Quel plaisir, après des années et des années de chroniques sur les nouvelles parutions concernant le 9e art, de continuer à découvrir des auteurs prometteurs qui, d’emblée, semblent vraiment maîtriser les codes narratifs et graphiques de la bande dessinée ! C’est d’autant plus méritoire quand il s’agit d’un premier album en ce domaine : ce qui est le cas de Pierre Alexandrine avec son « Amourante ». Ce dense ouvrage de 230 pages, édité chez Glénat, nous propose un voyage aussi palpitant qu’amusant à travers les époques et les lieux, en remettant en question notre obsession tout à fait compréhensible de plaire perpétuellement et de ne pas mourir…
Lire la suite...« La Dernière Femme » par Charles Masson

Jubilatoire road-movie existentiel, le dernier livre du médecin Charles Masson est en apparence, mais en apparence seulement, beaucoup plus léger que ces précédents romans graphiques également publiés dans la collection Écriture de chez Casterman : que ce soit « Soupe froide » (sur les SDF), « Bonne santé » (sur les malades en fin de vie) ou « Droit du sol » (sur la misère des clandestins de Mayotte) qu’il nous narrait, pourtant, avec humanité et empathie…
Ici, le héros s’appelle Albert, la cinquantaine bedonnante, et il roule de l’Allemagne vers Lyon, dans une belle voiture de luxe. Pour « faire la conversation » pendant la route, il prend en stop un garçon que l’on suppose être son reflet imaginaire, en plus jeune, et commence à lui raconter sa vie. Notamment son triste parcours sentimental, lequel s’appuie sur les vingt-six lettres de l’alphabet : l’initiale des prénoms de ses maîtresses suivant strictement cet ordre drastique. Et le constat semble en effet bien cruel, d’autant plus que sa dernière conquête, Yolaine, le fait tourner en bourrique et leur relation, proche de la rupture, semble vouloir lui confirmer son incapacité à aimer durablement et à atteindre, un jour, la lettre Z !
Ce prétexte, limite « OuLiPien », permet donc à ce bourgeois lamentable, et même finalement assez détestable, d’enfiler complaisamment un beau chapelet de scènes amoureuses, amusantes ou érotiques, que l’auteur met en scène de façon jamais vulgaire et à un rythme soutenu (en les ponctuant de dialogues drôles et imagés), tout en les dessinant d’un trait toujours fluide et agréable. D’ailleurs, on remarquera que le style de Charles Masson se bonifie d’ouvrage en ouvrage : de plus en plus minutieux et dynamique à la fois, de plus en plus BD et de moins en moins expérimental !
Quant au lecteur, il se surprendra à jouer complètement le jeu, alors que l’exercice aurait pu lui paraître ennuyeux (vingt-six lettres, cela aurait pu être long !), et à se poser autant de questions sur la vie à deux que le « héros » de ce divertissant bilan amoureux !
Gilles RATIER
« La Dernière Femme » par Charles Masson
Éditions Casterman (14 €) – ISBN : 978-2-203-04899-7