuvables depuis belle lurette. Mais ce n’est pas tout car, cerise sur le gâteau, ce pavé propose aussi quatre autres tomes, pratiquement tous inédits, de ce témoignage à la fois violent et plein de retenue : 26 épisodes, soit un total de 192 pages, qui n’étaient parus, à quelques exceptions près, qu’en langue espagnole (chez Glénat Espagne) entre 1999 et 2003, soit vingt ans après la création de la série. A noter que la première partie de cette œuvre admirable, où le noir et blanc accentue les silences et les moments de poésie dessinée, fut récompensée par l’Alfred du Meilleur album, à Angoulême en 1981, alors que la deuxième partie a déjà été honorée par de nombreux prix en Espagne.
Pourtant, lorsque parait pour la première fois « Paracuellos » en France, dans le n°32 du mensuel Fluide Glacial en février 1979, l’Espagnol Carlos Gimenez Paracuellos ».’> Né le 16 mars 1941, Carlos Gimenez travaille dès l’âge de 15 ans dans un atelier de restauration de céramique, mais il veut déjà devenir dessinateur de bandes dessinées : cette littérature populaire qui l’a aidé à supporter ses années d’orphelinat comme il le raconte dans « Paracuellos ».] n’est connu des lecteurs francophones que grâce à ses séries de science-fiction pour les jeunes ; et particulièrement grâce à « Dani Futuro », publié dans Tintin de février 1971 à mars 1976. Les aventures de ce ressuscité du passé (le corps du fils d’un savant du XXe siècle est pris dans les glaces et est ramené à la vie deux cents ans plus tard) avaient été créées pour un almanach de la revue ibérique Gaceta Junior (en 1969), sous l’appellation de « Daniel Blanco » ; elles étaient agréablement mises en images, dans un style réaliste lorgnant vers l’Art nouveau style Mucha ou sur les pictogrammes pop et psychédéliques en vogue en cette fin des années 1970, et les scénarios de Victor Mora (considérablement réaménagés et adaptés, pour la version française, par Greg, le rédacteur en chef de l’époque) étaient très distrayants.
Le tout mériterait d’ailleurs une réédition dans la collection « Les Trésors du journal Tintin », d’autant plus que Le Lombard (qui en a édité sept albums entre 1974 et 1983) doit toujours en détenir les droits car l’éditeur espagnol d’origine, alors en faillite, avait revendu la série pour rembourser ses dettes (sans consulter les auteurs ce qui déboucha sur un long différend juridique) à l’hebdomadaire bruxellois. Voilà qui explique pourquoi ce dernier fut le seul à proposer, par la suite, des histoires inédites, alors que la publication de « Dani Futuro » était suspendue en Espagne depuis 1970.
En attendant que les problèmes qui étaient en train de se greffer autour des droits de « Dani Futuro » se règlent, Carlos Gimenez renouvele sa collaboration avec Victor Mora (alias Eùgenio Roca), toujours au sein des éditions du Lombard, avec « Ray 25 » : un épisode d’anticipation débridée de quarante-cinq planches, réalisées spécialement pour Tintin en 1971 et traduites seulement deux ans plus tard en Espagne, chez Bruguera.
En 1975, Tintin traduira aussi « Le Cas étrange de monsieur Valdemar » : six superbes planches prévues pour la revue Trinca (en 1971) mais qui n’y fut jamais publiée pour des problèmes de censure et où Carlos Gimenez amorçait déjà une métamorphose, dans son graphisme et ses propos, en adaptant une nouvelle d’Edgar Allan Poe
Cependant, les plus curieux et les plus documentés des lecteurs francophones avaient quand même pu repérer le trait remarquable de ce dessinateur prolifique dans certains magazines en petits formats qui traduisaient (de façon souvent approximative et sans créditer les auteurs) quelques-unes des milliers de pages que Carlos Gimenez avait déjà pu noircir pour la presse européenne :
- les séries policières « Las Aventuras del F.B.I. » et « Drake y Drake » où il officiait en tant qu’assistant du dessinateur Manuel Lopez Blanco, lequel dirigeait les éditions Ibergraf. La première date de 1959 et paru partiellement dans le pocket français Les Trackers des éditions Impéria entre 1969 et 1971. La seconde, scénarisée par José Mallorquí en 1961, est la première bande dessinée où on lui donne l’occasion de faire vraiment ses preuves (outre quelques pages didactiques publiés sous le générique de « Curiosidas » pour Ibergraf en 1960 ou deux histoires de guerre écrites par Jarber et quelques récits sentimentaux pour les éditions Maga entre 1961 et 1962) : un épisode fut traduit en français dans Maxi, l’un des rares grands formats édités par Impéria (en 1971).
- les westerns réalistes « Buck John » (dessiné de 1962 à 1963 pour l’agence de José Gallardo à destination de l’Angleterre et proposé en France dans le mensuel éponyme des éditions Impéria entre 1963 et 1964) et « Gringo » (scénarios de Manuel Medina). Cette dernière série, première vraie création de Carlos Gimenez et pour laquelle il ne toucha jamais aucun droit, fut publiée, de 1963 à 1967, dans plus de vingt pays ; ceci parce qu’elle était destinée à l’export (en France, par exemple, on la retrouve de façon anarchique dans les fascicules d’Edi Europ alias la SEPP entre 1964 et 1969 et dans le pocket Totem des éditions Aventures & voyages entre 1970 et 1980), pour le compte de l’agence Selecciones Ilustradas de Barcelone, le studio dirigé par José Toutain El Principe de Rodas ».’>Juste avant d’entrer à l’agence Selecciones Ilustradas, Carlos Gimenez a également aidé son compatriote et collègue Esteban Maroto, au style assez proche du sien, du moins à l’époque, sur « El Principe de Rodas ».] : un cadre qui lui inspirera la suite de ses souvenirs personnels mis en bandes dessinées pour « Les Professionnels » (récits publiés en Espagne dans Comix Internacional ou dans Rambla et en France dans Fluide Glacial à partir de 1982).
- la série exotique « Alex, Khan y Khamar » (scénarios de Manuel Yáñez pour l’agence de José Ortega) : cette bande, parfois baptisée « Roy Tiger », était destinée au marché allemand et sa création (en 1967) a nécessité la création d’« El grupo de La Floresta », où il travaillait collectivement avec ses compères Adolfo Usero, Esteban Maroto, Luís García et Suso Peña. En France, la série est publiée sous le nom de « Teddy » dans les pockets Bengali et Safari des éditions Aventures & voyages, au cours des années 1970.
– les dix premiers épisodes de la série de science-fiction « Delta 99 » (sur une idée de José Toutain et un scénario de Jesús Flores Thies, puis de Victor Mora) qui ont également été créés (en 1968) au sein d’«El grupo de La Floresta» pour l’agence Selecciones Ilustradas et que l’on pouvait lire en France dans Vick, un autre petit format des éditions Aventures & voyages, de 1973 à 1974.
– les diverses créations humoristiques conçues pour le marché allemand, chez Ortega, avec ses amis dessinateurs : tels l’amusant western « Tom Berry » (scénarios de Manuel Yáñez, en 1968) qui fut publié en français dans Flon Flon en 1970 et dans un autre pocket portant son nom (de 1971 à 1977), le tout aux éditions Jeunesse et Vacances, ou encore la série de science-fiction comique « Kiko 2000 » (écrite par Manuel Yáñez mais dont Carlos Gimenez n’aurait dessiné, en fait, que deux pages et de nombreuses couvertures) traduite sous le nom de « Glop » dans son propre titre puis dans Mick Muff chez Arédit (de 1971 à 1974), sans oublier « Copo Loco y Cómputo » (en 1969), « Sperling » réalisé pour la revue Bang ! (en 1970)…
– de l’espionnage parodique avec « Tequila Bang ! » (dessiné avec Alfonso Font et Alfonso Usero sur des scénarios de Victor Mora) en 1978 et dont les premiers épisodes ont été traduits en France (en 1980) dans le magazine Virus des éditions du Fromage, lesquelles publiaient aussi L’Écho des savanes.
- des récits policiers et fantastiques (« Dossiers mystère »), toujours en 1978 et avec Alfonso Font et Alfonso Usero (sous le pseudonyme collectif de Premia) mais sur des scénarios de Bertrand Solet, dans l’hebdomadaire français Pif Gadget où Carlos Gimenez adaptera également (avec Victor Mora), un an plus tard, un roman de Robert Merle : « Un animal doué de raison » (encore quarante et une planches magnifiques qui mériteraient d’être exhumées) » (avec Luis Garcia et Adolfo Usero) pour Bardon Art en 1977, tout en illustrant, à la même époque, une encyclopédie pour la jeunesse.
‘>Ce n’était pas la première fois que Carlos Gimenez adaptait des classiques de la littérature puisque, entre 1972 et 1973, il dessina aussi une version érotique d’« Ulysse » pour le magazine allemand Pip et « L’Île au trésor » (avec Luis Garcia et Adolfo Usero) pour Bardon Art en 1977, tout en illustrant, à la même époque, une encyclopédie pour la jeunesse.
]…
Cette profusion de travaux épars, mais non négligeables, lui ayant permis un solide apprentissage, il n’est pas exagéré d’avancer que l’« auteur » Carlos Gimenez trouve ses marques et arrive à maturité à partir du moment où il s’attaque à son autobiographie (l’une des premières du genre en bandes dessinées) qu’il démarre avec « Paracuellos » et qu’il poursuivra avec « Barrio » (en 1978) dans le journal El Papus, puis dans « Los Profesionales » (en 1982) : changeant ainsi carrément de registre ! Ces récits novateurs, où il nous conte successivement son adolescence, ses premiers émois, et ses débuts professionnels, seront tous traduits en français dans Fluide Glacial (de 1979 à 1987), puis repris en albums chez AUDIE.
Cette évolution se retrouve également dans les autres productions du Carlos Gimenez de la même époque, lequel met au point (en 1976) un style encore plus humoristique en parodiant les premières années de la démocratie dans son pays natal, sur des pages publiées dans El Papus : et dont un seul recueil sur les trois parus en Espagne sera proposé, bien plus tard (en 1991) au public français, sous le titre « Coco, fachos and c° », aux éditions Soleil C’est aussi à ce moment-là que ses récits futuristes (un genre qu’il affectionne particulièrement et qu’il poursuit donc parallèlement) se feront plus sombres et plus complexes : « Hom » d’après Brian Aldiss (créée en 1975, l’histoire sera publiée en Espagne en 1977 et, en France, dans le magazine Ère Comprimée en 1980, puis reprise en album aux éditions Campus en 1982), « Koolau le lépreux » d’après Jack London (publié en 1979 dans Totem et, en France, dans L’Écho des savanes et en album aux éditions du Fromage : cet ouvrage remarquable est aujourd’hui disponible, en France, aux éditions Mosquito, depuis 2004), « Il était une fois dans l’avenir » (courts récits réalisés en 1980 pour la revue 1984 des éditions Toutain et traduits, en France, dans L’Écho des savanes, puis compilés en album sous les titres « Les Bourreaux » aux éditions du Fromage et « Il était une fois le futur » chez Mosquito)…
Il faut aussi citer de nombreuses autres courtes histoires fantastiques conçues pour les magazines Comix International, Cimoc ou Madriz (et traduites dans Scop Magazine en 1976, Métal Hurlant en 1978, Ère Comprimée en 1983 ou Spécial USA en 1984 et 1985), des bandes historiques (« Bandolero » pour Tótem en 1987 -album Dargaud 1989 en France- et, plus récemment, en 2004, le scénario du « Capitaine Alatriste » dessiné par Joan Mundet et traduit au Seuil en 2008) ou volontairement plus coquines, érotiques et cyniques dans Virus en 1980, Charlie Mensuel en 1984, Circus en 1986 et en 1988, Pilote & Charlie en 1988, et surtout dans Fluide Glacial dès 1989 (« Flanagan », puis « Amor, Amor !! », « Amour toujours », « Aux risques de l’amour » et « Contes de l’an 2000 et quelque », récits publiés simultanément en Espagne dans Tótem El Comix).
On s’aperçoit donc qu’avant de reprendre « Paracuellos » dans son pays d’origine (il commence à travailler sur cette reprise en 1997 et, en fait, Fluide Glacial en a publié, en avant-première, quelques épisodes dans ses n°260 de février 1998 à 271 de janvier 1999) et de travailler épisodiquement comme story-boarder pour le cinéma avec Guillermo Del Toro et Pedro Almodovar, Carlos Gimenez a beaucoup publié en France, pays pour lequel il travailla directement en participant à Pilote (dès 1981, en illustrant l’un des récits de « Paris sera toujours Paris ? » de Pierre Christin), au Vaisseau d’argent, l’aventure éditoriale de Christian Godard (« Une enfance éternelle », avec la participation de l’une des héroïnes du « Vagabond des limbes », en 1990) et à l’album « Toxico, Sida & co » aux éditions Isoëte (trois pages inédites en 1994)…
Enfin, puisque nous venons d’évoquer sa longue carrière, sachez que nous sommes ravis d’apprendre que Carlos Gimenez, un homme très important pour le 9e art puisqu’il s’est souvent battu pour la reconnaissance des droits des auteurs, sera des nôtres, cette année, à Angoulême : à l’occasion du lancement de ce superbe ouvrage autobiographique de 300 pages où il a su donner le meilleur de lui-même…
Gilles RATIER our écrire cet article, Gilles Ratier s’est appuyé sur sa documentation personnelle, mais aussi sur de nombreuses infos collectées avant lui par Patrick Gaumer, Dominik Vallet, Marc-André Dumonteil et Louis Cance (particulièrement dans le n°109 de Hop! ), ainsi que sur le site espagnol : http://www.carlosgimenez.com.
]], avec Laurent TURPIN aux manettes.
Estupendo articulo sobre Carlos Gimenez por los muy potentes periodistas del Tebeo que son el Gilles Ratier y el Laurent Turpin, bravo ! y ademas este dibujante es de lo mas importante que sea en nuestro pequeño mundo del Comic, gracias pour ese trabajo Hombres ! el José Jover.
Vous écrivez : « et qu’il poursuivra avec « Barrio » (en 1978) dans le journal El Papus, puis dans « Los Profesionales » (en 1982) : changeant ainsi carrément de registre ! Ces récits novateurs, où il nous conte successivement son adolescence, ses premiers émois, et ses débuts professionnels, seront tous traduits en français dans Fluide Glacial (de 1979 à 1987), puis repris en albums chez AUDIE. »
Mais si je m’en réfère à bdoubliees.com, à ma collection de Fluide Glacial et au site http://www.edicionesglenat.es (qui publie ses oeuvres en Espagne), 44 planches de Barrio ont été publiées dans Fluide alors que 4 albums (dont un double) totalisant environ 230 planches sont disponibles en Espagne. L’intégrale à paraître chez AUDIE devrait nous apporter beaucoup d’inédits ! D’accord sur le fait que l’intégralité de Los Profesionales a bien été publiée en albums en France.
C’est tout simplement parce que nous avions omis de préciser que Gimenez reprendra » Barrio » en 2005 pour un » Barrio 2 » : prolongation thématique, qui n’est pas vraiment une suite, en trois albums (qui seront regroupés dans l’intégrale Fluide Glacial/AUDIE à paraître à la fin du mois de janvier) et qui était jusqu’alors complètement inédits en français !
Cordialement
Gilles Ratier