Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...« DMZ » T3 et T4 par Riccardo Burchielli et Brian Wood
Si vous n’avez jamais lu « DMZ », ne loupez surtout pas sa présente réédition, car vous passeriez – à mon humble avis – à côté de l’un des meilleurs comics jamais réalisés. Une œuvre unique, courageuse, lucide, incroyable. Un summum. Comme d’habitude, je ne chroniquerai que les volumes de la refonte et non ceux de la continuité, mais sachez que le T11 est aussi paru.
À l’occasion de la suite de sa réédition chez Urban Comics (qui constituera aussi sa première édition intégrale en VF), je relis « DMZ », une œuvre que j’adore et que je connais bien, d’où une petite appréhension d’érosion en m’y replongeant une nouvelle fois… Mais rien n’y fait : j’ai à nouveau tourné les pages avec engouement, impatient de lire chaque événement du récit, pris par la force du propos. Du fameux « carré d’as » Vertigo, « DMZ » reste plus que jamais ma série préférée, se situant un cran au-dessus des autres. J’irai même plus loin en disant que « DMZ » vole bien au-dessus du lot commun des comics, plus haut que d’innombrables bandes dessinées venues de tous pays, grâce à son identité unique. Un cran au-dessus.
Le traumatisme du 11 septembre 2001 a profondément marqué le monde des comics, je vous en ai déjà parlé maintes fois ici même. Parmi toutes les œuvres post-nine eleven, « DMZ » tient une place à part : pour moi, la plus haute. Entre le sublime « Ex Machina » et le récent et controversé « Terreur sainte » de Frank Miller (que je chroniquerai la semaine prochaine), toutes les optiques se sont exprimées selon le ressenti des auteurs face à cet événement. Mais « DMZ » va plus loin que les autres comics, peut-être parce qu’il se situe tout simplement à un autre niveau d’intention que les autres. Rarement un comic aura voulu secouer ainsi les neurones politiques des lecteurs. Rarement un comic aura su tendre des liens entre réalité et fiction avec ce recul permettant de questionner le réel avec d’autant plus de force. « DMZ » n’est pas une réponse au 11/09. Ni une réflexion sur le 11/09. Pas plus qu’une métaphore ou une parabole du 11/09. Ça va bien plus loin que ça. Contrairement à tous les autres auteurs qui ont brodé sur le sujet, Brian Wood n’a pas traité le sujet de manière frontale ou allégorique mais en a tiré le sens premier pour établir une réflexion sur ce que sous-entend la globalité du contexte politique contemporain, celui des États-Unis en premier lieu, celui de la politique de George Bush en première ligne. Dans « DMZ », le 11/09 se rappelle à nous principalement par l’existence du Ground Zero ; à part cela, il n’apparaît nulle part… mais transparaît partout.
Le génie de Wood est d’avoir pris comme base l’événement traumatique du 11/09 et la nature très « spéciale » de la politique de Bush pour en tirer une fiction bien plus large, refusant de stigmatiser une seule personne pour déployer une analyse de ce qu’est un conflit, de ce qu’engendre un conflit, de la manière la plus pragmatique qui soit. D’un récit américain sur un contexte américain, Wood a fait de « DMZ » une œuvre universelle où l’humain est au centre de tout. Du plus haut gradé au clochard, du politique au journaliste, de l’occupant à l’occupé, du rebelle au traître, c’est tout l’éventail des fonctionnements et dysfonctionnements humains vécus sous le stress d’un état de siège violent qui est ici analysé, avec cœur mais aussi sans aucune concession, aussi durs soient les faits. En appliquant l’idéologie guerrière de Bush sur le propre territoire américain par le biais d’une nouvelle guerre civile, Wood interroge la société américaine droit dans les yeux, et lui demande ce que ça fait, de subir de l’intérieur ce qu’elle inflige à l’extérieur, de loin, par l’anonymat des bulletins de vote. « DMZ » renvoie la chair à la chair, les armes aux armes, et fait s’entrechoquer les deux par l’horrible absurdité assassine qui régie le « nouveau visage de l’Amérique ». C’est poignant. Ça fait mal. C’est sans appel. Une œuvre anti-miroir déformant d’une vérité vécue par le filtre des médias mais qui se paye chaque instant par une once de chair et de sang bien réelle, elle.
Brian Wood nous met le nez dans notre merde, et ne nous demande pas de nous excuser, mais de nous expliquer, de nous regarder en face, de nous responsabiliser, d’arrêter de croire que le meurtre est ailleurs. Contrairement à d’autres œuvres sur la guerre où l’auteur expose aux lecteurs la logique du conflit, ses tenants et aboutissants, « DMZ » trouble par cet accent de lucidité terrible qui nous fait comprendre que les choses les plus horribles peuvent arriver sans aucune cohérence, aucune explication autre que celle de l’absurdité meurtrière en marche à tous les stades de l’être, responsables cachés bien loin derrière des bureaux, des murs, des lois, des intérêts. Mais dehors, la mitraille charcute et mutile à chaque coin de rue. Wood nous fait comprendre qu’en cas de conflit plus rien ne tient, et qu’il serait romantique ou naïf de penser pouvoir tirer une philosophie, une leçon de la guerre. La seule leçon consiste à accepter que tout peut arriver sans aucune autre raison que la déraison, et que cet état de fait engendre une réalité vécue par des gens comme vous et moi. Un truc bien dégueulasse. Preuve en est les différentes préfaces signées par des personnalités parfois venues de la vie militaire. Ainsi, celle de John G. Ford, vétéran de l’Armée et de la Navy, affecté en Afghanistan et en Irak, vaut tous les discours en mettant les points sur les i et en disant combien « DMZ » réussit à parler de la réalité de la guerre comme aucune autre œuvre ne l’avait fait auparavant.
Dans « Travaux publics », il est question des immondes transactions et arrangements faits entre Trustwell, compagnie qui s’occupe de la reconstruction de New York, et le milieu terroriste. Une fiction qui fait froid dans le dos et donne envie de vomir. Fiction, vraiment ? Pas sûr… Le volume 4, « Tirs amis », est l’un de mes préférés. Il met en exergue le sens et la responsabilité de l’Armée dans son ensemble ainsi que les logiques en amont et en aval d’une bavure militaire catastrophique. Très loin du manichéisme, Wood met chacun devant ses responsabilités mais démontre aussi à quel point la réalité et le sens des choses sont durs à cerner, à comprendre, à assimiler. Que va trouver Matty Roth derrière ses interviews des principaux intéressés ? Un jugement équitable est-il possible ? Quel sens a la justice ? Est-ce que par hasard on ne se foutrait pas de notre gueule ? Au-delà de la guerre, Wood questionne la réalité de notre humanité actuelle, celle à qui on ment, celle qu’on manipule. Comme le pense Matty, « on ne mérite pas mieux que ça ? ». « DMZ » est définitivement une œuvre nécessaire, dure mais humaniste, rare et puissante. Portée par les très beaux dessins de Riccardo Burchielli, elle est considérée par beaucoup comme un chef-d’œuvre, à juste titre. Tout simplement magistral.
Cecil McKINLEY
« DMZ » T3 (« Travaux publics ») par Riccardo Burchielli et Brian Wood Éditions Urban Comics (15,00€) – ISBN : 978-2-3657-7069-9
« DMZ » T4 (« Tirs amis ») par Riccardo Burchielli, Nathan Fox, Kristian Donaldson, Viktor Kalvachev et Brian Wood Éditions Urban Comics (14,00€) – ISBN : 978-2-3657-7070-5
« DMZ » T11 (« Châtiment collectif ») par Brian Wood & co Éditions Urban Comics (13,00€) – ISBN : 978-2-3657-7068-2
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Cecil McKinley
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