« L’Écureuil du Vel’ d’Hiv » par Christian Lax

Pour conclure sa trilogie sur la Petite reine qui met en scène des destins imaginaires mais nourris à l’histoire du cyclisme et à l’histoire, tout court, Christian Lax a voulu parler de ces courses réalisées par des équipes de deux cyclistes qui roulaient, sans interruption, pendant six jours et six nuits d’affilée. Ces épreuves sportives, qui ont connu un véritable âge d’or pendant la première moitié du XXe siècle (mais qui ont presque toutes disparu aujourd’hui), étaient menées dans de grands bâtiments couverts, dont le tristement célèbre Vélodrome d’hiver de Paris : le Vel’ d’Hiv.

C’est ainsi qu’après l’extraordinaire parcours d’Amédée Fario sur la route du Tour de France d’avant la Guerre de 14-18 dans « L’Aigle sans orteils » (en 2005) et les raids d’Élie Ternois sur l’enfer des pavés du Nord, entre Paris et Roubaix, dans « Pain d’alouette » (en 2009 et 2011), « L’Écureuil du Vel’ d’Hiv » s’attache aux années d’Occupation vécues par Sam Ancelin, coureur cycliste sur piste dont les exploits sont particulièrement appréciés d’un public populaire, et par son frère Eddie, atteint d’une infirmité de naissance. À force de ténacité, ce dernier va devenir journaliste de la presse de l’ombre mais il continue à être ignoré par son médecin de père, lequel ne semble avoir que Sam pour fils et qui passe ses nuits à se perdre dans le jeu, avec des officiers allemands…

            Comme dans les opus précédents, le vélo n’est bien sûr qu’un prétexte pour l’auteur… Tout en évoquant, avec pudeur, l’histoire du Vel’ d’Hiv – ce lieu de bonheurs et de malheurs partagés (notamment avec la rafle du 16 juillet 1942 où plus de treize mille Français de confession juive, arrêtés par la police française, y seront enfermés dans des conditions inhumaines) qui est le personnage principal du récit -, il va surtout nous parler de la famille, du handicap, de la liberté… : bref, de la vie d’hommes ou de femmes humbles et passionnés, tout simplement.

            La reconstitution et le propos sont d’autant plus poignants, que le travail sur le trait réalisé aux feutres (sans encrage), sur les couleurs directes (une bichromie de jaune et de gris sépia dont Lax a souvent usé, auparavant) et sur les cadrages et les mouvements, est pertinent… Cette charge aussi technique qu’historique ou qu’émotionnelle nous prouve, une fois de plus, que Lax est bien l’un des auteurs majeurs du 9e art contemporain : certains, comme l’équipe organisatrice du festival bdBOUM de Blois qui l’honore cette année avec la charge de président et une exposition rétrospective de son œuvre (concoctée par Patrick Gaumer) qui s’annonce magistrale, en sont persuadés depuis longtemps…

                                   Gilles RATIER

« L’Écureuil du Vel’ d’Hiv » par Christian Lax

Éditions Futuropolis (15 €) – ISBN : 978-2-7548-0780-7

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