Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 29 SEPTEMBRE 2008
? Exauce-nous ? par Bihel et Makyo, ? Le petit prince ? par Sfar et ? Dantès T.2 : Six années en enfer ? par Juszezak, Boisserie et Guillaume.
? Exauce-nous ? par Frédéric Bihel et Makyo – Editions Futuropolis (19 Euros)
Cette belle histoire d’amitié, mettant en scène un simple d’esprit habitant d’une petite ville de la Sarthe, démontre, une fois de plus la maestria scénaristique de Pierre Makyo, lequel se renouvelle continuellement, ne se cantonnant pas aux récits ésotériques et fantastiques qui ont fait sa réputation… Frank, un jeune scénariste qui essaie de vivre de ce métier pas toujours bien payé, connaît bien Léonard le ravi : un jeune homme, dont on se moque gentiment, surtout lorsqu’il demande invariablement, à toutes les personnes qu’il rencontre, si elles n’ont pas vu « celle qu’il cherche ». Frank a aussi remarqué, qu’à plusieurs reprises, des gens dans une situation difficile finissaient par s’en sortir, après qu’ils aient échangé quelques mots avec lui et que ce dernier ait prononcé un sécurisant « Ca se passe » : comme si c’était un don pour porter chance. Notre scénariste en mal d’inspiration teste sa théorie en se rapprochant de Léonard et en essayant de mieux connaître le passé de ce personnage assez étrange et mystérieux. Un scénario attachant et efficace, qui, surtout, met en valeur le long travail qu’a dû effectuer le dessinateur Frédéric Bihel pour changer et améliorer son style : son évolution étant ici très convaincante, en tous cas beaucoup plus que lors de ses précédentes tentatives aux éditions Glénat. Il semblerait même que ce soit un point commun à de nombreux graphistes qui se retrouvent au catalogue de Futuropolis : des gens comme Vincent Bailly ou Etienne Le Roux, par exemple, ayant, eux aussi, changé leurs traits plus conventionnels, pour aboutir, chez cet éditeur, à une reconnaissance plus grande de la part des critiques et, nous l’espérons de tout cœur pour eux, du public.
? Le petit prince ? par Joann Sfar d’après Antoine de Saint-Exupéry – Editions Futuropolis (19 Euros)
S’il vous plaît… Dessine-moi un mouton ! Tout le monde connaît l’histoire de cet aviateur bloqué dans le désert et réveillé par un enfant blond demandeur. C’était donc un sacré défi que celui d’adapter en bande dessinée, pour la très belle collection « Fétiche » des éditions Gallimard, ce conte emblématique d’Antoine de Saint-Exupéry ; d’autant plus que ce dernier avait quand même illustré son récit, lui-même, avec quarante-cinq dessins, tous imprimés dans les mémoires. Et pourtant, sans systématiquement tout montrer, mais en respectant le texte d’origine tout en sublimant sa poésie grâce à une mise en images assez simple (ponctuée, quand même, sporadiquement, par quelques petites audaces graphiques), Joann Sfar, l’auteur du « Chat du Rabbin » s’en tire la tête haute ! Il faut dire que les correspondances entre le parcours initiatique du Petit Prince, de sa rencontre avec le pilote-écrivain en panne d’avion à ses errances d’une planète à une autre, avec l’œuvre de ce surdoué de la bande dessinée moderne sont assez nombreuses : philosophie et mélancolie étant largement au rendez-vous…
? Dantès T.2 : Six années en enfer ? par Eric Juszezak, Pierre Boisserie et Philippe Guillaume – Editions Dargaud (10,40 Euros)
Avec ce deuxième épisode, aussi riche en rebondissements que le précédent, les points communs avec le «Comte de Monte-Cristo», sont de plus en plus évidents, et revendiqués par les auteurs de ce passionnant thriller financier : le héros s’évadant grâce à l’aide d’un compagnon de cellule expert en informatique et passionné d’Alexandre Dumas ! L’autre comparaison qui vient aussi à l’esprit à la lecture de cette descente aux enfers d’un jeune courtier de la Bourse, naïf et manipulé, qui va se venger de tous ceux qui l’ont trahi ou laissé tomber, c’est celle avec Jérôme Kerviel, le trader en garde à vue auquel la Société Générale impute une fraude record : l’actualité ayant rattrapé la fiction ! Et c’est tant mieux pour cette modernisation de l’histoire d’Edmond Dantès en un thriller financier haletant, puisque cette affaire a boosté le projet d’adaptation au cinéma de la BD ! Il faut dire aussi que le co-scénariste, Philippe Guillaume, sait de quoi il parle : c’est un grand journaliste qui est aussi directeur du service des marchés financiers du quotidien Les Echos (et également vice-président de l’ACBD, l’association des critiques et journalistes de bandes dessinées : poste qui confirme son vif intérêt pour la bande dessinée) ! Son association fructueuse avec l’auteur de «La croix de Cazenac» ou de «Flor de Luna» résulte sur un scénario tout à fait crédible et parfaitement fluide, efficacement mis en images par le trait réaliste d’un Erik Juszezak, très à l’aise dans l’exercice !
Gilles RATIER