Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...Les aventures mouvementées des « Gringos Locos »
Le 3 août 1948, André Franquin, Maurice de Bévère (Morris), Joseph Gillain (Jijé), sa femme et ses quatre enfants, dont un bébé de quinze mois, embarquent sur le Neuw Amsterdam à destination de New York, en même temps que 1 222 autres passagers, qui, comme eux, voulaient émigrer aux États-Unis.
Les motivations étaient diverses: « L’idée nous est venue d’aller en Amérique, pas pour faire un voyage, mais pour émigrer, comme des pionniers » dit Jijé dans RTP n°33, page 34. « Moi je voulais simplement être avec les copains, c’est tout » avoue Franquin à Numa Sadoul dans « Et Franquin créa Lagaffe », page 43. « Moi j’avais deux buts : découvrir enfin ces paysages d’Amérique que je dessinais depuis quelques années et aussi voir comment travaillaient les professionnels de là-bas. » confesse Morris dans « La Face cachée de Morris », page 10. Débarquant à New York, le 10 août, la petite troupe doit patienter deux semaines pendant que Joseph fait valider son permis de conduire, puis, à huit dans une Hudson Commodore d’occasion, part en droite ligne vers Los Angeles, fief de Walt Disney et, croient-ils, de la bande dessinée. Le 2 septembre, ils atteignent enfin Los Angeles, où ils apprennent avec stupéfaction que: a) Walt Disney a licencié un tiers de son personnel b)et que le centre d’édition des comics est à New York.
Double déception ! D’autre part, leur visa pour les USA, touristique, n’est valable que trois mois.
La famille Gillain prend donc la direction du Mexique, pour lequel ils ont un visa illimité, le Mexique le plus proche, c’est à dire Tijuana, ville frontière où prospèrent les bars à putes pour les marins de la base de San Diego. Morris et Franquin les y rejoindront un peu plus tard. Là s’arrête le premier tome : « Gringos Locos ».
Le 17 décembre, la petite troupe repasse la frontière et, en huit jours, traverse l’Arizona, le Nouveau Mexique et une partie du Texas ; puis passe la frontière à Laredo, où ils laissent l’Hudson, et continuent en train vers Mexico.
La famille Gillain s’établit à Cuernavaca dans les faubourgs, tandis que Franquin et Morris logent à Mexico. En juillet 1949, la famille Gillain obtient un permis de séjour d’un an pour les États-Unis et s’installe à Wilton, petite ville à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de la ville de New York. Franquin et Morris vont faire un peu de tourisme du côté de Chicago puis rallient New York. Franquin, nostalgique, rembarque pour la Belgique fin juin 1949 tandis que Morris s’installe plus astucieusement et plus durablement : un visa étudiant lui permettra de rester jusqu’en 1955. Par l’intermédiaire de Montmarson, un voisin français, Joseph fait la connaissance de René Goscinny et lui présente Morris. Annie et les enfants rembarquent en juillet 1950, Joseph quelques semaines plus tard. Tel sera le sujet du deuxième tome, « Crazy Belgians », dont la réalisation est remise sine die…
Les pérégrinations mexicano-étatsuniennes des trois quarts de la « bande à quatre », en 1948-50, ont désormais acquis un statut quasi mythique dans le petit monde des aficionados de la bande dessinée franco-belge.
Souvent évoquées dans des interviews de, ou articles sur Jijé(1), Franquin(2), Morris(3) ou Will(4), voire Goscinny (5) ou Charlier (6), cette épopée loufoque a même donné lieu à une bribe de bande dessinée, trois célèbres images de « La Vie exemplaire de Jijé » par Yves Chaland, Serge Clerc et Denis Sire(7).
Il manquait un ouvrage, voire deux, regroupant les péripéties et aventures rocambolesques de ce périple devenu légendaire. C’est chose(à moitié) faite avec un album Dupuis intitulé « Gringos Locos ». Il retrace, par le menu, avec quelques fantaisies et entractes oniriques, ici et là, sous la plume acérée de Yann Lepennetier et le pinceau virtuose d’Olivier Schwartz, la première partie du parcours, de New York à Tijuana, avec quelques flashbacks.
L’album a été pré-publié, in extenso, au moins deux fois : dans L’Immanquable du n°11(11.2011) au n°14(2.2012) avec une interview de Yann de trois pages et dans Spirou n°3842(30.11.2011) au n°3847 (4.1.2012) avec couverture inédite au n°3842, interview de Yann aux numéros 3842 et 3843 et interview de Schwartz au n°3844. L’histoire aurait été aussi en partie pré-publiée dans le quotidien belge Le Soir. Il y a une interview de quatre pages de Yann avec quatre pages de l’histoire commentées par Schwartz plus la couverture de CaseMate n°44 (1.2012). La sortie de l’album était prévue pour le Festival d’Angoulême, le 27 janvier.
Et là, crac! La catastrophe ! Les enfants Gillain et Franquin (parait-il) protestent : leurs pères ont été diffamés ! Ils menacent d’un procès. Sur quelles bases juridiques ? Non-droit à la parodie ? Certains journalistes surexcités parlent même de pilon pour les 35 000 exemplaires de l’album ! Dans un souci d’apaisement les éditions Dupuis se couchent, et repoussent la sortie de l’album, qui paraît finalement le 4 mai, avec un cahier dépliant de dix pages, collé en troisième de couverture, contenant le « droit de réponse des héritiers Gillain et Franquin ». On avait déjà vu une réaction de Laurent sur L’Express (belge), en janvier, et une interview de Benoît sur quatre pages dans L’Immanquabledu joli mois de mai, illustré de photographies d’époque.
Bien sûr il a fallu un peu romancer ces bribes éparses de souvenirs lointains et parfois contradictoires pour pouvoir en faire une histoire suivie, grossir le trait pour en faire une histoire drôle.
On n’est pas dans « Don Bosco », « Emmanuel », «Bernadette de Lourdes » ou « Charles de Foucauld ». Jijé est souvent décrit comme un personnage « truculent » voire « bouillant » par ceux qui l’ont bien connu, de là une tendance à le faire souvent jurer, en Bruxellois de préférence, pour faire couleur locale.
Il n’y a pas de quoi fouetter un dialoguiste. Ce « Godferdoume ! », qui fait tant tiquer les héritiers, est d’ailleurs d’abord sorti de la plume de Dominique, la propre fille de Joseph, qui l’a mis dans la bouche de son père Joseph, page 3 du tome 1965-1967 de la série Tout Jijé en avril 1997.
D’autre part je n’ai relevé dans la bouche de Joseph que sept Godverdomme (ou Godverdoum), trois Podverdeke, sept Nom de Djou, trois Fourt et trois Tudju dans l’album, soit un juron toutes les deux pages. C’est peut-être trop. Mais de New York à la fin du séjour à Tijuana, six mois se sont écoulés. Un juron tous les huit jours, ce n’est pas énorme quand même. C’est presque trop poli. Curieusement les Godverdoum et Podverdeke ont disparu de l’album, remplacés par de plus banals Tudjuuu et Nom de Djuuu.
Il y a aussi quelques clins d’oeil. Pour éviter les tarentules ils passent une nuit dans le Bates Motel, allusion au film d’Hitchcock : « Psychose ». Le rêve dans lequel Jijé croit tirer encore et encore sur le même soldat allemand n’est qu’un démarquage d’une célèbre séquence de « Tintin au Congo » où le héros à la houppette massacre un troupeau d’antilopes, mais pas en rêve, lui. Ce démarquage anodin et subtil semble avoir échappé aux héritiers. Que la logeuse irascible, Mme Krompout, soit le sosie graphique de l’Hortense Pinçon de « Spirou chez les pygmées » n’est pas une coïncidence, je suppose.
Celui des descendants choisi pour parler au nom de la famille, Laurent Gillain, né en 1956, est curieusement celui qui n’était ni conçu ni même envisagé au moment de ce fameux voyage.
Certaines critiques précises, concernant notamment le partage du prix des repas (faux d’après Benoît) et le logement d’André et Maurice à Tijuana (faux d’après Benoît) sont ridicules, contredites par les propos même de Joseph Gillain
ou de son épouse Annie dans des interviews anciens (1), (2), (3), (4).
Reste le mouchoir noué sur la tête pour se protéger du soleil, issu, lui, d’une case d’Yves Chaland,
ou d’une photo de Jean-Michel Charlier
ou de Tintin et le capitaine Haddock dans « Le Crabe aux pinces d’or ».
Joseph sur son prie-dieu
a sans doute été inspiré par un autre dessin de Chaland.
Gillain s’est lui-même représenté en tricot de corps.
Reste le problème des bretelles, effectivement. Inspirées sans doute par celles d’Haddock dans« Le Crabe aux pinces d’or ». Ce qui est assez amusant c’est que Benoît utilise, pour qualifier cette tenue, l’expression « petit paysan franchouillard », qui aurait plutôt tendance à démontrer l’échec de la pédagogie de la tolérance de son saint père doublé d’ une totale méconnaissance du code vestimentaire rural français…
Benoit Gillain est certainement quelqu’un de fin et d’intelligent, mais en lisant son interview collée dans « Gringos Locos », chez mon libraire habituel, plusieurs détails m’ont fait douter de la fiabilité de sa mémoire :
- comment a-t-il pu voir plusieurs fois sur le bateau qui l’amenait aux States (août 1948) le film « Cheaper by the Dozen » dont la première eut lieu à New York en mars 1950 ? N’aurait-il point confondu avec le voyage retour ?
- comment a-t-il pu avoir une insolation dans la vallée de la mort si Joseph a fait route directe de NYC à LA ? C’est nettement plus au nord, et n’est traversé que par de petites routes!
Benoît Gillain a fait carrière dans la publicité. De là à le soupçonner d’essayer de faire un « coup médiatique » pour mieux promotionner le travail de son père, cruellement négligé par la nouvelle génération, il n’y a qu’un pas, que je ne franchirai pas…
Toute cette histoire est ridicule. Le plus drôle est l’autocollant publicitaire de couverture qui souligne « L’épopée américaine des auteurs de Spirou, Lucky Luke, Gaston », passant aux oubliettes Valhardi, Jerry Spring, et autres Blondin et Cirage… Où va se nicher l’ironie!
Reste un excellent album que je ne saurais que trop vous conseiller, ne serait-ce que pour vérifier que je ne me suis pas trompé encore une fois.
Jacques DUTREY
Mise en page : Gilles Ratier, aide technique : Gwenaël Jacquet
(1) Spirou n°923 (22.12.59), Phénix n°16 (1971), Haga n°12/13 (1974), RTP n°33 (1975), Schtroumpf n°39 (1979), « Vous avez dit BD… » (1983), Hop ! n°40 (1986), L’Âge d’Or n°10 (1988).
(2) « La Bande à 4 » (1981), « Et Franquin créa Lagaffe » (1986), « Le Duel Tintin-Spirou » (1997).
(3) Spirou n°1513 (13.4.67), Schtroumpf n°43 (1980), Haga n°44 (1980), « L’Univers de Morris » (1988), « La Face cachée de Morris » (1992), « Le Duel Tintin-Spirou » (1997), BoDoï n°28 (mars 2000).
(4) « Le Duel Tintin-Spirou » (1997).
(5) « Tout Jijé 1956-1957 », page 53-58.
(6) Schtroumpf n°37, page10.
(7) Métal Hurlant n°64 (6.81), repris dans « L’Année de la bande dessinée 81-82 » chez Temps Futurs, page 118, puis dans Séduction de l’innocent n°4 (1989), page 24, et sans doute ailleurs (merci de me dire où).
« Gringos Locos » par Olivier Schwartz et Yann
Éditions Dupuis (14,95 €) – ISBN : 978-2-8001-5300-1
Le coup de l’autocollant publicitaire de couverture avec « L’épopée américaine des auteurs de Spirou, Lucky Luke, Gaston » est tout bonnement atroce. Honteux!
j’ai adoré cet album et je suis certain qu’ANDRE,JOSEPH et MAURICE l’auraient dégusté avec beaucoup de plaisir et de joyeux éclats de rire.
Vivement la suite!
Un coup de doigt maladroit m’a fait écrire 1948 au lieu de 1949 dans la phrase « arrivée à Laredo (Texas) à Noël 1948 et repartie du Mexique en juillet 1948″ [c'est corrigé, désormais, ndlr].. Il leur était difficile de repartir six mois avant d’arriver. Il faudrait être de bien mauvaise foi pour voir là autre chose qu’un coup de doigt maladroit d’un dactylo assez nul.
Jacques Dutrey
SPIROU ET LES HERITIERS.
Je sens que je vais devenir désagréable (Etienne Robial)
Synopsis 1. Les enfants des héritiers des dessinateurs Dupuis : Jijé, Franquin, Morris se retrouvent devant le notaire. Non seulement ils récupèrent de copieux droits d’auteur mais en plus ils veulent nous faire la morale, à nous lecteurs. La gaudriole, ça se paie. Le notaire précise qu’ils ne pourront récupérer cet héritage moral qu’à la suite de longs procès. Mais tout argent est bon à prendre, surtout pour ceux qui l’ont dilapidé sottement ou ceux qui sont incapables de gagner de l’argent par eux-mêmes….
Développement en 48 pages 4 coul…
Attaque frontale. Mais qui sont-ils ces héritiers pourris de fric (pas vrai, Mlle Franquin ?) qui viennent nous voler nos souvenirs de jeunesse et nous rendre la bande dessinée insipide ?
De quel droit se réclament-ils ? De quel respect sommes-nous donc les héritiers ? Leurs parents passent pour des idiots, pour ne pas dire des cons : Plaisante erreur de jeunesse pour nos mousquetaires belges partis aux Amériques pour gagner fame and fortune. Alors, déconnons joyeusement sur le sujet. Jijé, Franquin, Morris nous ont fourni la matière à moquerie et caricature. Usons-en. C’est notre hommage via un couple de créateurs talentueux et qui régalent les vieux lecteurs que nous sommes. Cela ne fera en fait que renforcer notre admiration pour ces trois-là et dans le rire.
Au fait le respect, messieurs-dames les héritiers, c’est quoi le respect ? Et qui nous a appris la gaudriole, les situations échevelées, l’humour, la caricature?. Quelques rappels s’avèrent nécessaires : Création d’un animal loufoque et charmant mais bien loin de la biologie réelle : le marsupilami (La connaissance scientifique jetée aux orties, les savants présentés comme des rêveurs ou des fous furieux) Dézinguage en règle des dictatures et de l’armée en général ainsi que des marchands de canon : Le dictateur et le champignon. Moqueries diverses, appuyées et prolongées du Maire de Champignac (Non respect des élus du peuple). Touristes tournés en ridicule (Corne du rhino, en Afrique du Nord), bons blancs jetés comme des malpropres par un gros chef de tribu (Toujours la corne), Africains se servant du dentrifice comme peinture de guerre (Blagues considérées aujourd’hui comme racistes ?), vieil alcoolo flingueur de la faune africaine symbolisant la réalité de la colonisation (Toujours la corne), Bagarres diverses au couteau dans Jerry Spring (censurées naguère), cow-boys ivrognes (toujours Jerry Spring), Laverdure symbolisant toute la bêtise de l’armée française, et Tanguy toute sa capacité de nuisance. L’agent Longtarin moqué et vilipendé en permanence (Gaston). Les parcmètres sabotés et détruits (toujours Gaston): véritable appel au sabotage digne d’un Emile Pouget. Gaston : application dans le réel du Droit à la Paresse (Lafargue). Quant à l’histoire du western revue et corrigée, parlons-en. Les pires canailles du far-west transformées en pauvres hères alors qu’ils furent tous des individus dangereux, profondément malades (qui se moque des malades ?) et souvent aussi des assassins.
Voilà pour la leçon de morale. Qui nous appris le rire ? Qui ?
Alors de quoi vous plaignez-vous, vous, les héritiers ? Votre véritable héritage est là : Mon père a fait rire trois générations de mômes. Bien sûr, aux dépends de toutes les vieilles barbes de cette époque passée.
Chapitre 3. Quand on veut parler de morale dans les affaires on balaie d’abord devant chez soi. Si vous voulez protéger la mémoire de vos pères il faudrait d’abord et avant tout arrêter de laisser publier des suites, vies parallèles, ersatz, fac-similés, addendas divers des héros des années 50-60. Honte sur vous pour autoriser la publication des aventures du Marsupilami lyophilisé, émasculé, reformaté, etc… Il existe en français un mot pour définir ce genre de travail : de la merde. Relisez le Nid du Marsupilami, vous comprendrez alors ce que je veux dire a propos de ces reprises. Que Franquin les ait naguère autorisées dans sa grande gentillesse ne vient pas contredire ce que j’affirme.
Honte sur vous pour laisser l’oeuvre de Morris (même si l’âge l’avait poussé à se faire aider ses dernières années) continuer dans de telles conditions : dessins nuls, humour de télé, etc…
Honte sur vous pour avoir laissé le personnage de Spirou aux mains d’incompétents durant trois décennies. C’est seulement ces dernières années que les personnages ont repris de la couleur (à votre corps défendant, peut-être ?)
Tous ces personnages ne vous appartiennent plus, pas plus que l’image de vos pères. Au même titre que Dracula, Frankenstein, Robinson Crusoé, Gulliver, Pinocchio, mille autres encore. Nous vous payons, via les droits d’auteur, pour que vous nous foutiez la paix.
Et puisque vous affirmez être vilipendés via l’image soi-disant dégradée de vos géniteurs respectifs, nous vous promettons une vie aux Amériques dessinée par un Vuillemin, scénarisée par un Gourio. Ca vous irait ?
Salutations d’usage.
DT
Bon, puisque personne ne veut me le dire, je vais répondre à ma note (7):
c’est dans BANG n°6 d’avril 2004.
Et où encore?
Je trouve les critiques contre les héritiers de Jijé et Franquin un poil exagérées. A priori je serais plutôt tenté de penser qu’ils connaissent aussi bien, voire mieux, leurs parents que Yann.
Dans Gringos Locos, Jijé est décrit comme quelqu’un de certes assez exubérant (sans doute moins que ce qu’il n’était en réalité) mais aussi de mesquin, radin et plutôt très con. Il y a des tas de témoignages d’auteurs l’ayant connus qui existent et décrivent le bonhomme (Franquin, Morris, Mézières, Giraud, Will, Rossi, Dimitri mais aussi des portraits abordant ses mauvais côtés comme celui apporté par Fred Funcken dans « le duel Tintin-Spirou »). La crétinerie et la radinerie ne sont pas des traits qui ressortent vraiment (on trouve même des témoignages racontant comment, chargé par Franquin et Morris d’aller négocier des contrats pour eux des contrats, il leur obtient plus que ce qu’il est lui même payé). Bref, s’il ne faut pas interdire le livre de Yann et Schwartz qui reste assez marrant (pour ceux qui ne sont pas de la famille des intéressés) et qui est vraiment bien dessiné avec des couleurs très réussies, le dossier supplémentaire avec le point de vue des héritiers me semble légitime et finalement apporte un plus à l’ouvrage.
Je ne trouve pas que « Gringos Locos » décrive Jijé comme un personnage mesquin ou radin. Que le prix des repas soit partagé est un fait avéré par Annie et parfaitement normal : Jijé avait cinq personnes à charge alors que Morris et Franquin étaient célibataires.
Il ne le présente pas non plus comme « plutôt trés con », au contraire : il a un sens pratique développé, même si ses inventions sont parfois plutôt farfelues. Le bouquin le montre bien.
Que les héritiers aient eu une autre vue de leurs parents est normal, certes, mais lorsque leurs témoignages sont contredits par les témoignages de leurs parents eux-mêmes, je trouve ça assez amusant. Pas vous?
N’oublions pas que les enfants étaient fort jeunes à l’époque et pour certains même pas nés! Leurs souvenirs sont souvent contredits par la réalité historique, temporelle ou géographique, et j’ai trouvé ça bizarre, c’est tout.
A part les photos je n’ai rien trouvé dans le « droit de réponse » (qui n’en est pas un, juridiquement, ne l’oublions pas) qui contredise vraiment la version un peu romancée de Yann et Schwartz.
Ce que vous dites n’est pas faux et j’ai sans doute été un peu sévère avec le scénario de Yann mais je dois dire que j’attendais avec une certaine jubilation cet album, que j’ai été assez déçu et que je comprends assez bien que les enfants de Franquin et Jijé soient dépités par le résultat.
Je pense qu’il y a vraiment un gros soucis dans la manière dont Yann a choisi et mis en scène les anecdotes (surtout dans les vingt dernières pages qui sont bien plus faibles que le début). Le fait que ces anecdotes aient souvent une base réélle n’arange en rien les choses. Comme vous le précisez, il était parfaitement normal que le prix des repas soit partagé mais de la manière dont ça tombe dans l’histoire, ça donne à penser que Jijé était radin … par conséquent, quel intérêt ? De même, Jijé semblait pour de vrai craindre une troisième guerre mondiale (ce qui à l’époque n’était pas complètement absurde) mais le fait qu’on le retrouve priant à genoux au premier coup de tonnerre le présente vraiment comme un sacré con.
Bien sûr, c »est vrai que les enfants de Jijé n’ont pas forcément de souvenirs fiables de ce voyage, qu’il l’ont peut-être idéalisé et que leur rogne est peut-être exagéré mais je pense que concernant la personnalité de leurs parents, ils ont quand même une connaissance nettement meilleure que Yann. Et les témoignages de Franquin, d’Annie et Joseph Gillain ne sont pas forcément à prendre au pied de la lettre non plus. Annie et Joseph Gillain ont pu dire que Franquin et Morris dormaient chez eux dans des conditions que des prisonniers de guerre n’auraient pas accepté mais les interressés ne semblent pas en avoir parlé dans des interviews, donc est-ce que ce n’était pas un peu exagéré ? De même, Franquin se présente comme un légume mais Jijé, lui, ne parle jamais ainsi de Franquin… D’où l’impression que ces deux là sont un peu victimes « post mortem » de leur modestie.
Par ailleurs, le soi-disant hommage à la scène de chasse de Tintin au Congo, Yann l’avait déjà fait dans un album de Pin-Up, ça ne durait qu’un strip au lieu de toute une planche et c’était nettement plus a propos. Ici, on a un peu de mal à cerner l’intention du scénariste et on se demande s’il n’y avait pas mieux à raconter ? Pareil pour les aventures érotiques du Pré-Gaston mexicain…
Bref, je ne suis pas aussi sûr que Francis Groux que Morris, Franquin et Jijé soient tombés à genoux devant cet « hommage » (même s’il est bien possible qu’ils l’aient accueillis avec bienveillance).
Par contre, je suis persuadé qu’ils auraient détesté les insultes débiles de Dominique Thura contre leurs héritiers.
Si Jijé, Franquin et Morris étaient encore de ce monde les héritiers n’auraient pas osé réagir, pour commencer!
Oui, mais souvent les gens finissent par mourir et la cruelle vérité apparaît… et dans le cas de Franquin et Jijé, il faut bien se rendre à l’évidence : ils ont tout réussi sauf l’éducation de leurs gamins qui sont de sales polissons incapables d’écouter sagement les gens érudits leur expliquer comment étaient leurs papas…
Mais je vais arrêter là, parce que le pire c’est que Yann est un scénariste que je trouve souvent très bon et parfois excellent (Les innomables, les sirènes de Wall Street, F52, les premiers Pin-Up, le premier Sambre qui est 100 fois meilleur que les suivants ). Simplement, pour Gringos Locos, je pensais qu’il avait les cartes en mains pour faire nettement mieux… mais de toutes évidences, je suis le seul.
Mais non vous n’êtes pas seul : il y a aussi les héritiers!
Je trouve également l’article et son ton diffamant. Laissez entendre « qui sont ils pour donner leur avis?! » aux acteurs même du périple est vraiment insultant, Laurent étant ici un porte-parole. Traîner les enfants des auteurs dans la boue, c’est nul. Mais bon on ne changera pas le bibliographe sentencieux Jack « si c’est écrit c’est que c’est vrai »Dutrey et ses adeptes bdzoomiques.
Je pense que l’autre vraie bêtise est du côté de l’éditeur qui n’a pas communiqué convenablement sur ce projet. J’avais proposé à Yann de faire un making-off évoquant la manière passionnante dont il a recueilli l’information à Morris et Franquin en préface de l’ouvrage bien avant sa finition, on, s’était mis d’accord mais l’éditeur n’a pas réagi… et s’est retrouvé des mois plus tard acculé à mettre en aval, en partie sous une menace de pilon, un avertissement au lecteur sur feuille volante, une note type « warning » sur le fait que c’est une fiction, et , en fin de volume une interview de Yann par l’éditeur et un dossier complet type « droit de réponse » collé à même l’ouvrage et présenté comme les textes liés aux intégrales…Et enfin rajouter sur l’album un autocollant du type « l’épopée américaine des auteurs de Spirou, Lucky Luke et Gaston » et utiliser sur la bande annonce web les vraies signatures graphiques des auteurs, sont autant d’éléments vraiment navrants. C’est une fiction et toute fiction qu’on le veuille ou non est basée sur des faits réels, comme toute Histoire, que l’on veuille ou non, a sa part de subjectivité. L’oeuvre de Yann et Schwartz tient du grand Guignol, genre que j’apprécie, et ce n’est pas un documentaire à prendre au pied de la lettre.
Sur une note plus légère, aller jeter un oeil sur le site de l’auteur Jean Bourguignon où il affiche une lettre de Jijé à sa jeune maman fan de Western! un bijou: http://jeanbourguignon.blogspot.be/2012/03/jije-et-giraud-un-temoignage-doutre.html
Donner à lire des extraits d’interviews déjà anciens sous forme de scans n’a rien de « sentencieux » que je sache. Que ces extraits contredisent les propos des héritiers n’a rien de « diffamant » et ne les « trainent pas dans la boue », me semble-t-il.
C’est uniquement informatif.
Que l’information ne plaise pas à monsieur Capart, c’est son droit. Mais nier des propos tenus par les acteurs adultes de cet album me parait relever du négationisme.
Je laisse monsieur Capart ravaler ses insultes. Bon appétit.
« Négationisme » les grands mots sont lachés…en avant la nuance!
je vous laisse à vos propos mister Dutrey.
Et en plus j’ai fait une faute d’orthographe (c’est « négationnisme »"qu’il aurait fallu lire)! Je remercie monsieur (« mister »?) Capart de ne pas me l’avoir fait remarquer. D’autant plus que je voulais dire « négativisme », bien sûr, nuance!
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